Page:Yves - La Pension du Sphinx.djvu/67

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

jouissait de son inconnu plein de promesses avec la ferveur, qu’elle apportait à tout, qui lui était venue dans les veines avec son sang mitigé, et qui faisait sa séduction. Tout le jour, cette verve intense, ce jaillissement d’entrain pour l’existence se soutint ; on s’étonna de la voir rire, ou croquer ses pastèques, ou chanter les airs de là-bas, ou coudre des agréments de mode à sa robe du soir, ou conter des histoires, ou questionner, ou répondre, avec ce perpétuel intérêt que rien ne lassait, et si vif, qu’on avait le doute de sa durée. Mais ce fut surtout le soir que cette vitalité exubérante s’exagéra jusqu’à une sorte de folie puérile. Lorsque Gertrude, qui était maintenant à jamais son amie de cœur, l’eut habillée pour le thé des Nouvel d’une robe de bengaline bleue, d’où sortait sa fine tête, légèrement teintée de beige pâle, et coiffée de ses cheveux laineux, — ce signe persistant et capricieux de la race, qui reparait quelquefois après de si nombreuses générations — elle se mira et tout à coup se mit à danser. Elle avait pour la danse le goût excessif de ses pères noirs, mais aussi leurs facultés prodigieuses de souplesse et d’esthétique chorégraphique. Elle innova pendant deux ou trois minutes, devant la Belge stupéfaite, des pas vertigineux, de son