Page:Yver - Princesses de Science.djvu/412

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
402
princesses de science

avons connu un grand bonheur dans l’amour le plus tendre.

Sa voix s’altérait ; elle reprit son assurance, d’un effort, et poursuivit :

— Le docteur est la nature d’homme la plus belle, la plus délicate. Dans notre ménage, il était le meilleur. Je l’aimais. J’aimais aussi ma médecine. Il faut aimer son mari uniquement. Je le savais mal ; j’aurais dû me contenter de mon grand bonheur d’épouse, j’ai voulu y joindre celui que je puisais dans mon métier… Vous voyez, madame, quelle confession je vous fais… Pendant que je me trouvais heureuse, mon mari ne l’était pas. Le partage de ma vie a été longtemps sa peine constante. La punition vint vite. J’avais un beau petit bébé que j’ai perdu, peut-être — je n’ai jamais eu le courage d’en convenir — par ma faute. Et le mari que j’aimais… je l’ai perdu aussi.

Elle ferma les yeux, un moment, se recueillit comme pour reprendre la force de continuer. Et, plus bas, péniblement :

— Voilà l’orgueilleuse et hautaine femme que vous avez devant vous, madame ; elle vous dira toute sa peine et toute son humiliation comme elle la dirait à l’amie la plus fidèle. Vous pouvez me comprendre, je le sais, et c’est pourquoi je vous ai choisie. Mon mari, qui a souffert à son foyer, qui a vu périr son rêve, m’a retiré son cœur et l’a donné à une autre femme. Cette femme, je la connais, je l’estime, mais je la juge. Elle m’a pris mon