Propos japonais/24

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Imprimerie franciscaine missionnaire (p. 219-232).

MOYENS D’APOSTOLAT


L’urgence exceptionnelle de la conversion du Japon, surtout les obstacles extrêmement sérieux, qui entravent le progrès du saint Évangile en ce pays, ne sont pas sans faire déjà soupçonner quelque peu les moyens qui s’imposent, avec certaines chances de succès.

Toutefois, ce qu’il y a de caractéristique à ce propos, ce sont moins les moyens eux-mêmes — ils ne diffèrent guère de ce qu’ils sont dans les autres pays de mission — que les raisons spéciales qui les réclament et les conditions particulières qui les attendent.

Or, en tout pays de mission, il faut des ouvriers et il faut des œuvres. Il n’en va pas autrement au Japon. Que l’on remarque toutefois, à quels titres ce pays a besoin de l’un et de l’autre !

Ici donc comme ailleurs, il faut des ouvriers, c’est-à-dire, des missionnaires ; mais ici, il les faut tout particulièrement nombreux et bien doués.

Et pourquoi l’urgence du nombre ? Voici : sans parler de la population totale du pays, qui est d’environ 60 millions et sur laquelle on ne compte encore que 75 000 catholiques, la civilisation japonaise est actuellement trop modernisée pour permettre la prédication devant les foules, comme elle se pratiquait à l’époque de saint François-Xavier : c’est à peine si des conférences religieuses peuvent attirer quelques auditeurs dans les salles publiques.

Bien plus, même l’instruction par groupes est impraticable. Les Japonais préfèrent et demandent positivement à être instruits un à un, en particulier ; et à cette exigence, voici deux raisons :

D’abord une raison de caste. La société japonaise comprenait autrefois quatre grandes classes distinctes : les nobles (kwazoku), les guerriers (shizoku ou samuraï), le commun du peuple (heimin) et les parias (eta). Aujourd’hui, officiellement, il n’y a plus que deux classes sociales : les nobles et le peuple. De plus, les parias sont presque tous disparus ou confondus avec le reste du peuple. Cependant, entre le shizoku et le heimin, la distance est encore loin d’être effacée. Les descendants des samurai, qui comptent parmi leurs ancêtres tant de preux chevaliers et de héros, et qui, d’ailleurs s’imposent toujours à l’admiration par leur droiture, leur honnêteté, leur franche loyauté et leur noble courtoisie, répugnent d’instinct à se mêler à la masse du peuple. Ainsi, par exemple, quand il s’agit de mariage, même s’ils sont chrétiens, ils tiennent rigoureusement à ne s’unir qu’à des personnes de leur rang. D’ailleurs, malgré tout, ils restent au milieu du peuple, comme hors de leur élément, et ils ne peuvent s’accommoder à toutes sortes de personnes indistinctement.

Il y a aussi la raison des affaires et des occupations. De plus en plus, devant l’envahissement rapide du progrès moderne, le Japonais abandonne son habitude traditionnelle de vivre au jour le jour, de ne jamais s’inquiéter du lendemain et par conséquent de ne jamais être pressé en quoi que ce soit. Peu à peu, l’appât des richesses devient un attrait puissant qui captive entièrement sa convoitise matérielle de païen. De là son engouement fébrile pour le travail, de là aussi le peu de loisir qui reste à sa disposition.

Voudrait-on compter sur le dimanche pour instruire des catéchumènes ? C’est encore moins réalisable. Le repos du dimanche, au Japon, n’est imposé officiellement que pour certains établissements, administrations ou professions déterminées, par exemple, les écoles et les banques. Les jours de repos reconnus officiellement sont le 1er et le 15 du mois. Encore même ces jours-là, beaucoup de gens travaillent. Aussi la division du mois en semaines a bien peu d’importance au Japon : on ne tient compte que du quantième.

De son côté, le missionnaire, s’il est seul dans sa mission — ce qui est le cas à peu près partout, à l’époque actuelle — n’a pas de temps à consacrer aux païens le dimanche. Il se doit avant tout à ses chrétiens. À part les saints offices, qui prennent déjà plus de la moitié de la journée, il a les catéchismes à faire pour les diverses classes de ses chrétiens rassemblés séparément ; et si peu nombreux soient-ils, la tâche que doit s’imposer le missionnaire est tout à fait la même que s’il avait affaire à des foules considérables.

Que les missionnaires soient donc plus nombreux ! Alors ils pourront se prêter davantage aux exigences de ce peuple, et en conséquence, faire avancer rapidement le progrès de la religion catholique en ce pays.

Des qualités spéciales sont aussi requises chez le missionnaire, soit au point de vue intellectuel, soit au point de vue moral.

Depuis que les Japonais ont commencé à se passionner pour l’étude et à prendre contact avec la science moderne, ils se sont habitués à considérer tous les étrangers venus au Japon, comme des savants et comme des maîtres. Il y a quelques années, paraît-il c’est ainsi qu’on les appelait, lorsqu’on les voyait passer dans la rue, et c’est comme tels qu’on les saluait par une profonde inclination de corps. Encore aujourd’hui, surtout dans les villes intellectuelles comme Sapporo, on entend parfois, sur son passage, des petits enfants se dire entre eux, sur un ton de voix visiblement modéré par un sentiment d’admiration et de respect : Sensei ! voici des professeurs ! et plus souvent encore on est, à ce titre, l’objet de leurs révérences.

Professeurs, les missionnaires le sont d’ailleurs à peu près continuellement. On vient auprès d’eux, se faire enseigner les langues : l’anglais, le français, l’allemand, et même le latin.

Jusqu’ici, il est vrai, il est relativement facile d’être à la hauteur de la tâche — excepté, peut-être, les cas où l’on vient demander des leçons de musique instrumentale : ce qui arrive aussi, au grand embarras des missionnaires qui ne sont pas artistes. — La position est plus sérieuse encore, lorsqu’on rencontre de ces Japonais qui ont déjà pris contact, hélas ! avec des doctrines hérétiques, rationalistes, matérialistes et qui viennent, par exemple, nous demander des éclaircissements sur les sources documentaires de la Bible (sic.)

Assurément ce sont là des cas isolés. Le niveau intellectuel général est encore bien inférieur à celui de l’étranger ; ce qu’il y a de retentissant, ici, sur ce point, et ce qui fait bruyant écho à l’extérieur du pays, c’est moins la vraie science et la réelle culture intellectuelle que l’élan général vers l’acquisition de la science. Cependant, si rares soient-ils, ces cas sont quand même gros de conséquences. Ils démontrent que de plus en plus l’esprit japonais se développe et se meuble ; ils font constater que cet élan général est loin de rester stérile, qu’il est au contraire très sérieux, très tenace et très persévérant.

Le grand mal réside dans le choix des sources auxquelles on puise. L’esprit païen, tout naturel et tout terre-à-terre, ne comprend rien à la vraie et pure science, telle que la possède seule la sainte Église ; au contraire, il trouve une facile pâture dans les théories maladives du matérialisme, dont l’originalité excentrique et spécieuse constitue pour lui un gage suffisant de consistance et de vérité.

Or c’est ici que doit intervenir le rôle du missionnaire, seul représentant authentique de la vérité en ce pays. Il doit profiter de toutes les occasions pour dresser devant cette vague montante des erreurs de l’esprit, la digue indestructible des principes de la science catholique. Serait-ce donc excessif de dire que le missionnaire, au Japon, doit être un savant ?

Ce n’est pas tout. Il doit avoir encore de grandes qualités morales, surtout la patience. Cette vertu, ici, est même un moyen indispensable de succès.

Les Japonais sont très patients, non par vertu mais par fierté. Ils ont été ainsi formés par le confucianisme, venu au Japon en même temps que le bouddhisme, c’est-à-dire, vers 554 de notre ère. Cette doctrine fut accueillie avec empressement au Japon ; et Confucius (en japonais Kôshi) est encore de nos jours en haute estime et en grande vénération parmi toutes les classes de la société. Moins une religion qu’un système pratique de morale, le confucianisme se résumait en deux devoirs : le loyalisme à l’égard du souverain et la piété filiale à l’égard des parents. Il répondait donc exactement aux tendances nationales qui inspirent précisément le culte divin rendu à l’empereur et aux ancêtres.

Or, ce système, entre autres règles pratiques, donnait celle-ci, qui est passée en proverbe : « Le sage ne fait paraître ni joie, ni colère, Kunshi wa kido, iro ni aranwazu ». De là, chez le Japonais, le sang froid remarquable avec lequel il sait dissimuler ses sentiments. De là cet éternel sourire qu’il conserve même lorsqu’il est en colère. De là, par contre, le mépris dédaigneux dont il flagelle l’étranger, lorsque celui-ci s’emballe dans un moment de joie ou se fâche dans la contrariété. Il dit alors avec un petit sourire flétrissant : Seiyôjin wa hyôjô ni tonde inai, l’étranger n’est pas riche en contenance.

Pour être à la hauteur de la situation, sans compter les motifs surnaturels qui le pressent lui-même, le missionnaire doit être un modèle impeccable de patience, sinon, il compromet la religion qu’il prêche. En outre, cette vertu, il doit la pratiquer non seulement dans ses relations avec les Japonais, mais aussi dans l’exercice de son zèle. Un zèle trop entreprenant apparaît tout de suite inconsidéré, et de fait, tourne vite à l’insuccès. Il vaut mieux, semble-t-il, se contenter de peu, pour le moment du moins, et savoir profiter avidement des circonstances, plutôt que de brusquer les événements. Les Japonais ne sont pas pressés de se convertir, parce que leur mentalité est étrangère aux idées religieuses véritables, aux idées catholiques. Force est donc de les préparer sans heurt, tout doucement et patiemment.

Si donc les missionnaires viennent nombreux et soigneusement préparés, le problème obtiendra vite une solution certaine. La religion prudemment promulguée, au large et en tout lieu, transformera peu à peu les esprits, inclinera les cœurs et gagnera enfin les volontés.

Ce manque d’ouvriers entraîne comme naturellement la nécessité d’autres œuvres, œuvres de formation d’un clergé indigène, œuvres de propagande laïque.

L’œuvre de formation indigène doit donner des prêtres et des catéchistes.

Les missionnaires de tout temps se sont contentés de fonder par eux-mêmes les églises dans les pays qu’ils ont évangélisés. Pour les organiser hiérarchiquement, toujours ils ont eu recours à des recrues indigènes destinées à leur succéder et à gouverner selon les traditions catholiques le troupeau à elles confié et définitivement légué. Il devra en être ainsi au Japon, et cela plus tôt qu’ailleurs, à cause de l’aversion profonde de la nation pour l’étranger.

Il faut des prêtres indigènes, par conséquent il faut des séminaires pour les y former. Il existe déjà, il est vrai, des soi-disant séminaires, mais les missionnaires étant partout en nombre insuffisant, ceux d’entre eux qui sont attachés à ces œuvres, ne peuvent s’y livrer uniquement et sont forcés de partager leur temps entre d’autres occupations non moins urgentes, ou bien ils cumulent les charges et les cours. De là, on le comprend, un contre-coup extrêmement sensible dans la formation intellectuelle et disciplinaire des jeunes clercs.

Or l’établissement d’un clergé indigène en pays infidèle exige une formation tout particulièrement solide, à cause de l’atmosphère néfaste et dissolvante au milieu de laquelle il est appelé à vivre. S’il n’a pas une science suffisante et une vertu éprouvée, son prestige est nul et son succès est presque irrémédiablement compromis.

Quel inappréciable service ne rendraient pas, par conséquent, des instituts de prêtres éducateurs, qui viendraient au Japon fonder et soutenir des collèges classiques et des grands séminaires, se consacrant exclusivement à cette œuvre importante et si nécessaire ! D’ailleurs, ce ne sont pas les vocations qui manquent. Celles-ci sont relativement nombreuses, surtout parmi les anciens chrétiens, dont les ancêtres ont conservé le dépôt sacré de la foi durant 200 ans, malgré la persécution et malgré l’espionnage incessant dont ils furent les objets. Ces chrétiens ont été formés à l’héroïsme, et même aujourd’hui, ils n’hésiteraient pas à mourir pour leur foi. Ensuite, ils possèdent le véritable esprit chrétien tel qu’on l’admire dans les pays depuis longtemps catholiques. Pour cette raison, on les distingue facilement d’avec les nouveaux chrétiens, la grâce les ayant véritablement transformés au cours des siècles. Ces âmes fortes sont donc toutes préparées au sacrifice de la vie sacerdotale et même religieuse. Il ne leur manque que des éducateurs et des maîtres.

Outre des prêtres indigènes il faut aussi des catéchistes. Leur aide est également requise pour la formation des chrétiens et pour la conquête des catéchumènes.

En pays païen, à part le sermon du dimanche, il faut continuellement faire le catéchisme aux chrétiens. Leur contact journalier avec les infidèles l’exige. Il faut qu’ils soient solidement instruits, afin de pouvoir répondre aux objections qu’on ne manque pas de leur poser. Il n’est pas rare même qu’on leur fasse rencontrer des bonzes, pour que ceux-ci discutent avec eux et sondent leurs convictions. Surtout, il importe souverainement de faire, de ces chrétiens même, des apôtres pour la propagation de la foi. Cette manière d’opérer les conversions est souvent la plus efficace.

Or, les leçons de catéchisme arrachent au missionnaire un temps considérable, qu’il pourrait consacrer à d’autres occupations, non moins nécessaires au salut et au bien des chrétiens ou des païens en voie de conversion. De plus, avant longtemps, le nombre des missionnaires se trouvera insuffisant en un pays infidèle comme celui-ci, où tout est à créer et à commencer. Les catéchistes seront donc les suppléants nécessaires dans les fonctions qui peuvent être remplies par des laïques.

La conquête de nouveaux catéchumènes exige plus rigoureusement encore le concours des catéchistes. Pour faire de nouveaux chrétiens, le moyen le plus direct, c’est de nouer des relations. Le contact qui en résulte, avec la doctrine et la vie chrétienne, produit toujours un heureux effet, et très souvent il donne lieu à de nombreuses conversions. Or, entrer directement en relation avec les Japonais, constitue pour les étrangers un problème presque insoluble. Les coutumes nationales sont si nombreuses et si compliquées que le missionnaire, fût-il même depuis nombre d’années au pays, reste inconsciemment toujours un peu mal-habile. Ainsi les Japonais qui sont scrupuleusement attachés à leurs coutumes, s’en offusquent instinctivement, et du coup, se trouvent mal disposés à entrer en relations avec lui. Le catéchiste indigène, au contraire, n’a pas les mêmes difficultés. Aussi, ses avances restent-elles rarement sans résultat.

Inutile d’ajouter que ces catéchistes, il faut les former par une instruction plus complète et plus solide que pour les autres chrétiens. De plus, aussi longtemps qu’ils sont au service du missionnaire, celui-ci doit les faire vivre avec leurs familles, s’il veut les consacrer exclusivement à une telle besogne : ceci est de rigueur, s’il tient à bénéficier d’un concours entier et constant.

Parmi les œuvres de propagande, la fondation de nouvelles églises est sans contredit la principale. La seule présence, dans une localité, d’un temple catholique, si modeste et si pauvre soit-il, produit une impression considérable. Heureusement, il existe encore parmi ce peuple, nombre d’âmes simples, droites et consciencieuses, qui n’ont d’autre tort que leur ignorance de la vérité et de la lumière. Or, ces âmes, en voyant une église catholique, éprouvent une mystérieuse curiosité qui les rend inquiètes et chercheuses, et les achemine peu à peu vers la conversion.

En outre, surtout dans le Hokkaido, pays d’exploitation et de colonisation récente, qu’on appelle pour cette raison « l’Amérique du Japon », il existe ça et là des chrétiens émigrés de leur contrée natale, de leur « kursi » comme ils disent. Les églises catholiques étant trop peu nombreuses pour que ces chrétiens puissent tous venir se grouper autour d’elles, il faut donc absolument qu’on aille en établir de nouvelles au milieu d’eux, si l’on ne veut pas les laisser sans les secours de la religion. Or, il faudrait fonder de telles églises dans toutes les grandes villes, autant pour y rallier les chrétiens que pour y faire de nouvelles conquêtes.

Les écoles sont aussi — qui en doutera ? — un grand moyen de propagande. Les enfants, jusqu’à l’âge de quinze ou seize ans, n’ont du naturel japonais que ce qu’il possède de simple, de loyal et de gracieux tout à la fois. On ne trouve pas chez eux le formalisme superficiel et convenu qu’on remarque chez les adultes. Ces chers petits sont donc bien propres à recevoir une formation plus vraie et plus sainte que celle qu’ils reçoivent au sein du paganisme.

Il est vrai que les lois du pays, gardant le contrôle absolu de l’instruction, permettent difficilement des écoles primaires d’initiative privée. Il n’en est pas de même des écoles supérieures, à part les universités ; on peut facilement obtenir leur octroi de fondation et d’enseignement libre.

Or, l’avantage de ces écoles pour le progrès de la religion n’est pas minime. Par les enfants qu’on y instruit, on procure à la religion un prestige qui s’étend non seulement à la génération présente, mais aussi à la génération future. Souvent les enfants peuvent tout sur le cœur de leurs parents ; alors par eux, on peut gagner des familles entières au catholicisme. D’un autre côté, même lorsque ces enfants demeurent, malgré tout, ainsi que leurs parents, irréductibles devant le spectacle de la vie chrétienne, dont ils sont les témoins dans les écoles, ce contact pourtant ne reste pas sans résultat. Plus tard, lorsqu’ils sont sortis de l’école, ils se souviennent de leurs maîtres, ils respectent leurs croyances, et bien loin d’être pour eux des ennemis, ils se constituent volontiers leurs protecteurs. Qui niera que ce ne soit déjà une conquête ?

Enfin il faut l’œuvre de la presse pour répandre la doctrine catholique et la défendre au besoin.

Les Japonais sont un peuple de lecteurs. Ils lisent énormément et un peu partout : en chemin de fer, en bateau, parfois même en marchant dans la rue. Et ce ne sont pas seulement des journaux qu’ils lisent, mais des revues considérables et des volumes divers. C’est ainsi qu’on peut les remarquer, dans leurs loisirs, plongés dans un livre et restant là pendant des heures, sans prêter aucune attention à ce qui se passe autour d’eux. Des feuilles nettement catholiques ne sauraient donc demeurer inconnues ou négligées, au milieu d’un peuple aussi avide de connaître et de s’instruire. Ainsi, peut-être, on pourrait contrebalancer l’influence alarmante de la mauvaise presse, qui, hélas ! couvre déjà le pays des publications les plus malsaines, les plus immorales et les plus impies de l’étranger.

La presse catholique serait aussi en même temps un moyen propre à la polémique. Le fanatisme ou l’ignorance de certains publicistes japonais donnent souvent lieu à des insultes injurieuses et à des calomnies révoltantes contre la religion catholique. Parce qu’on ne distingue pas entre le protestantisme et le catholicisme, on attribue au second les tendances et les menées suspectes du premier, et on les confond tous deux sous le même nom de « christianisme, christokyô. » C’est pourquoi on représente celui-ci comme l’ennemi né de la nation et comme le destructeur des institutions du pays. De là le tort immense qui en résulte pour la mentalité japonaise vis-à-vis du catholicisme.

Or, s’il y avait au Japon, par exemple, un grand journal catholique, pour réfuter toutes ces calomnies et mettre en lumière la vraie noblesse et la vraie pureté de la doctrine catholique, quel salutaire contrepoids ne fournirait-il pas pour contrebalancer l’apport haineux des ennemis de l’Église !

Tels sont les moyens nécessaires pour opérer la conversion du Japon ; tel est le champ d’action immense ouvert à toutes les âmes généreuses et avides de dévouement. J’aime à croire que ces âmes, — car il en existe Dieu merci ! et de nombreuses et de valeureuses, en tout pays catholique et particulièrement au Canada — ne resteront pas insensibles, en entendant parler de ce peuple encore idolâtre, mais de la conversion duquel dépend en grande partie celle de beaucoup d’autres. Ainsi, que ces âmes entendent l’appel secret de tant d’infortunés, et, pour les sauver, qu’elles se fassent au plus tôt leurs apôtres. Peu importent les obstacles. Autrefois, aux siècles de persécution, c’est le cri des bêtes fauves et l’odeur du sang des victimes qui attiraient les premiers chrétiens et les faisaient courir au martyre. Les vrais apôtres de l’Évangile pareillement ne reculent ni devant les obstacles ni même devant la mort. C’est précisément de cet héroïsme qu’elles ont soif !