Page:Yves - La Pension du Sphinx.djvu/147

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Les jeunes filles, de peur de fatiguer l’enfant, s’écartaient maintenant ; la vieille bonne s’en fut reprendre sa voiture qu’elle recommença de faire rouler sur le sable de l’allée, amolli par l’humidité, et Annette, plus songeuse que jamais, se mit à suivre ses amies, pensant à ce miraculeux amour fraternel, dont le mystère avait vaincu l’autre mystère horrible de la mort.

« À force d’aimer, se disait-elle, on peut donc ce qu’on veut. »

Elle était aussi plus librement heureuse, n’étant pas gênée comme autrefois dans ses béatifiques songeries par le souvenir affligeant de l’enfant qui se mourait.

Croyez-vous qu’il pourra guérir ? demandait-elle à Ogoth, pour se débarrasser du scrupule qui l’empêchait de jouir de sa jeune vie souriante. On peut bien rarement affirmer qu’un malade ne se guérira jamais, ma petite amie, répondait la Norvégienne ; il se pourrait en effet qu’Étienne se remette. »

Alors, dans sa casuistique naïve, elle décidait qu’elle pouvait écarter de son esprit cette tristesse d’autrui, puisque cette tristesse était encore douteuse, et qu’elle se fondrait peut-être un jour dans la joie.