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Page:Yves - La Pension du Sphinx.djvu/66

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retrouva, le lendemain, au réveil, en ouvrant les yeux dans sa chambre presque inconnue encore, mais où les odeurs grisantes du pays se condensaient comme dans un flacon somptueux. Elle sourit aux choses qui l’entouraient ; d’un ardent geste juvénile, elle jeta, d’un air tendre, un baiser à la Vierge dont le profil blanc se voyait de son lit, puis elle songea béatement à toutes sortes d’images décousues : le livre jaune intrigant, qui fleurait si savoureusement pour elle le vieux temps de la mère patrie ; le Paris gigantesque qu’elle allait voir ; le type magique d’écrivain qu’elle avait conçu autrefois d’André Nouvel, en lisant Blés mûrs sous le climat excitant de la Martinique ; puis les trois figures équivoques des demoiselles Ormicelli, qui avaient passé devant elle la veille, indéchiffrables et déplaisantes, et la singulière Ogoth Bjoertz, si imposante dans sa robe noire, tranchée au cou et aux poignets du col et des manchettes calamistrés qui lui donnaient l’air d’un pasteur scandinave, et la sympathique petite Gertrude, et Mme de Bronchelles, dont la surveillance allait jouer un tel rôle sur sa destinée.

Tout cela — sauf quelques petites désobligeances des Anglaises, d’Ogoth et de Giuseppa — lui revenait en mémoire agréablement, et elle