Page:Yves - La Pension du Sphinx.djvu/48

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cheminée, qui avait fait quelques heures auparavant l’orgueil des servantes, un tas de dattes sirupeuses commença d’exprimer sa liqueur ; en un clin d’œil, la Vierge de la commode fut entourée, comme ornements, d’une ronde de pots blancs de confitures, d’où s’exhalait l’odeur de goyave. Vinrent ensuite les amandes, les noix de coco, qui inondèrent le parquet ; puis de lourdes pastèques qui avaient calé le fond des boîtes. Et dans ce fouillis odorant, qui apportait dans la chambre d’exil une bouffée de l’air enivrant des Antilles, Annette, toute ouatée d’un immense châle de laine blanche, allait, venait, sautillait, jacassait, passant de la fenêtre à son lit où les robes s’entassaient par les soins de Gertrude, et elle rappelait ces fleurs des pays chauds qu’on transplante en leur mettant autour de la corolle un calice de coton.

« Alors vous croyez que nous irons demain à Paris ? disait-elle, les narines toutes frémissantes à cette idée.

— Mais oui, dit Gertrude, nous devons toutes aller passer la soirée chez Mme Nouvel, la mère d’André Nouvel, l’un de nos grands écrivains.

— Attendez ! s’écria la petite Annette en passant la main sur son front bistré, vous dites André