Page:Yves - La Pension du Sphinx.djvu/26

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brûlés tous les deux, elle surtout. Je l’ai épousée, madame, ce n’est pas vous qui en rirez. Seulement, ne pouvant plus être officier de marine, j’ai démissionné et je me suis fait planteur. Maintenant je suis très riche, je suis veuf, et j’ai une fille, une fille de dix-huit ans, qui a du sang noir dans les veines.

« Ah ! vous ne savez pas, vous autres, dans la mère patrie, le son qu’a cette phrase-là aux oreilles d’un colon : avoir du sang noir dans les veines ! Vous ne soupçonnez pas les drames qui se jouent ici pour une goutte de ce sang qui vient vous mourir au bout des doigts en pâlissant les ongles. Vous ne comprenez pas l’infamie qui s’attache à une peau trop mate, aux ailes trop relevées d’un nez de femme, à des lèvres trop épaisses. Vous ignorez l’inquisition qui s’attaque à chaque nouveau visage qu’on voit une première fois, pour y découvrir un vestige du type odieux. Vous ne pouvez concevoir rien de tout cela, et vous ne saurez jamais ce que ma pauvre petite Annette et moi, son père, nous avons souffert à cause de cet héritage maternel qu’a reçu l’enfant : son titre de quarteronne. Elle est vraiment fille de la bonne bourgeoisie française, délicate et raffinée, dont je suis né, mais elle