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Page:Yver - Princesses de Science.djvu/362

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princesses de science

— Oh ! je ne te fais pas de reproche, mon pauvre ami, reprit-elle avec une tristesse infinie, je n’en ai pas le droit.

Cette phrase l’étonna tellement sur les lèvres de l’orgueilleuse Thérèse qu’il la regarda fixement, cherchant à deviner l’énigme cachée sous ces mots-là. Elle ajouta :

— Si souvent, moi aussi, je t’ai manqué quand tu avais besoin de ma présence !

Elle ne dit pas l’anxieuse soirée passée ici, dans leur chambre, à l’attendre, à le désirer, à regretter les joies finies. Cependant son accent d’humilité triste frappa de nouveau Guéméné. Ce fut comme un éclair illuminant pour lui, une seconde, le cœur de Thérèse. Il s’accusa d’avoir pris cette femme autrefois, dans son agréable tranquillité de vierge cérébrale, d’avoir éveillé dans son âme, avec le bonheur inconnu de l’amour, des besoins nouveaux, une avidité de tendresse, et de ne les avoir pas rassasiés. La bonté qui était en lui s’émut. Il eut pitié, superficiellement, légèrement, de cette belle épouse que, d’une manière insidieuse et délibérée, il abandonnait. Mais, ce soir, l’idée de vivre près de l’autre était entrée trop au vif de lui-même : il plaignit sa femme comme une étrangère qu’on voit souffrir. Il avait déjà de l’homme adultère les duplicités, les accommodements de conscience.

— Ma pauvre chérie, dit-il en l’embrassant encore, que veux-tu ! nos vies étaient ainsi faites ; le lien en était bien lâche…