Page:Yves - La Pension du Sphinx.djvu/137

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savez bien que je suis ardemment ambitieuse. Vous m’avez montré la première place que je désirais « dans l’aristocratie de la science à Christiania ». Or, si j’avais été interne des hôpitaux de Paris, cette place m’était assurée ; maintenant, c’est fini. Ma position équivoque de femme médecin n’a plus la sanction du titre ; c’est la plèbe qui m’attend dans le monde des savants ; c’est pour cela que je redoutais tant cette épreuve, que je l’ai travaillée avec un acharnement que je ne puis vous dire, et c’est pour cela aussi que l’échec me fait souffrir. »

On avait les yeux tournés vers elle, dans la stupéfaction de la voir dire ces choses-là le sourire aux lèvres. Un sanglot étouffé, au bout de la table, appela toutes les attentions de ce côté-là ; c’était Annette qui pleurait.

C’était une sensitive. Le chagrin des autres la martyrisait ; elle n’avait pu voir avec indifférence cette royale fille qu’était Ogoth abaissée dans l’humiliation de l’insuccès, comme la première venue. Mais à l’entendre révéler sa peine, développer la blessure que ce coup lui avait faite, et s’avouer malheureuse malgré tout l’ascendant de science, de noblesse, de prestige, qu’elle avait sur les autres, son cœur s’était fondu.