Page:Yves - La Pension du Sphinx.djvu/276

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elle embrassait la grâce, c’était une vivante figurine antique.

Aussitôt, il se fit une poussée dans le petit groupe ; on se retourna : c’étaient les deux vigoureuses Allemandes qui, s’étant entendues d’un regard, s’agitaient pour joindre Frida ; leurs yeux dardés sur le vase lançaient de la joie et de l’enthousiasme ; et toutes deux, avec la similitude de gestes qu’ont les jumelles, touchèrent du doigt le col de l’aiguière, criant dans leur accent saccadé de Wurtembergeoises :

« Ca-rafe ! »

C’était l’écho soudain, levé dans leur mémoire, de la leçon de choses donnée par Ogoth à chaque repas : pain, sel, carafe. Mlle Bjoertz sentit qu’elles avaient voulu lui causer un petit plaisir, et elle leur sourit, trouvant leur idée touchante. Les trois Ormicelli éclatèrent de rire ; misses Allen se moquaient aussi, mais discrètement et avec élégance, cachant leurs sourires dans un chiffon de dentelle qu’elles ne nommaient point mouchoir, par respectabilité ; tandis que les Italiennes poussaient des cris et des soupirs de gaîté tapageuse. La ténébreuse Vittoria elle-même semblait en avoir perdu la force de se tenir debout. André Nouvel, qui était nerveux ce soir-là, en fut impatienté.