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Traité de la résolution des équations numériques de tous les degrés/Note 14

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NOTE XIV.

OÙ L’ON DONNE LA RÉSOLUTION GÉNÉRALE DES ÉQUATIONS À DEUX TERMES.


1. Quoique les équations à deux termes telles que

(puisque cette forme-là peut se réduire à celle-ci, en y mettant pour ), soient toujours résolubles par les Tables des sinus d’une manière aussi approchée qu’on puisse le désirer, en employant la formule connue

et faisant successivement leur résolution algébrique n’en est pas moins intéressante pour l’Analyse et les géomètres s’en sont beaucoup occupés. Ils ont d’abord réduit la difficulté à résoudre les équations dont le degré a pour exposant un nombre premier, comme nous l’avons vu au commencement de la Note précédente. Ils ont trouvé de plus que, comme l’équation

a nécessairement pour l’une de ses racines, en la divisant par on a pour les autres l’équation du degré

laquelle, étant du genre des équations qu’on appelle réciproques, parce qu’elles demeurent les mêmes en y changeant en est décomposable en équations du second degré, telles que

dans lesquelles dépend d’une équation du degré de la forme

comme nous l’avons vu dans la Note X (no 14).

De cette manière on avait pu résoudre l’équation

parce qu’elle se réduit à une équation du troisième degré ; mais on était arrêté à l’équation

qui ne se réduit par ce moyen qu’à une du cinquième.

2. On en était là lorsque M. Gauss donna, en 1801, dans son excellent Ouvrage intitulé Disquisitiones arithmeticæ[1], une méthode aussi originale qu’ingénieuse pour réduire la résolution de l’équation

lorsque est un nombre premier, à la résolution d’autant d’équations particulières que le nombre contient de facteurs premiers, et dont les degrés soient exprimés par ces mêmes facteurs. Ainsi l’équation

ne demande que la résolution de deux équations du second et d’une du troisième, parce que L’équation

ne demande que la résolution de quatre équations du second degré, et ainsi de suite.

Mais, en appliquant les principes de la théorie de M. Gauss à la méthode exposée dans la Note précédente, j’ai reconnu qu’on pouvait obtenir directement la résolution complète de toute équation à deux termes dont le degré est exprimé par un, nombre premier, sans passer par aucune équation intermédiaire ni avoir à craindre l’inconvénient qui naît de l’ambiguïté des racines. C’est ce que je vais développer dans cette Note.

3. Soit l’équation à résoudre

étant un nombre premier ; si l’on en sépare la racine elle s’abaisse à celle-ci du degré

Soit une racine quelconque de cette équation ; on pourra représenter ses racines par les termes de la série géométrique

comme nous l’ayons démontré dans la Note précédente (no 5).

M. Gauss a eu l’idée ingénieuse et heureuse de substituer à la progression arithmétique des exposants de une progression géométrique, en vertu du fameux théorème de Fermat sur les nombres premiers.

Par ce théorème, démontré d’abord par Euler et ensuite par tous ceux qui se sont occupés de la théorie des nombres, on sait que, si est un nombre premier et un nombre moindre que le nombre sera nécessairement divisible par de sorte que le reste de la division de par sera l’unité.

Euler a démontré de plus que, si en divisant tous les termes de la progression par il se trouve d’autres puissances de qui donnent aussi l’unité pour reste, les exposants de ces puissances seront nécessairement des diviseurs de de sorte que, pour savoir si parmi les puissances de moindres que il y en a aussi qui étant divisées par donnent le reste il suffira d’essayer celles dont l’exposant sera un diviseur de

4. On nomme racines primitives les nombres dont aucune puissance moindre que ne donne le reste par la division par et ces racines ont la propriété que tous les termes de la progression étant divisés par donnent des restes différents et donnent par conséquent tous les nombres moindres que pour restes, puisque ces restes sont au nombre de Car, si deux puissances donnaient le même reste, et étant et leur différence serait nécessairement divisible par mais, n’étant pas divisible et étant premier, il faudrait que le fût ; donc il y aurait une puissance moindre que qui donnerait l’unité pour reste ; par conséquent, ne serait pas racine primitive, contre l’hypothèse.

On n’a pas, jusqu’à présent, de méthode directe pour trouver les racines primitives pour chaque nombre premier ; mais on peut toujours les trouver facilement par le tâtonnement. Euler en a donné, dans les Commentaires de Pétersbourg (T. XVIII), une Table pour tous les nombres premiers jusqu’à que nous placerons ici :

où l’on remarque que le nombre de ces racines primitives, pour un nombre premier donné, est toujours égal à celui des nombres moindres que et premiers à On peut voir sur ce sujet la Section III des Disquisitiones arithmeticæ.

Au reste, pour notre objet, il suffira de connaître une seule des racines primitives pour un nombre premier donné, et il sera toujours plus avantageux pour le calcul d’en connaître la plus petite.

5. Soit donc une racine primitive pour le nombre premier de manière que les termes de la progression géométrique étant divisés par donnent pour restes tous les nombres moindres que dont l’unité sera le dernier ; il est facile de voir que les racines (no 3) pourront aussi, en faisant abstraction de l’ordre, être représentées par la série

car, comme on a par l’équation dont est supposé racine, il est visible qu’à la place de chaque puissance de comme lorsque on pourra toujours prendre la puissance sera le reste de la division de par Ainsi, dans la série précédente, on pourra toujours réduire les exposants de à leurs restes après la division par restes que nous avons vus comprendre tous les nombres jusqu’à mais dans un ordre différent de l’ordre naturel, ce qui est ici indifférent pour les racines

L’avantage de cette nouvelle forme des racines consiste en ce que, si dans la série des racines

on met à la place de elle devient

et, si l’on y met à la place de elle devient

et ainsi de suite.

En effet il est visible que, par la substitution de à la place de devient devient etc., et le dernier terme devient à cause que le reste de après la division par est l’unité.

De même, par la substitution de au lieu de devient devient etc. l’avant-dernier terme deviendra le dernier deviendra à cause que le reste de la division de par est puisque et que le reste de la division de est

6. Cela posé, si pour résoudre l’équation du degré (no 5)

dont les racines sont (no 5)

étant en vertu de l’équation on emploie la méthode de la Note précédente, et qu’en prenant ces racines pour on fasse (no 14, Note précédente)

est une des racines de l’équation qu’ensuite on développe la puissance ième de en faisant attention de rabaisser les puissances de et de au-dessous de et de par les conditions et de manière qu’on ait cette fonction ordonnée suivant les puissances de

les quantités seront des fonctions rationnelles et entières de telles qu’elles ne changeront pas par la substitution de à la place de puisque nous avons vu (no 16, Note précédente) que ces quantités, regardées comme des fonctions de sont invariables par les permutations simultanées de en en

etc., ainsi que par les permutations simultanées de en en etc., auxquelles répondent les changements de en en etc. (no 5).

7. Maintenant il est clair que toute fonction rationnelle et entière de dans laquelle peut toujours se réduire à la forme

les coefficients étant des quantités données, indépendantes de On peut même prouver que toute fonction rationnelle de est réductible à cette forme, car, si elle a un dénominateur, on pourra toujours le faire disparaître en multipliant le haut et le bas de la fraction par un polynôme convenable en comme nous l’avons vu dans la Note IV (no 3).

Or, puisque dans notre cas les puissances peuvent être représentées, quoique dans un autre ordre, par les puissances on pourra également réduire toute fonction rationnelle de à la forme

en prenant pour des coefficients quelconques indépendants de .

Donc, si cette fonction est telle qu’elle doive demeurer la même en y mettant à la place de il faudra que la nouvelle forme

(la puissance devenant se change en puisque et divisé par donne le reste ) coïncide avec la précédente, ce qui donne ces conditions


et réduit la forme de la fonction à celle-ci

8. Donc, si l’on dénote par la somme des racines on aura également

et les quantités de la fonction seront toutes de la forme

Les coefficients et se détermineront par le développement actuel de la fonction et la quantité est connue par la nature de l’équation à résoudre (no 6)

laquelle donne sur-le-champ Ainsi, on a le cas, où les valeurs des quantités sont connues immédiatement, sans dépendre d’aucune équation, de sorte qu’en désignant par les racines de l’équation

et par les valeurs de qui répondent aux substitutions de ces racines à la place de on aura sur-le-champ, par les formules de la Note précédente (no 16), en substituant pour et pour

Telle est l’expression d’une des racines de l’équation

on aura toutes les autres par les puissances mais on peut aussi les avoir directement par les mêmes formules, en prenant pour pour etc.

On aura, de cette manière,

9. On pourra aussi, si l’on veut, se dispenser de calculer ces quantités et car, par ce que nous avons dans l’article 17 de la Note précédente, le terme au (en faisant ici ) est toujours égal à la somme des racines que nous dénotons en général par et l’expression de peut se mettre sous la forme

qui ne renferme pas et il n’y a plus qu’à substituer au lieu de pour avoir les valeurs de

De cette manière, la résolution de l’équation

ne dépendra que de la résolution de l’équation

dont sont les racines. Or celle-ci est d’un degré moindre que la proposée mais de plus, comme est nécessairement un nombre composé, on aura les racines par celles d’autant d’équations qu’il y aura de facteurs premiers dans le nombre comme on l’a vu dans la Note précédente (no 12).

10. Soit, par exemple, l’équation

dont on demande les racines. Cette équation étant résoluble par les méthodes connues, on pourra comparer cette solution avec celle qui résulte de la méthode précédente.

En ôtant par la division la racine on a l’équation du quatrième degré

dont les racines seront

Puisqu’on a ici on trouve par la Table donnée ci-dessus (no 4) que la plus petite racine primitive est de sorte qu’on a et que les racines dont il s’agit peuvent être représentées par les puissances lesquelles se rabaissent, à cause de à celles-ci en prenant, au lieu de l’exposant le reste de la division par

On fera donc

en prenant pour une racine de l’équation

de manière que l’on ait

Maintenant, pour trouver la fonction il n’y a qu’à élever à la quatrième puissance le polynôme ét le développer suivant les puissances de en rabaissant celles-ci au-dessous de et celles de au-dessous de par les conditions et On trouve, par un calcul qui n’a aucune difficulté,

où les quantités ont les valeurs suivantes, dans lesquelles je mets pour la somme des racines

Ainsi, comme par la nature de l’équation en on aura

et la fonction deviendra

Or l’équation

se décomposant en ces deux-ci

donne tout de suite les quatre racines qu’il

faudra substituer successivement pour pour avoir les valeurs de

On aura ainsi

Donc, substituant ces valeurs dans l’expression de du no 8 et mettant au lieu de (no 9), on aura sur-le-champ

11. Mais on peut avoir une expression plus simple de la même racine en faisant usage de la méthode du no 25 de la Note précédente, laquelle est toujours applicable aux équations du genre que nous traitons, parce que l’exposant est nécessairement un nombre composé.

Supposant donc en général

et prenant pour une racine de l’équation

la fonction du no 6 deviendra de la forme

dans laquelle

On formera ensuite la fonction laquelle, à cause de sera de la forme

et aura la propriété que les quantités seront des fonctions de telles, qu’elles demeureront invariables en échangeant à la fois en en en etc., et en

Or on voit, par les expressions précédentes de qu’en y substituant à la place de devient devient etc., et devient car se change en

mais et comme on l’a vu ci-dessus (no 5).

Donc les quantités devront être des fonctions de telles qu’elles demeurent invariables par le changement de en par conséquent, par le no 7, elles ne pourront être que de la forme étant des coefficients qui seront donnés par la formation de ces mêmes quantités, et dénotant la somme des racines laquelle est par l’équation proposée de sorte que les quantités seront toutes données, comme dans le cas précédent (no 10), et l’on aura sur-le-champ par les formules du no 25 de la Note précédente, en y mettant à la place de et somme des racines, à la place du terme

Dans ces expressions sont, avec l’unité, les racines de l’équation

et sont les valeurs de qui répondent à la substitution de au lieu de

On n’aura pas besoin de calculer la valeur de en employant l’expression de du no 9, laquelle devient ici

12. Le cas de mérite une attention particulière, parce qu’il donne la division de la circonférence en parties.

Soit donc et par conséquent on aura Or, puisque est divisible par et que est supposé une racine primitive, ne sera pas divisible par mais

donc, étant un nombre premier, sera divisible par par conséquent, sera le reste de la division de par donc sera égal à

Ainsi on aura

Or on a, par les formules connues du théorème de Cotes (no 1},

et, en général,

Donc

Ainsi les valeurs de sont toutes réelles dans ce cas et donnent immédiatement les cosinus des divisions de la circonférence en parties.

13. Ayant trouvé, par les formules générales du no 11, les racines il faudra poursuivre le calcul de la même manière pour arriver à la racine . On regardera donc les racines qui composent la fonction comme les racines d’une équation du degré et on les substituera pour dans l’expression générale de la fonction on aura ainsi

où il faudra prendre pour une racine de l’équation

De là on aura, à cause de

(J’écris ici pour distinguer ces quantités de celles que nous avons désignées plus haut par ) Comme les quantités sont en général des fonctions de qui ne varient pas par les permutations de en en etc., en (no 16, Note précédente), elles seront ici des fonctions de qui ne varieront pas en y changeant en puisque par ce changement les racines deviennent respectivement

Or il n’est pas difficile de prouver, par un procédé semblable à celui du no 8, que toute fonction rationnelle de qui aura la propriété d’être invariable par le changement de en sera nécessairement de la forme

en conservant les expressions de du no 11.

Car d’abord toute fonction rationnelle de peut se réduire à la forme (no 7)

et, pour que cette fonction demeure la même en y changeant en il faut que les coefficients des termes qui renferment soient les mêmes que celui de que les coefficients des termes qui renferment soient les mêmes que celui de que

ceux des termes soient les mêmes que celui de et ainsi de suite ; ce qui réduit la fonction à la forme que nous venons de lui assigner. En effet, on voit que chacune des quantités demeure la même en y substituant à la place de car le dernier terme de devient le dernier de devient et ainsi des autres.

14. Donc chacune des quantités deviendra, après le développement, de la forme

et aura par conséquent une valeur connue. Ainsi la fonction sera connue, et l’on aura les valeurs de en y substituant, au lieu de , les racines qui, avec l’unité, résolvent l’équation

On aura ensuite pour une formule semblable à celle du no 8, en y mettant à la place de et somme des racines, au lieu du terme On aura ainsi

15. On aurait aussi, si on le désirait, les expressions des autres racines qui composent la fonction (no 11), en multipliant dans l’expression de les radicaux d’abord par ensuite par par

On pourrait même, sans faire un nouveau calcul, avoir également les racines qui composent la fonction par la seule considération que devient devient etc., en y changeant en de sorte qu’il suffira de changer, dans l’expression générale de en en etc., en

Par la même raison, comme devient devient etc., par la substitution de à la place de on pourra déduire des expressions des racines qui composent la fonction celles des racines qui composent la fonction en changeant simplement, dans l’expression générale de , en en etc., en en et ainsi de suite.

16. Si le nombre n’est pas premier, on pourra, en le décomposant en ses facteurs, décomposer encore l’opération précédente en d’autres plus simples.

Ainsi, si on pourra ne prendre pour qu’une racine de l’équation

en sorte que et la fonction (no 11) deviendra

en supposant

On fera ensuite et l’expression de étant développée sous la forme

à cause de les quantités seront des fonctions de qui ne changeront pas par le changement simultané de en de en en etc., en (Note précédente, no 25). Or on voit, par les expressions précédentes de que ces changements ont lieu en changeant simplement en Donc les quantités regardées comme des fonctions de devront être invariables par le changement de en par conséquent, elles seront nécessairement de la forme

par ce qu’on a démontré ci-dessus (no 13).

Donc, puisque les valeurs de sont déjà connues par l’opération précédente, celles de seront connues aussi. Ainsi la fonction sera connue aussi, et de là on aura les valeurs des racines par des formules semblables à celles du no  11, en y changeant en en en et prenant pour les racines de l’équation

excepté l’unité.

On remarquera aussi que étant la somme des racines sera ici égal à

17. La valeur connue de ne donne que la somme des racines il faudra, pour avoir la valeur de regarder encore ces racines comme données par une équation du degré et faire de nouveau

en prenant pour une racine de l’équation

on fera ensuite

et l’on suivra le même procédé que nous avons exposé dans les nos 13 et suivants. Que si le nombre est composé de manière que l’on ait on pourra, pour éviter le développement d’une puissance trop haute, prendre pour une racine de l’équation

ce qui donnera à la forme

et l’on poursuivra le calcul comme ci-dessus, et ainsi de suite, jusqu’à ce qu’on arrive à un dernier facteur indécomposable.

L’avantage de ces décompositions consiste dans l’abaissement des puissances auxquelles il faut élever les polynômes pour avoir les fonctions ce qui diminue la longueur du calcul, et ensuite dans l’abaissement des radicaux qui entrent dans l’expression de la racine ce qui simplifie cette expression.

Telle est la marche générale et uniforme du calcul ; nous allons l’appliquer à quelques exemples pour la faire mieux concevoir, et nous reprendrons d’abord celui de l’équation

que nous avons résolue ci-dessus (no 10).

18. On a ici ainsi on fera (no 11). On prendra pour une des racines de l’équation

de sorte que, à cause de l’expression de la fonction du no 10 devient

De là on trouve, en faisant le carré de à cause de

Substituant les valeurs de en et développant les carrés et les produits, en rabaissant les puissances de au-dessous de à cause de on trouve

Donc, comme somme des racines, est par l’équation, on a et Ainsi l’expression générale de deviendra

De là, à cause que les valeurs de sont et en faisant on aura et, comme

les formules du no 11 ci-dessus donneront

On aura ainsi par la valeur de celle de somme de deux des quatre racines de la proposée. Pour avoir la racine en particulier, on fera de nouveau un calcul semblable, en considérant les deux racines et comme racines d’une équation du second degré.

On fera donc étant, comme ci-dessus, racine de


et de là, on aura

Ici, on voit tout de suite que les valeurs de et sont données au moyen des valeurs déjà connues de et En effet, à cause de et par conséquent on a et Donc on aura de là, en faisant on aura et la formule du no 14 donnera, étant

Enfin, substituant ici les valeurs et trouvées ci-dessus, on aura

et, par les remarques du no 15, on aura aussi

et, changeant en en

d’où l’on aura, par les substitutions des valeurs de et

Comme est un nombre premier, ces valeurs de seront les quatre racines qui, avec l’unité, résolvent l’équation (no 3)

19. Les expressions de ces racines coïncident avec celles qu’on trouve en résolvant l’équation

par les méthodes connues. Car on a d’abord, en divisant par

équation qui, étant mise sous la forme

devient

par la substitution de On a ainsi l’équation

laquelle donne

ensuite l’équation en donne de sorte que, en substi-

tuant cette valeur, on a

où les signes supérieurs et inférieurs de doivent se répondre, mais sont indépendants de ceux de l’autre radical, de sorte qu’on a les quatre racines par l’ambiguïté des signes des deux radicaux.

20. Passons à l’équation

laquelle, étant dégagée de la racine devient

dont les racines seront

La plus petite racine primitive pour le nombre est d’après la Table du no 4 ; ainsi on aura la progression savoir, dont les termes, étant divisés par donneront les restes qu’on prendra pour exposants de On aura ainsi, pour les racines de l’équation proposée, les termes qu’on prendra pour

21. Nous remarquerons ici que, pour avoir les exposants de qui doivent former toutes les racines, il n’est pas nécessaire d’élever la racine primitive aux puissances successives et de diviser ensuite ces puissances par le nombre premier auquel la racine primitive se rapporte il suffit de multiplier chaque reste par la racine primitive et de ne retenir que le reste de la division par le nombre premier donné. Ainsi, en commençant par on a, dans le cas présent, les deux premiers termes multipliant par la racine primitive et divisant par on a le reste troisième terme ; multiplié par donne quatrième terme ; multiplié par et divisé par donne enfin multiplié par et divisé par donne Si l’on voulait continuer en multipliant par et divisant par on retrouverait l’unité et successivement les autres termes déjà trouvés.

22. Maintenant on fera

en prenant d’abord pour une racine de l’équation

ensuite on formera la fonction mais, comme l’exposant on pourra simplifier le calcul et les résultats par la méthode du no 11, en ne prenant d’abord pour qu’une racine de l’équation

ce qui, à cause de réduira l’expression de à celle-ci

dans laquelle

On aura ensuite

et l’on trouvera après le développement, à cause de

Or somme des racines, est donc et la valeur de se réduira à De là, en faisant on aura et l’on trouvera sur-le-champ les deux racines

23. Considérons maintenant les trois termes de l’expression de comme les racines d’une équation du troisième degré ; prenant pour racine de l’équation

on fera

ensuite, en faisant

on trouvera, à cause de et

savoir,

de sorte qu’on aura

donc, en nommant et les deux racines imaginaires de

lesquelles sont

et faisant

on aura (no 14), en faisant

24. Venons à l’équation

laquelle, étant divisée par s’abaisse au dixième degré et devient

On voit, par la Table du no 4, que la plus petite racine primitive pour le nombre est ainsi la suite des restes, qu’on trouvera facilement par le procédé du no 21, sera ici de sorte que la série des racines sera

dont la somme sera par conséquent et l’on aura pour cette expression générale

laquelle, en prenant pour une racine de l’équation

donnera, à cause de

d’où l’on tirera la valeur de par la formule générale du no 8, en y faisant

Mais, pour se dispenser d’élever le polynôme à la dixième puissance, on pourra décomposer l’opération en deux autres correspondantes aux deux facteurs et du nombre par la méthode du no 11.

Prenons d’abord pour une racine de l’équation

de sorte que l’on ait Par là, l’expression de se réduira à cette forme plus simple

en faisant, pour abréger,

et la valeur de sera

En développant les carrés des fonctions et et rabaissant toutes les puissances de au-dessous de à cause de on trouve

et par conséquent

à cause que est la somme de toutes les racines.

On trouve de même, par la multiplication,

On aura ainsi et, faisant on aura

Donc on aura par les formules du no 11, en y faisant

25. Ayant ainsi les valeurs de et pour avoir celle de il faudra considérer les cinq termes qui composent la quantité comme les racines d’une équation du cinquième degré, et, puisque est un nombre premier, on ne pourra employer que l’expression générale de

en prenant pour une racine de l’équation

Ensuite il faudra faire

et il ne s’agira que de trouver les valeurs en des coefficients par l’élévation de l’expression de à la cinquième puissance, en ayant soin de rabaisser les puissances de au-dessous de et celles de au-dessous de à cause de et Par un calcul qui n’a de difficulté qu’un peu de longueur et sur l’exactitude duquel on peut compter, j’ai trouvé, en retenant les expressions de et en

du numéro précédent,

Comme les valeurs de sont déjà connues par l’opération précédente, l’expression de la fonction de ne présente plus rien d’indéterminé, et elle donnera sur-le-champ la valeur de la première racine par la formule générale du no 14, en y faisant et prenant pour les quatre racines qui, avec l’unité, résolvent l’équation

et pour les valeurs de qui répondent aux substitutions de à la place de dans l’expression trouvée pour

26. Si dans les valeurs de on substitue celles de et données dans le no 24, on a

Si ensuite, au lieu des racines on substitue les puissances de la racine qui les représentent, à cause que est un nombre premier, et qu’on rabaisse les puissances de au-dessous de on aura

et l’expression de la racine sera

où il n’y aura plus qu’à mettre pour les valeurs de que nous avons données plus haut (no 18).

27. On trouverait par les mêmes principes les valeurs des puissances de qui forment les autres racines de l’équation

excepté l’unité.

Et d’abord on aura les valeurs des racines qui entrent dans la fonction en multipliant, dans l’expression de les radicaux respectivement, par pour la racine par pour par pour et par pour c’est-à-dire par par par et par

Ensuite, pour avoir les valeurs des autres racines qui entrent dans la fonction il n’y aura qu’à changer, dans celles de en et en ce qui ne demande que de changer le signe du radical dans les expressions de

28. Je donne ici d’autant plus volontiers ces expressions des racines de l’équation

qu’elles n’ont jamais été données et qu’elles n’auraient pas même pu

l’être par les méthodes connues, qui demandent la résolution d’une équation du cinquième degré.

Il y a cependant une exception à faire à ce que nous venons de dire car on trouve à la fin du Mémoire de Vandermonde sur la Résolution des équations, dont nous avons parlé dans la Note précédente, l’expression de la racine d’une équation du cinquième degré, d’où dépend la résolution de l’équation

Car cette équation, étant divisée par devient

laquelle, étant du genre des réciproques, peut s’abaisser au cinquième degré, par la substitution de et l’on obtient, par les formules de la Note X (no 14), cette équation en

En prenant négativement, ce qui change les signes de tous les termes pairs, on a l’équation résolue par Vandermonde. Cet Auteur ne donne l’expression dont il s’agit que comme un résultat de sa méthode générale, sans indiquer en détail les opérations par lesquelles il y est parvenu, et personne, après lui, ne s’est occupé, que je sache, à vérifier ce résultat, qui paraît même être resté ignoré.

29. La valeur que nous venons de trouver pour la racine de l’équation

pourrait servir à cette vérification ; mais on peut parvenir directement à un résultat comparable à celui de Vandermonde en prenant pour dans l’expression générale de du no 24, une racine de l’équation

au lieu de l’équation

que nous avons employée, ce qui est permis, puisque, et étant les facteurs de on peut partir de l’un ou de l’autre à volonté.

30. Faisant donc l’expression générale de (no 24) deviendra

dans laquelle

et l’on regardera maintenant les quantités comme les racines d’une équation du cinquième degré ; c’est le cas que nous avons considéré en général dans le no 12.

On fera donc

et l’on cherchera les valeurs de en fonction de par le développement de la puissance cinquième de en y rabaissant continuellement les puissances de au-dessous de et celles de au-dessous de à cause de et Le calcul n’a d’autre difficulté que la longueur. Voici les résultats que j’ai trouvés et dont je crois pouvoir répondre.

En faisant, pour abréger,

on a

Or est la somme des racines, qui, par la nature de l’équation du dixième degré en dont le second terme est doit être égale à

Faisant donc on aura

Ainsi la valeur de sera

En mettant successivement à la place de les quatre racines de l’équation

on aura les quantités et, si l’on prend comme ci-dessus (no 26), pour ces racines, les puissances dont les valeurs sont les mêmes que celles de du no 18, on aura, à cause de

et la formule générale du no 11 donnera tout de suite, en faisant et

Cette quantité est à cause de c’est la valeur de (no 12) ; c’est aussi celle de la racine de l’équation en du cinquième degré (no 28), puisque est la racine de l’équation

Ainsi l’expression précédente, prise négativement, doit s’accorder avec celle de Vandermonde.

31. Pour pouvoir les comparer facilement, nous substituerons dans les expressions précédentes de les valeurs de qui sont les mêmes que celles de du no 18.

En faisant, pour abréger,

on a

et, pour s’assurer de la justesse de ces expressions, il n’y a qu’à faire le carré de qui est

or, en faisant passer sous le signe radical de le coefficient élevé au carré, on trouvera

de sorte que, en substituant la valeur de on a

On peut vérifier de même les autres puissances de

Faisant ces substitutions, on trouve

où l’on remarquera que les coefficients sont tous divisibles par et donnent pour quotients de sorte que les quantités peuvent être exprimées plus simplement ainsi :

32. Pour rapprocher davantage nos expressions de celles de Vandermonde, nous emploierons ces transformations

en supposant

lesquelles se vérifient en faisant les carrés et en observant que parce que le produit des deux radicaux réels et positifs est donc

Par ces substitutions, les quantités deviendront

33. Vandermonde a donné, dans les Mémoires de l’Académie des Sciences de l’année 1771 (p. 416), pour la résolution de l’équation

cette expression de la racine

dans laquelle

en conservant les valeurs de et supposées ci-dessus.

On voit que les expressions de et coïncident avec celles de et et que les expressions de et ne différent de celles de et que par l’échange des quantités et entre elles, ce qui ne tient qu’au signe du radical sous le radical carré. À cette différence près, qui peut venir d’une faute d’impression dans le Mémoire de Vandermonde, ses résultats s’accordent parfaitement avec les nôtres, puisque la racine de son équation en répond à la racine de notre équation en prise négativement, et que tout radical cinquième est la même chose que On peut donc dire que Vandermonde est le premier qui ait franchi les limites dans lesquelles la résolution des équations à deux termes se trouvait resserrée.

34. Pour ne laisser aucun doute sur la correction à faire à la formule de Vandermonde, nous allons prouver qu’elle résulte des principes mêmes de sa théorie. En effet, si l’on désigne, comme lui, par les quatre racines qui, avec l’unité, résolvent l’équation

il est facile de voir, par la formule générale de l’Article VII de son Mémoire, que la quantité ne peut être que de la forme

et que, en prenant cette expression pour l’une des quantités les expressions des trois autres doivent résulter de celle-ci par la substitution de à la place de les quantités étant des fonctions des racines de l’équation à résoudre, indépendantes des racines

Or, par les relations données dans le même Article entre ces dernières racines, on a

Donc les quatre expressions dont il s’agit deviendront

35. Dans l’Article XXIII du même Mémoire, on trouve pour les racines de l’équation

ces expressions, dans lesquelles j’introduis, pour plus de simplicité, les mêmes lettres et Doi, ci-dessus,

En prenant la première de ces racines pour de sorte que l’on ait

il faudra, d’après les formules du no 31, en prenant pour et substituant pour supposer

Substituant ces valeurs dans les expressions ci-dessus, elles se changeront en celles-ci

en faisant, pour abréger,

lesquelles doivent coïncider avec celles de rapportées ci-dessus (no 33). Mais on voit au premier coup d’œil que cette coïncidence ne peut avoir lieu, à moins qu’on ne change à la fois en et en dans et ou dans et parce que, dans les formules précédentes, les coefficients de et ne sont les mêmes que dans les deux où la racine est affectée du même signe ; au lieu que dans les expressions de les quantités et ont partout les mêmes coefficients.

36. En faisant ce changement dans et comme nous l’avons indiqué (no 33) pour accorder les formules de Vandermonde avec les nôtres, on pourra supposer

ce qui se vérifiera en faisant

De là on aura, par les formules du numéro précédent,

et la quantité restera indéterminée, parce que, à cause de

elle disparaîtra des expressions des quantités du no 34.

Si l’on fait on trouve

et la formule

du no 34 coïncidera avec celle de du no 30, parce que, en faisant on a (no 35), et les formules dérivées de celle-là coïncideront aussi avec celles de

37. Prenons pour dernier exemple l’équation

Comme l’opération pourra se décomposer en trois de la manière suivante.

Il faut d’abord avoir une racine primitive pour le nombre et la Table du no 4 fournit le nombre dont les puissances successives jusqu’à la onzième, divisées par donnent les restes

Ainsi, en nommant une racine de l’équation

les autres onze racines seront

On fera donc, en général,

et l’on prendra d’abord pour une racine de l’équation

en sorte que ce qui réduira la fonction à la forme

dans laquelle

De là on aura

On peut se dispenser de chercher la valeur de en se servant de l’expression de du no 11, qui ne renferme pas et qui donne ici, à cause de et de somme des racines de l’équation proposée, de sorte qu’en faisant on aura la valeur de et les deux racines seront (numéro cité)

Pour avoir la valeur de il faut développer le produit en punissances de ayant soin de rabaisser les puissances supérieures à à cause de et l’on trouve en mettant pour la somme des racines laquelle est de sorte qu’on aura et les valeurs de seront

38. On regardera maintenant les six racines qui composent la quantité comme celles d’une équation du sixième degré, et l’on fera de nouveau

mais, au lieu de prendre en général pour une racine de l’équation

ce qui demanderait ensuite le développement de la sixième puissance du polynôme nous prendrons de nouveau une racine de l’équation

de sorte que, au moyen de la fonction redeviendra de la forme

dans laquelle on aura

On aura ensuite, comme ci-dessus,

et, à cause que la somme des racines est ici on aura sur-le-champ

on aura en même temps et, faisant

Pour avoir il faudra développer le produit de par en se souvenant toujours que et l’on trouvera

ce qui donnera

et par conséquent

39. Nous remarquerons ici que, comme en mettant au lieu de la fonction devient et la fonction devient si l’on dénote par ce que deviennent les fonctions en y substituant au lieu de dans toutes les puissances de ce qui donne

on aura les valeurs de en échangeant dans celles de les quantités entre elles. On trouvera ainsi

Ce sont les fonctions correspondantes à qu’on obtiendrait en procédant à l’égard des racines qui composent la fonction comme on a fait sur celles de Ces valeurs sont nécessaires pour parvenir à celles de .

40. Pour cet effet, il faut encore regarder les trois racines qui composent la fonction comme celles d’une équation du troisième degré, et faire, en conséquence,

en prenant pour une racine de l’équation

De là, on formera la fonction

et l’on trouvera, par le développement, en faisant et ces expressions

Donc, nommant et les deux racines de l’équation

et faisant

on aura, comme dans le no 23,

Ainsi la valeur de est entièrement déterminée ; nous ne chercherons pas à la simplifier, parce que, dans tous les cas, il est toujours plus avantageux d’employer pour la résolution de l’équation

ainsi que de toutes les équations de ce genre, les formules connues en sinus et cosinus.

41. Je remarquerai, en finissant, que la méthode exposée dans cette Note peut être regardée comme une simplification de celle que M. Gauss a indiquée d’une manière générale dans l’Article 360 des Disquisitiones arithmeticæ. Celle-ci est fondée aussi sur le développement d’une fonction semblable à la fonction que nous avons désignée par mais elle demande de plus la formation et le développement d’autant d’autres fonctions du même ordre que l’équation a de racines, ce qui allonge considérablement le calcul. Notre méthode est indépendante de ces fonctions auxiliaires, et conduit directement aux expressions les plus simples des racines.

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  1. Cet Ouvrage vient d’être traduit en français, sous le titre de Recherches arithmétiques, chez Courcier.