Page:Yves - La Pension du Sphinx.djvu/153

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une sorte de stupeur ; cette sauvage fille, timide et taciturne, qui tout d’un coup, sans qu’on l’eût interrogée, osait briser le silence dévotement fait autour de sa douleur auguste, et qui ne le brisait que pour être sarcastique, presque injurieuse, cela devait le mettre hors de lui ; il eut l’impression confuse que c’était sa propre pièce — sa pièce si pleine d’elle — qui revenait s’incarner dans la signorina, pour lui jeter cette suprême ironie ; puis, son naturel d’auteur l’emporta ; il ne pouvait savoir quelle liqueur de vengeance se condensait dans cette méchanceté, il se défit de tout ressentiment pour noter en amateur ce nouveau trait de la Florentine.

« Bon cerveau pour son âge, pensa-t-il, et mauvais cœur. »

Puis il répondit en riant :

« Je suis pris dans mes propres rets, mademoiselle ; il faut dire que vous retournez la flèche comme un Scythe. Enfin, je reçois la leçon de bon cœur ; elle m’apprend qu’il y a quelque chose de très sot à prêcher la résignation aux autres, dans l’heure où l’on n’en a pas besoin pour soi-même. Profitons-en tous, mesdames. »

Ogoth Bjoertz seule avait compris dans sa profondeur le sens caché de ce petit incident. Elle