Page:Yves - La Pension du Sphinx.djvu/73

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semaines, il était clair que ses amabilités n’avaient eu d’autre but qu’une étude d’après nature. La preuve, c’est que, depuis que la pièce est achevée et qu’on la répète au Théâtre Parisien, M. Nouvel se refroidit sensiblement pour la jolie pimbêche, comme vous l’appelez si bien ; il ne lui adresse plus la parole qu’en passant, et ne s’y intéresse plus que comme à un souvenir lié à son œuvre. Je parie que ce soir si elle boit une tasse de thé ce sera tout. »

Alors l’espièglerie de « Café au lait » s’arrêta soudainement ; elle se recueillit ; elle se sentait venir une admiration tendre, presque aimante à l’avance pour cette âme poétique et sentimentale qu’elle avait cru deviner dans le jeune écrivain ; et c’était toujours à son héroïne, Martiale, qu’elle revenait naturellement. Il avait si divinement décrit l’état de son cœur blessé, et les riens insaisissables de son chagrin résigné, que, même l’ayant copiée d’après nature, il ne se pouvait pas qu’il n’y eût mis un peu de lui-même, et que les sentiments délicieux qu’il avait exprimés là ne fussent les siens. Et alors, quel rêve, se disait la créole, quel rêve d’être vue, peut-être remarquée, peut-être aimée par cet homme qui l’aimerait avec le cœur de Martiale virilisé !