Page:Yves - La Pension du Sphinx.djvu/141

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en juger d’une autre façon, parce que ses désirs ne sont pas constants sur une même chose, et qu’il passe turbulemment d’un objet à un autre. » Vous me faites singulièrement l’effet de cet homme-là, mademoiselle. Croyez-moi, si vous aviez atteint votre but, il vous aurait paru bien vite de moins en moins désirable, jusqu’à ce que vous en soyez venue à regretter d’avoir tant peiné pour y arriver. C’est l’histoire du jeune artiste qui rêve du succès, et auquel le succès paraît insipide quand il l’a goûté pendant un tout petit nombre d’années. Vous qui êtes une si grande philosophe…

— Je surmonte ma déception, mais cela ne m’empêche pas de la sentir, monsieur. Vous même, qui ressemblez tant au jeune artiste en question, vous seriez bien malheureux si le succès insipide vous faussait compagnie tout à coup.

— Moi ? Oh ! je vous jure que si j’avais su le néant de cette gloriole qu’on appelle la célébrité, je ne me serais pas donné tant de peine pour l’obtenir. Étant jeune, je m’imaginais que c’était une tout autre chose. »

Ogoth restait sceptique ; elle eut un geste de doute et s’en revint trouver Mme de Bronchelles près de laquelle elle choisit une place, oublieuse