Page:Yves - La Pension du Sphinx.djvu/28

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à bien des petites peines d’amour-propre ; tout cela c’est assez, pour que vous l’aimiez beaucoup. »

Mme de Bronchelles ne parut pas sentir l’amertume de cette réflexion jalouse, ni la vive perception de cette jalousie elle-même, si prompte à concevoir les dangers qu’elle courait. Elle connaissait à fond l’âme sensitive de Gertrude, elle la savait toute prête à compatir aux peines de la petite mulâtresse, pourvu que cette inconnue n’eût pas l’air de la supplanter dans ses ardentes amitiés. C’est pourquoi elle repartit :

« Je ferai tout mon possible pour lui rendre moins dure la séparation d’avec son père, Gertrude, mais ce n’est pas sans appréhension que j’accepte le mandat que Joseph Maviel me confie. Ce sont des natures si équivoques, si insaisissables, si ondoyantes, que ces félines mulâtresses qui n’ont ni race ni caractère. Puis le vaillant peuple nègre dont me parle Maviel et dont elle descend est aussi, il ne faut pas l’oublier, le peuple des esclaves ; et si nous autres, Français de France, nous acceptons la réhabilitation des noirs, il n’en est pas absolument de même des autres nations ; de sorte que je ne sais pas si le fait de recevoir cette jeune fille ne nous desservira pas