Page:Yves - La Pension du Sphinx.djvu/201

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

morne nature d’une fin d’hiver n’était pas faite pour consoler. Plus elle marchait, plus la tristesse lui revenait poignante avec l’effroi intime du silence qui régnait là. Il n’y avait pas encore de feuilles, mais le branchage était si épais, que le sous-bois était presque sombre comme la nuit. Elle avait beau voir la tragique poésie de ce lieu, elle n’en éprouvait pas l’apaisement. Les descriptions de Nouvel lui revenaient en mémoire, et leur précision, en face de la réalité, s’accusait lamentablement dans son esprit.

« Oh ! dire qu’il a si bien senti tout cela, pensait-elle, qu’il a si bien compris l’âme de ces paysages, qu’il y a un tel poète en lui, et que c’est le même, le même… »

Et plus elle allait, plus elle s’apercevait qu’elle n’était pas une Herménégilde, que la muette sympathie du bois, les sauvages beautés des déserts, n’étaient pas faites pour remplir son cœur, et qu’elle mourrait bientôt, minée par l’épouvante sacrée de cette solitude, si elle était condamnée à y vivre. Femme, elle l’était jusqu’au fond d’elle-même ; les vagues affinités vers le monde inférieur ne lui suffisaient pas ; c’était l’humanité qu’il lui fallait, l’humanité fragile, trompeuse, mais aimée quand même des âmes