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princesses de science

levée, qui devina son trouble, sourit. Et, lui reprenant la main, affectueusement :

— Ma petite, est-ce que vous me jugez mal, dites ?

Elles se regardèrent toutes deux, loyalement.

— Je ne vous juge pas, répondit Thérèse.

— Cela me suffit, continua la doctoresse. Je vous dis ce qui est. Je ne me cache pas, ayant toujours agi sans honte. Le docteur et moi, nous nous aimons depuis deux mois. Le monde l’ignore. D’ailleurs chacun de nous garde son indépendance et pourtant n’est plus seul dans la vie. Le docteur Boussard aurait voulu m’épouser. Vous savez, ma chère, ce que je pense du mariage des femmes-médecins. Nous sommes d’impossibles épouses. Vous n’êtes qu’une délicieuse exception qui confirmez la règle. Il me fallait garder ma liberté entière, sans entraves, sans l’arrière-pensée de celui qui vous attend au foyer. Notre vraie devise, c’est : « Ni mari ni enfants », je l’ai cent fois répété. Mais lorsqu’on rencontre par hasard un amour pareil à celui de ce grand et cher amant, on ne le repousse pas. J’étais maîtresse absolue de mon cœur et de ma personne : délibérément, avec la pleine conscience de mon acte, je lui en ai fait le don. Je ne croyais plus au mariage religieux qui a été l’idéal moral de ma jeunesse, mais je crois moins encore au mariage légal, si révocable, et qui, n’étant qu’une imitation de l’autre, n’en a pas pu garder la force. Je vous déconcerte, je le sens ; mais, que voulez-vous ? je suis allée jusqu’au bout de ma logique.