Œuvres complètes de Bernard Palissy/Discours admirables de la Nature des eaux et fontaines, etc./Pour trouver et connoistre la terre nommée marne, etc.

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POVR TROVVER ET CONNOISTRE LA TERRE

nommée Marne, de laquelle l’on fume les champs infertiles, ès pays et regions où elle est connue : chose de grand poids et necessaire à tous ceux qui possedent heritages.

Theorique.


I l me souuient auoir veu vn petit traité que tu fis imprimer durant les premiers troubles, auquel sont contenus plusieurs secrets naturels, et mesme de l’agriculture[1] : toutesfois combien que tu ayes amplement parlé des fumiers, si est ce que tu n’as rien dit de la terre qui s’appelle Marne : bien sçay-ie que tu as promis par ton liure de regarder s’il s’en pourroit trouuer en Xaintonge et autres lieux où ladite terre est encor inconnue. Ie me suis enquis plusieurs fois si tu aurois composé quelque autre liure où tu eusses parlé de ladite terre : mais ie n’en ay rien trouué : parquoy si tu en as quelque intelligence ou connoissance d’icelle, ne me le cele point : ce ne seroit pas bien fait à toy d’enseuelir vn secret vtile à la République.

Practique.

À la verité ie promis par mon liure que tu dis, de chercher de la Marne au pays de Xaintonge, par ce que pour lors i’estois habitant audit pays et y pensois finir mes iours ; et par ce que audit pays n’est aucune nouuelle de ladite Marne, et que i’en avois veu au pays d’Armaignac, i’eusse esté bien aise de laisser quelque profit ou faire quelque seruice au pays de mon habitation : et pour ces causes me suis efforcé d’auoir ample connoissance de ladite terre : toutesfois quand elle seroit conneüe ou commune aux autres pays comme elle est en la Brye et Champagne ie n’en daignerois parler : parce que les laboureurs qui la mettent en œuure ne se soucient point d’entendre la cause pourquoy elle rend la terre fertille : et combien que la cause ne requiert point estre entendue de tous, si est ce que les medecins et tous physiciens, Philosophes et naturalistes, pourront beaucoup profiter à la lecture des causes et raisons que ie le diray en continuant nostre propos.

Theorique.

Ie te prie en premier lieu entendre de toy que c’est que Marne.

Practique.

La Marne est communement vne terre blanche que l’on tire au dessouz de l’autre terre, et communement l’on fait les fosses pour la tirer en telle forme que l’on fait les puits à tirer les eaux, et au pays où ladite terre est en vsage on la boute dans les champs steriles, en la forme et maniere que l’on boute les fumiers, premierement par petites pilles, et puis il la faut dilater par les champs, comme l’on fait les fumiers, et quand les terres steriles sont fumées de ladite terre, c’est assez pour dix ou douze années : aucuns disent qu’en diverses contrées il n’y faut plus rien mettre de trente années. Aucunes desdites marnes se commencent à trouuer dés l’entrée de la fosse, et poursuyuent la profondeur vn nombre de toises de profond. En d’autres lieux et contrées il faut creuser plus de quatre ou cinq toises de profond au parauant que trouuer le commencement de la Marne. Voila ce que i’ay peu tirer de ceux qui vsent communement de la Marne. Toutesfois i’ay entendu de quelque personnage que la Marne ne profite de gueres aux champs la premiere année qu’elle y est mise, ce que ie trouue fort estrange.

Theorique.

Pourquoy est ce que tu trouues estrange de ce qu’ils disent que la premiere année que la terre sera marnée elle ne produira rien ? si tu auois consideré la cause qui peut actionner la vegetation des fruits tu ne trouuerois estrange vne telle raison : car il n’y a homme en ce monde qui me sçeut faire acroire que la marne puisse aider à la generation, sinon pour cause de la chaleur qui est en elle : comme nous voyons que nulle chose ne peut vegeter en hyuer, et nulle semence ne germeroit iamais, n’estoit la chaleur procedée d’en haut par la vertu du soleil : combien que le soleil cause la vegetation de toutes choses, si est ce que quand il est trop chaud il deseiche l’humidité, et les vegetatifs ne peuuent prendre accroissement : le soleil donc est la vie et quand il est trop vehement est aussi la mort : en cas pareil, la marne est cause de generation germinatiue ou vegetatiue des plantes, pour cause de la chaleur : mais quand elle est nouuellement tirée il faut croire que sa chaleur est si grande qu’elle brusle les semences. Voila pourquoy la generation des semences qui seront iettées en la terre la premiere année ne peut croistre.

Practique.

À la verité ta raison est fort grande et fort aisée à faire croire à ceux qui n’ont gueres de sentiment des choses naturelles : mais en mon endroit vn tel argument ne trouuera iamais lieu.

Theorique.

Ie t’en bailleray à present vn autre contre lequel tu ne pourras opposer aucun argument legitime, et quand tu voudrais contredire, le moindre laboureur des Ardennes te rendra confus. Il faut necessairement que tu me confesses que la pierre cuite dedans les fournaises ardantes, soit reduite en poussiere par la vehemence du feu, et que l’humidité desdites pierres s’estant exalée, il n’y demeure plus que le terrestre rempli d’vne vertu ignée, et pour ces causes l’on l’appelle chaux : par ce qu’elle est chaude, voire si chaude qu’il est aduenu plusieurs fois que ayant apporté desdites pierres dans des maisons sur de la paille, lesdites maisons ont esté bruslées par le mouuement de certaines gouttieres d’eaux qui sont cheutes en temps de pluye sur ladite chaux : et tout ainsi que les pierres de ladite chaux sont dissoutes par l’humidité qui leur est presentée quand elles sont tirées du four, semblablement en cas pareil les pierres de marne estant tirées de la fosse se viennent a dissoudre et mettre en poussiere comme les pierres de chaux. I’ay encores vn bel argument et preuue suffisante pour conclure ce que i’ay dit, qui est que d’autant que les terres circonuoisines des bois des Ardennes, sont froides à cause des neiges et froidures dudit pays, les laboureurs de certaines contrées ayant indigence de fiens (fumiers), se sont aduisez de fumer les terres de chaux, en cas pareil et forme que l’on a coustume de les engresser de fumiers : et par tel moyen ils ont rendu les terres fertilles, qui ne produysoient rien auparavant. Puis que la chaux cause vn tel bien par sa chaleur (comme ainsi soit que les laboureurs disent que la chaux eschauffe les terres, et fait germer les semences), puis-ie pas donc par là conclure que la marne ne peut de rien seruir aux champs sinon pour cause de sa chaleur ?

Practique.

Les raisons qui sont bonnes, comme celle que tu dis, seront tousiours receües pour bonnes, moyennant qu’il n’y en ait point de meilleure que les tiennes : et combien que tes arguments ayent grande apparence de verité, ie te vay bailler des raisons plus veritables que les tiennes, et premierement, quant à ce que tu dis que la terre de marne se dissoult à l’humidité comme la chaux, à ce ie responds qu’ainsi font toutes terres, quand elles sont seiches, et singulierement toutes terres argileuses : et quand à l’autre raison que tu pourrois alleguer, que la marne est aussi blanche comme la chaux, à ce ie responds qu’il y a de la marne grise, noire, iaune, par lesquelles couleurs ie prouue l’argument obiectable.

Theorique.

Ie ne sçay quel obiect tu sçaurois alleguer contre mon dire : car nous sçauons que la cause que le fumier aide à la vegetation des semences, est pour cause de sa chaleur, et si ainsi est du fumier, il est semblable à la marne et à la chaux.

Practique.

Tu veux donc dire et conclure que le fumier est chaud ?

Theorique.

Et me voudrois tu nier vne chose si euidente ? ne sçauons nous pas que l’on fait consommer et reduire les lames de plomb en ceruse dedans les fumiers, à cause de la grande chaleur ? ne sçait-on pas bien que plusieurs teintures de soye se font dedans les fumiers chauds ? ne sçait on pas bien que plusieurs alchimistes se seruent de fumiers chauds, pour mettre couuer les œufs de leurs essences ? il n’y a pas iusques aux pourceaux qui ne rendent tesmoignage de la chaleur des fumiers ? car bien souuent les fumiers leur seruent de poilles ou estuues pour s’eschauffer.

Practique.

Tout cela est fort mal entendu, et ne fait rien contre moy. Nous sçauons bien que quand le foin et la paille sont humectez par les eaux, ils se putrifient, et en se putrifiant la putrefaction cause vne grande chaleur és pailles et foins, iusques à ce que la dissolution de l’essence radicalle soit accomplie, et ce fait, le fumier n’a plus de chaleur. Nous sçauons aussi que les pierres de chaux cuites, engendrent vn feu, lequel feu dure en elle iusques à ce qu’elle se soit creuée et puluerisée, et apres la chaleur n’y est plus ; nous sçauons aussi que l’eau bouillante est chaude tandis qu’elle est esmeüe ou touchée par le feu, mais apres, estant reposée hors du feu, elle est plus subiette à la gelée que non pas l’eau qui n’aura point chauffé. Nous sçauons aussi que vne playe ou concussion, qui par accident auenu engendrera apostume à la partie offensée, sera plus chaude que de coustume, à cause de l’accident et de la putrefaction qui se fait, comme ie t’ay dit de la paille ou foin, qui s’eschauffe par accident de putrefaction, et non que la chaleur y soit tousiours. Nous sçauons aussi que deux cailloux ou autres matieres dures engendreront (quand elles seront frappées l’vne contre l’autre) des bluettes ou estincelles de feu : ce n’est pas pourtant à dire que les cailloux soyent chauds : mais c’est ce que ie di, que les accidens engendrent des chaleurs extraordinaires : parquoy faut conclure qu’il y a quelque cause autre qui fait germer les semences. Quand i’ay contemplé de bien pres la terre appellée Marne, i’ay trouué que ce n’estoit autre chose que vne sorte de terre argileuse, et si ainsi est, c’est le contraire des raisons que tu as amenées : car nous tenons pour certain que la terre argileuse est froide et seiche, comme tu peux auoir entendu en parlant des metaux et mineraux, en te prouuant que en plusieurs terres argileuses se trouuent des marcassites, mesme du bois metallisé et petrifié ; et si la terre de marne estoit chaude, la terre d’argile le seroit aussi, et tout ce que i’aurois escrit en parlant des terres, pierres et metaux, seroit faux. Faut commencer donc par ce bout et en fin conclure que la terre de marne est vne espece d’argile, laquelle ayant demeuré plusieurs années à l’iniure du temps, elle se seroit refroidie ou gelée voire dés la premiere gelée : et ores qu’elle auroit esté chaude en la matrice de la terre elle ne pourroit seruir à eschauffer la terre vne seule année. Autant en di-ie du fumier et de la chaux, il est aisé à conclure puisque la terre est ameilleurée par la marne l’espace de dix ou trente ans, que cela n’est pas causé de chaleur qui soit en elle : car en tirant la dite marne en plusieurs lieux, il s’en trouue qui ne se peut dissoudre à l’iniure du temps, ny par les pluyes, iusques à ce que la gelée y ayant besongné, laquelle gelée trouuant les pierres de marne dures comme craye, les fera dissoudre et reduire en poussiere, comme ainsi soit que cela auienne souuent és pierres tendres, lesquelles pierres on appelle iolices (gélisses), desquelles i’ay parlé cy dessus ; et pour faire fin à toutes disputes, ie te dis que la marne estoit vne terre au parauant qu’estre marne, que terre argileuse et commencement de pierre de craye à esté premierement marne, et te di encores, que la craye qui est encores en la matrice de la terre deuiendra pierre blanche, et te di encores autre chose qui te faschera plus de croire, qu’en quelque part qu’il y ait des pierres sujettes à calcination, elles ont esté marne auparauant qu’estre pierres : car autrement estans calcinées elles ne pouroyent meilleurer les champs stériles.

Theorique.

Ie ne vis iamais homme plus opiniatre en ses opinions que toy ; cuides-tu trouuer des hommes si fols qui veulent croire les propos que tu as mis en auant ? tu en trouueras bon nombre qui s’en mocqueront, et t’estimeront destitué de toute raison : de ma part ie me suis deliberé de ne rien croire de ce que tu dis si tu ne me donnes preuues aisées et intelligibles, par lesquelles tu me face croire qu’il y a quelque cause qui ayde à la vegetation des semences, autre que la chaleur qui est en la chaux, Marne et fumiers. Car comme ie t’ay dit, puis que la Marne ne profite gueres aux champs la premiere année, c’est signe comme i’ay dit que la trop grand chaleur qui est en elle empesche son action.

Practique.

Tu t’abuses et n’entens pas ce que tu dis, car ce n’est pas vne chose ordinaire, ny en tous lieux, que la marne fait mieux son deuoir la seconde année et autres suyuantes que la premiere : mais en cest endroit il te faut noter vn point singulier et de grand poids, lequel tu peux auoir entendu par le propos subsequent, qui est que la Marne se reduit en craye ou autre pierre par vne longue decoction, et quand vne marne commence à passer sa decoction, elle s’endurcit en telle sorte que les pluyes ne la peuuent disoudre au deuoir requis, ains demeure aux champs par petits morceaux sans se liquifier parmi la terre, et aduient par ces causes qu’elle ne peut donner saueur en la terre iusques à ce qu’elle soit disoute et liquifiée, et d’autant que cela ne se peut faire si soudain de la premiere année, les gelées auront causé quelque temps apres la dissolution de ladite marne, qui est ia commencée à putrifier, et estant ainsi disoute et liquifiée, elle aidera à la generation des semences qui luy seront presentées. Voila vn point que tu dois tenir et garder comme chose certaine : cela est fort aisé à connoistre au pays de Valois, Brie et Champagne, auquel pays se trouue de ladite marne abondamment, et encores plus abondamment de la craye, qui autrefois a esté marne et s’est reduite en pierre de craye par sa longue decoction. Tu peux auoir entendu vne partie de ces raisons en mon traité des pierres.

Theorique.

Et ie te demande, si ainsi est que tu dis que la terre de craye estoit premierement marne, la craye pourroit donc seruir de marne moyennant qu’elle fut bien puluerisée ; car s’il est ainsi que tu dis, la mesme vertu qui estoit en la marne est encores en la craye.

Practique.

Tu as fort bien iugé, mais la craye estant lapifiée ne se pourroit dissoudre, et ce ne seroit pas assez de la mettre en poussiere, aussi qu’elle cousteroit trop à pulueriser, et pour vray si les gelées la pouuoient dissoudre elle seruiroit de marne : et pour le tesmoignage de ce que ie dis, ie te renuoiray à ce que i’ay dit cy dessus, que la pierre de chaux estant dissoute par le feu sert de marner ou fumer les terres. Voudrois tu vn plus beau tesmoignage, il te faut encores passer outre et regarder à la cause de la difference des couleurs, qui sont aux marnes. La cause des marnes blanches, procede de sa longue decoction, quand est des noires, il y peut auoir plusieurs causes, dont la principale est, qu’il n’y a pas long temps que les matieres sont commencées à congeler, et telles marnes sont de plus aisée dissolution : ils peuuent aussi auoir de quelque bois pourry ou mineralles qui peuuent auoir taint en noir les matieres. Quant est des iaunes, les mines de fer, de plomb, d’argent et d’antimoine, tous ces mineraux peuuent teindre les marnes en iaune : voila pourquoy il s’en trouue de couleurs diuerses.

Theorique.

Et puis que tu dis que la chaleur de la marne, des fumiers, et de la chaux, n’est pas la cause actionale des vegetations seminales, donne-moy donc à entendre par quelle vertu la marne pourroit actionner ces terres infertilles.

Practique.

Quand ie t’ay dit qu’il ne falloit pas attribuer à la chaleur de la marne la vertu generatiue, ie n’ay pas voulu pour cela destituer totalement la marne de la chaleur : mais i’ay voulu par là destruire la folle opinion de ceux qui veulent attribuer le total à la chaleur : ie dis le total interieurement et exterieurement. L’on sçait bien que le sel est chaud interieurement, et pour ces causes l’on dit qu’il ayde à la generation genitale : et toutesfois en temps de froidures tu trouueras le sel autant froid que de l’eau ou des pierres, il faut conclure donc, que sa chaleur ne peut actionner si elle n’est esmuë par vne contre-chaleur, sçauoir est en ce qui consiste le fait seminal, il faut donc philosopher plus loing et regarder à la cause essentielle, esmouuante et operante en ce fait icy, et l’on trouuera quelque chose de caché que les hommes ne peuuent entendre.

Theorique.

Ie te prie, si tu en as quelque connoissance, ne me faits point languir, mais donne moy clairement à entendre ce que tu en penses.

Practique.

Si tu eusses amplement ouuert les aureilles quand tu lisois le subsequent de ce liure, tu eusses aisement entendu ce qui en est : car ie t’ay dit cy deuant qu’il y auoit vn Element cinquiesme, lequel les Philosophes n’ont iamais conneu ; et ce cinquiesme Element, est vne eau generatiue, claire ou candide, subtile, entremeslée parmi les autres eaux indistinguibles, laquelle eau estant apportée auec les eaux communes, elle s’endurcist et se congele auec les choses qui y sont entremeslées, et tout ainsi que les eaux communes montent en haut par l’attraction du Soleil, soit que ce soit par nuées, exalations ou vapeurs, si est-ce que l’eau seconde laquelle i’appelle element cinquiesme, est portée auec les autres : et quand les eaux communes viennent à descendre et découler le long des valées, soit par fleuues, riuieres ou sources, ou par pluyes, ie dis qu’en quelque sorte qu’elles descendent, en quelque part qu’elle s’arrestent, il se forme quelque chose, et singulierement par tel moyen les cailloux et pierres et carrieres sont formées, chose bien certaine comme tu peux auoir bien entendu en lisant mon discours des pierres : or venons à présent au principal, voyons comment cela se peut faire. Apres que tu auras bien entendu qu’il y a vne eau generatiue et l’autre exalatiue, et comme tu pourras aisement entendre que l’eau congelatiue est generatiue, laquelle i’appelle le cinquiesme element, que quand elle est remuée par l’eau contenuë en quelque receptacle, ou lieu de repos, elle estant en tel repos se viendra à congeler et fera quelque pierre selon la grosseur de la matiere qui y sera arrestée, et portera la forme de son giste ; et apres qu’elle sera ainsi congelée, l’eau commune quelquefois sera succée par la terre et descendra plus bas, ou bien sera exalée et s’en yra en vapeurs és nuées, et laissera là sa compagne, parce qu’elle ne la pourra plus porter. Voila vne sentence qui te doit faire entendre qu’auparauant que la marne fut marne, c’estoit de la terre dedans laquelle les deux eaux sont entrées et ont reposé quelque temps ; et estant en repos, l’eau generatiue ayant trouué son repos s’est venuë à congeler et la vaporatiue a passé outre, ou bien s’est exalée, comme i’ay dit cy dessus, et la terre où l’eau congelatiue s’est arrestée a esté endurcie et conséquemment blanchie par l’effect de ladite eau congelatiue, qui a fait vn corps auec elle ; et de là vient que quand la terre est reduite en marne par l’action de l’eau generatiue, la terre qui lors est portée aux champs et qui s’appelle marne, ce n’est pas cela qui rend la terre fructueuse, ains est l’eau congelatiue qui s’est arrestée parmy la terre : laquelle eau estant arrestée à cause comme i’ay dit, endurcit et blanchit la terre, et quand les semences sont iettées sur la terre conuertie en marne, elles ne prennent la substance de la terre pour ayder à leur vegetation, ains se repaissent de l’eau generatiue et congelatiue, que i’appelle le cinquiesme element, et quant les semences par l’espace de plusieurs années ont attiré l’eau generatiue, la terre de marne est inutile comme le marcq de quelque decoction qui auroit esté faite, autant en est-il du fumier et de la chaux[2].

Theorique.

Tu voudrois donc conclure que les semences vegetatiues succeroyent ce cinquiesme element que tu appelles eau generatiue, comme vn homme qui succeroit de l’eau ou du vin par le trou d’vne bonde, et laisseroit la lie faire son marq au fond du tonneau ?

Practique.

Tu dis vray et n’en faut rien douter, mais faut entrer en consideration plus subtile, car les semences vegetatiues ne pourroyent faire attraction de l’eau generatiue, sans qu’elle fut humectée par les eaux communes, et te faut noter que quand les terres sont humectées par les pluyes ou rosée, ou autrement que les vegetatifs prennent de l’eau commune auec la congelatiue ; laquelle eau commune luy empesche la trop hatiue congelation, et de là vient que les frouments et autres semences se tiennent verds iusques à leur maturité, et quand ils sont meurs et que le pied laisse son succement et qu’il n’a plus que faire de nourriture, l’eau exalatiue s’en va et la generatiue demeure : et comme la decoction des plantes se parfait, la couleur aussi change, comme il fait semblablement és pierres et à toutes especes de mineraux, comme ie t’ay dit en mes autres traitez parlant des mineraux, que toute espece de fruits changent de couleur en leur maturité, suyuant quoy ie t’ay tousiours dit, en parlant de l’element cinquiesme, que combien que c’est vne eau, et parmy les autres eaux que c’est celuy qui soustient pailles et foins, et toutes especes d’arbres et plantes, mesme les hommes et les bestes, et t’ay dit mesme que les os de l’homme et de la beste sont endurcis et formez de ceste belle substance generatiue ; et comme tu vois qu’au commencement la marne est vne terre tendre et fluante, et puis, de là deuient en marne plus dure, et de marne en craye, et de craye en pierre, par la vertu de laquelle eau aussi les os de l’homme et de la beste (qui sont espece de pierre et cassent quand ils sont secs comme pierre) iceux di-ie sont en eau pareille que dessus. Premierement fort tendres, comme ie t’ay dit de la marne, et puis deuiennent durs comme pierre quand ils sont paruenuz à leurs decoction et maturité, et tout ainsi que tu vois que les pierres ou cailloux qui sont generez et formez de ceste eau congelatiue, endurent le feu et ne se peuuent consommer au feu, ains se vitrifient, tu vois aussi que cest element generatif duquel ie t’ay parlé ne peut estre consommé estant aux pailles et aux foins, car si tu brusle de la paille, du foin, ou du bois, toute l’eau commune s’en ira en fumée, mais ceste eau generatiue qui a soustenu, nourri et a creu le foin et la paille, demeurera aux cendres et ne pourra estre consommée, ains se vitrifiera estant és fournaises ardantes, desquelles cendres l’on pourra faire du verre qui sera transparent et candide, comme l’eau generatiue estoit auparauant sa congelation ; et si ainsi est des cendres des bois, des pierres qui pour le fait de ceste semence generatiue, souffrent les effects du feu, aussi tu vois semblablement qu’il n’y a rien qui résiste plus au feu que les os de plusieurs bestes, comme tu as veu plusieurs fois que i’ay fait brusler des os de pieds de mouton, et quelque grande chaleur qu’il y eut és fournaises, il n’est possible de les consommer par feu, ny semblablement la coquille des œufs ; qui te doit faire croire que Dieu a mis un ordre en nature en telle sorte, que les os ont attiré et attirent ordinairement plus abondamment de laditte eau generatiue, que non pas les autres parties ; et comme i’ay dit autre part, ne faut douter qu’il n’y en ait vne bonne partie en la prunelle des yeux, et par ce qu’elle est humectée et accompagnée de l’eau exalatiue, cela empesche que laditte prunelle ne se petrifie. Nous auons les miroirs et lunettes qui nous rendent tesmoignage qu’il y a quelque affinité enuers les yeux, les lunettes et les miroirs, et ne faut croire que nulle chose peut receuoir policement ny seruir de miroir ou lunettes, si n’estoit par la vertu admirable de ce cinquiesme element, qui lie auec soy les autres matieres, et les rend dures, candides et polissables par les efforts que le souuerain luy a ordonnés. Autre preuue, cuide tu que les poissons armez qui sont en la mer et és estans et riuieres douces, n’ayent quelque connoissance de l’element susdit ? et comment pouroyent-ils former leurs coquilles, au milieu des eaux, et que la coquille se vient à endurcir et desecher au milieu de l’humidité, s’ils ne sçauoyent choisir la matiere congelatiue au meilleur des eaux ? tu sçais bien que ces grands poupres et bucines ont leurs coquilles autant dures ou plus que pierre, et toutesfois la matiere estoit liquide et à nous inconnue au parauant que le poisson eut formé sa maison. Il faut pour conclusion venir à ce point comme ie prouue au traité des metaux, que le cristal est formé de ladite eau generatiue au milieu des eaux communes, que ladite semence, ou eau generatiue n’est pas seulement pour seruir à la generation des pierres, mais aussi est substance et generation de toutes choses animées et vegetatiues, selon le cours humain, ensuyuant l’ordre et vertu admirable que Dieu a commandé à nature. Tu as entendu cy deuant qu’il n’y a nulle espece de pierre qui ne soit candide en sa forme principale, et celles qui sont tenebreuses, ne le sont que par accident : parce qu’il y a parmy la matiere, de la terre, du sable qui se congele et endurcit auec elle, et de là vient que la matiere qui au parauant estoit candide se trouue obscure : toutesfois il n’y a pierre si obscure que l’on ne rendit en fin transparente à force de feu, par ce que l’element principal duquel i’ay tant parlé rend les choses fixes et transparentes, comme il est transparent en son estre : cela ne se peut aisement verifier, sinon par les practiques, et la theorique ne sçauroit asseurement parler de ces choses. Ie t’ay mis toutes ces preuues en auant afin que si tu as des terres infertiles tu mettes peine de trouuer de la marne en ton heritage pour fumer les terres steriles, afin qu’elles rendent abondamment des fruits en leur saison, et en ce faisant tu seras vn bon pere de famille, et comme lumiere entre les paresseux, tu seruiras de bon exemple et les voisins mettront peine de suyure tes traces.

Theorique.

Ie te prie me faire ce bien de m’apprendre le moyen de connoistre la marne que tu dis : car si ie sçauoy le moyen de la connoistre ie ne faudroy de m’employer de toutes mes forces, iusques à tant que ie sçeusse s’il seroit possible d’en pouuoir trouuer en mon heritage.

Practique.

Ie ne cuide pas que ceux qui premierement ont meilleuré les terres par la marne, qu’ils l’ayent fait par vne theorique imaginatiue : mais i’ay bien pensé que ceux qui ont trouué premierement l’inuention, l’ont trouuée sans la chercher, comme plusieurs autres sçiences se sont offertes d’elles mesmes, comme tu peux penser que la moullerie peut auoir esté inuentée par les pas d’vn homme qui marcha les pieds nuz sur vn sable fin, ou sur de la terre d’argile, en laquelle terre ou sable l’on verra euidamment la forme touchée, rides, flaches, bosses et concauités de la forme de tout le pied : cela, di-ie est suffisant pour auoir premierement inuenté la moullerie et l’imprimerie, suyuant quoy, il est aisé à croire que quand la marne a esté premierement connue, ç’a esté par le moyen de quelque fosse ou tranchée, comme ainsi soit qu’en iettant les vuidanges du profond des fosses au dessus du champ circonuoisin, l’on a trouué que le bled qui estoit semé audit champ, estoit plus gaillart et espoix à l’endroit où les vuidanges des fossez auoyent esté iettées ; quoy voyant les propriétaires du champ peuuent auoir prins l’année suyuante de la terre dudit fossé et l’ayant espandue par toutes les parties du champ, ils ont trouué que ladite marne estoit autant bonne et meilleure que fumier. La premiere inuention d’auoir trouué la marne, peut auoir aussi esté trouuée en creusant les puits pour chercher de l’eau, et en quelque lieu est aduenu qu’ayant creusé vn puits bien profond l’on a ietté les vuidanges et espandu par toute la terre circonuoisine de la fosse dudit puits, et apres que le champ a esté labouré et semé, l’on a trouué ce qu’on ne cherchoit pas, qui est que les semences iettées és parties du champ couuert des vuidanges du puits, se sont trouuées espoisses, belles et gaillardes. Voila deux effets qui ont peu aduertir les premiers qui ont vsé de la marne, et t’ose dire et asseurer que l’vn et l’autre sont veritables, et peuuent encores seruir comme d’inuention aux lieux ausquels la marne ne fut onques vsitée, et te donneray vn argument inuincible, qui est que quelquesfois la marne se treuue dés le commencement, ou bien pres de la superficie de la terre, et descendant tousiours en bas, tirant vers le centre, autre marne ne se peut trouuer que premierement l’on n’aye fait vue fosse de quinze ou vingt pieds ; quelquefois plus de vingtcinq, et ayant trouué le commencement de ladite marne, il la faut tirer comme si on tiroit l’eau d’vn puits auec grand labeur. Voila pourquoy ie t’ay dit et asseuré qu’ayant trouué la marne par cas fortuit en creusant les puits et fosses, que depuis l’inuention estant trouuée l’on a cherché apres si auant és pays où elle est vsitée et conneue. Il faut donc conclure que la marne ne se peut apprendre à trouuer par theorique, non plus que les eaux cachées sans source, et que tout ainsi que les terres argileuses se trouuent quelquefois pres la superficie, et quelquesfois les faut chercher profond, semblablement la terre de marne se trouue, comme ie t’ay dit cy dessus. Si tu veux donc trouuer de la marne ie te conseilleray retenir l’exemple d’vn bon pere de famille Normand, lequel habitant à vne paroisse de Normandie, qui prenoit grand peine à cultiuer ses terres, et ce neantmoins il estoit contraint toutes les années d’aller acheter du bled hors de la paroisse : car toute ladite paroisse estoit infertile, et ne se trouuoit nul qui cueillist du bled pour sa prouision ; et quand il venoit vne cherté, et que les hommes de ladite paroisse alloient acheter du bled en la prochaine ville, les autres paroisses les maudissoient, disans qu’ils estoient cause d’encherir le bled. Il aduint que ce bon pere de famille que ie t’ay dit au commencement s’auança quelque iour de prendre son chapeau plein d’vne terre blanche qu’il trouua dedans vne fosse, et la porta en quelque endroit d’vn champ qu’il auoit semé, et marqua l’endroit où il auoit mis ladite terre, et quand les semences furent accreuës il trouua que le bled estoit espoix, vert et gaillard sans comparaison plus qu’en nul autre partie du champ : quoy voyant le bon homme fuma l’année suyuante tous ses champs de laditte terre, lesquels apporterent des fruits abondamment ; et apres que ses voisins et tous les habitans de ladite paroisse furent aduertiz d’vn tel fait, ils firent diligence de trouuer de ladite terre de marne, et en ayant fumé leurs champs ils recueillirent plus abondamment des fruits que nuls d’autres paroisses. Voila le moyen de chercher de la marne le plus asseuré que ie sçaurois penser, et pour mieux te donner le moyen de la chercher et connoistre, ie te veux amplement donner à connoistre, que la marne n’est autre chose qu’vne terre reposée vn bien long temps, laquelle a esté tousiours humectée par les eaux qui ont esté retenues en icelle, tellement que toutes les choses petrifiables qui estoyent en elles se sont reduites en terre fine : laquelle terre estant purifiée de toute ordure corruptible, a retenu en elle l’vne des deux eaux, sçauoir est la congelatiue, et icelle eau congelatiue ayant fait vn corps auec laditte terre, la terre s’est par ce moyen endurcie : non si fort que la pierre, combien que ce soit vn commencement de pierre : mais d’autant qu’elle a esté tirée de sa miniere au parauant sa parfaitte decoction, elle se dissout en la descente des pluyes et des gelées, apres qu’elle est tirée du lieu de sa formation : et d’autant qu’elle est pierre imperfaite, elle laisse l’eau qui l’auoit congelée au lieu où elle est dissoute et brisée, et l’eau qui la soustenoit est liquifiée dedans le champ et ramassée, succée et recueillie par les semences qui y sont iettées, comme ie t’ay dit cy dessus : mais d’autant que ce propos est de grand poids i’ay voulu repeter vne mesme chose auec exemple plus intelligible, qui est (pour mieux te le faire entendre) qu’vn lard, ou la chair d’vn porc, ne perdra pas sa forme pour estre salée, et quand elle est dessalée elle demeure encore en sa forme, comme tu vois ordinairement, que dedans vn pot il y pourra auoir plusieurs pieces de chairs fraisches, parmy lesquelles et au dedans du pot il y aura vne piece de lard, laquelle donnera saueur à toutes les autres qui seront de chair fraische, aussi que tout le bouillon du pot sera sallé pour le sel qui estoit dedans le lard, toutesfois le lard demeurera en sa forme. Les distillateurs tireront de la canelle la saueur, la senteur et la vertu, sans oster la forme de la canelle : aussi tu peux connoistre par là, que tout ainsi comme le lard n’a pas sallé l’eau du pot par sa vertu, ains pour cause du sel ou il auoit reposé, lequel sel a esté extrait du lard par la vertu de l’eau sans oster la forme du lard : aussi les semences tirent à soy la vertu salsitiue de la marne, qui est ceste eau generatiue, et quand toute la vertu salsitiue à esté attirée par les semences, la marne n’est rien plus qu’vne terre infertile comme l’escorce de la canelle, apres que l’essence en a esté tirée. Ie te diray encores vn secret qui est que iamais le sel ne pourroit conseruer la chair de porc, ny la conuertir en lard, ny consequemment les autres chairs, si premierement le sel n’estoit dissout ; et si le sel ne faisoit que toucher à l’encontre sans se liquifier, il ne pourroit entrer au dedans, ny empescher la putrefaction. Voila pourquoy tu peux entendre que la marne qui est ia commencée à petrifier, si elle n’est premierement dissoute parmi le champ, les semences n’en pourroyent rien tirer, non plus que feroit vne chair d’vn sel qui ne se pourroit dissoudre ou liquifier. Ie m’efforce tant que ie puis de te faire entendre qu’il n’y a pierre, que si elle se pouuoit dissoudre à la cheutte des pluyes ou gelées, qu’elle ne seruit de fumier aux champs : par ce que toutes pierres sont formées, soustenues et endurcies par le mesme element cinquiesme, lequel accompagne toutes choses depuis le commencement iusques à la fin ; et faut que plusieurs choses ne craignent ny le feu, n’y l’eau, n’y aucune iniure du temps, tesmoing les terres argilleuses lesquelles ont esté causées de son action, et demeurent dedans les eaux sans aucun dommage, et estant formées en vaisseaux ou en briques, elles endurent le feu des fournaises, et mesmes les fournaises en sont construites.

Theorique.

Tu m’as dit cy dessus beaucoup de raisons, neantmoins ie ne suis pas satisfait touchant le moyen le plus expedient pour trouuer promptement de ladite terre de marne.

Practique.

Ie ne te puis donner moyen plus expedient que celuy que ie voudrois prendre pour moy : si i’en voulois trouuer en quelque Prouince où l’inuention ne fut encore connue, ie voudrois chercher toutes les terrieres desquelles les potiers, briquetiers et tuilliers, se seruent en leurs œuures, et de chascune terriere i’en voudrois fumer vne portion de mon champ pour voir si la terre seroit ameilleurée, puis ie voudrois auoir une tariere bien longue, laquelle tariere auroit au bout de derriere vne douille creuse, en laquelle ie planterois vn baston, auquel y auroit par l’autre bout vn manche au trauers en forme de tariere, et ce fait, i’irois par tous les fossez de mon heritage, ausquels ie planterois ma tariere iusques à la longueur de tout le manche, et l’ayant tirée dehors du trou, ie regarderais dans la concauité de quelle sorte de terre elle auroit apporté, et l’ayant nettoyée, i’otterois le premier manche et en mettrois vn beaucoup plus long, et remetterois la tariere dedans le trou que i’aurois fait premierement, et percerois la terre plus profond, par le moyen du second manche, et par tel moyen ayant plusieurs manches de diuerses longueurs, l’on pourroit sçauoir qu’elles sont les terres profondes ; et non seulement voudroy-ie fouiller dedans les fossez de mes heritages, mais aussi par toutes les parties de mes champs, iusques à ce que i’eusse apporté au bout de ma tariere quelque tesmoignage de ladite marne, et en ayant trouué quelque apparence, lors ie voudrois faire en iceluy endroit vne fosse telle comme qui voudroit faire vn puits.

Theorique.

Voire mais s’il auoit du rocq au desoubs de tes terres, comme l’on voit en plusieurs contrées, que toutes les terres sont foncées de rocher ?

Practique.

À la verité cela seroit fascheux, toutesfois en plusieurs lieux les pierres sont fort tendres et singulierement quand elles sont encores en la terre : parquoy me semble que vne tariere torciere les perceroit aisément, et apres la torciere on pourroit mettre l’autre tariere, et par tel moyen, on pourroit trouuer des terres de marne, voire des eaux pour faire puits, laquelle bien souuent pourroit monter plus haut que le lieu où la pointe de ta tariere les aura trouuées : et cela se pourra faire moyennant qu’elles viennent de plus haut que le fond du trou que tu auras fait[3].

Theorique.

Ie trouue fort estrange de ce que tu dis, que si le rocq m’empesche de percer la terre, qu’il faut aussi percer le rocq, et si c’est du rocq que ay-ie que faire de le percer, veu que ie cherche de la marne ?

Practique.

Tu as mal entendu, car nous sçauons qu’en plusieurs lieux les terres sont faites par diuers bans, et en les fossoyant on trouue quelquesfois vn ban de terre, vn autre de sable, vn autre de pierre, et vn autre de terre argileuse : et communement les terres sont ainsi faites par bans distinguez. Ie ne te donneray qu’vn exemple pour te seruir de tout ce que ie t’en sçaurois iamais dire : regarde les minieres des terres argileuses qui sont pres de Paris, entre la bourgade d’Auteuil et de Chaliot, et tu verras que pour trouuer la terre d’argile, il faut premierement oster vne grande espesseur de terre, vne autre espesseur de grauier, et puis apres on trouue vne autre espesseur de rocq, et au dessouz dudit rocq, l’on trouue une grande espesseur de terre d’argile, de laquelle l’on fait toute la tuille de Paris et lieux circonuoisins[4]. Ce n’est pas en ce lieu seulement qu’il conuient prendre la terre d’argile au dessous des rochers : mais en plusieurs autres lieux. Si tu as bien retenu le discours du traité des pierres, tu as peu entendre que la terre d’argile estant venue en sa perfection, elle a serui de receptacle pour retenir les eaux congelatiues qui ont causé le rocq qui est au dessus.

Theorique.

Nous parlons de trouuer la marne, et tu me parles de la terre d’argile : il me semble que cela vient mal à propos.

Practique.

Tu l’entens fort mal, ie t’ay dit cy dessus que l’eau congelatiue n’a pas seulement operé en la terre pour la reduire en marne, ains a aussi operé en la terre d’argile et és pierres et bois, voire en toutes choses generatiues voire iusques és choses animées : cuides tu que la semence generatiue du genre humain et brutal, soit vne eau commune et exalatiue ? Ie t’ose dire que tout ainsi comme la semence humaine apporte en soy les os, la chair, et toutes les parties distinctes de la forme humaine, aussi en la semence vegetatiue sont comprins les troncs, les branches, les feuilles, les fleurs, et les fruits, les vertus, les couleurs, les senteurs, et tout cela par vn ordre que l’admirable prouidence de Dieu a commandé ; et ne faut que tu trouues estrange que ie t’allegue les exemples de la terre argileuse, pour te seruir en la marne : car depuis quelque temps i’ay passé par le pays de Valois et Champagne, où i’ay veu plusieurs champs ornez de plusieurs piles de marne, arangées en la forme de pilots de fumier, et comme il pleuuoit sur ladite marne, qui estoit par mottes grandes et petites, i’apperceu qu’elles se venoyent à dissoudre à la cheutte des pluyes : lors ie prins vne de ces mottes, qui estoit ia liquefiée comme paste, et l’ayant petrie entre mes mains i’en fis vn nombre de trochisques, lesquelles ie fis cuire dedans vn grand feu, et estant cuittes, ie trouuay qu’elles s’estoyent endurcies en pareille forme que la terre d’argile : lors ie conneuz que l’une et l’autre pouuoit faire vne mesme action, sinon en tous lieux, pour le moins en quelque contrée.

Theorique.

Voire mais les terres d’argile sont de diuerses couleurs et plus communement grises, et la marne est blanche : parquoy cela ne se peut accorder.

Practique.

À la verité, la marne est communement blanche és pays de Valois, Brye, et Champagne, toutesfois i’ay bon tesmoignage qu’au pays de Flandres et Alemagne, mesme en quelque partie de la France, il y en a de grise, noire et iaune, comme i’ay dit dés le commencement : parquoy ie te conseille de ne t’amuser point à la couleur : car la marne grise ou noire peut deuenir blanche en sa decoction ; et tout ainsi qu’il y a de la marne blanche, aussi il y a des terres argileuses blanches. Il me souuient auoir passé de Partenay, allant à Bresuyre en Poitou, et de Bresuyre vers Thouars, mais en toutes ces contrées, les terres argileuses sont fort blanches, et consequemment les cailloux, lesquels sont en grand nombre audit pays : qui me fait croire que les terres argileuses desdits pays pourroyent aussi seruir de marne, et singulierement celle dequoy les drapiers foulent et desgressent les draps. Mais voyons aussi que les creusets des orfebvres qui sont apportez du pays d’Anjou, d’aupres de Troye, et plusieurs autres lieux, sont faits d’vne terre fort blanche semblable à la marne. En la basse Bourgongne, il y a vn certain village où l’on tire de la terre d’argile toute semblable à la marne, et cuide que ce ne soit autre chose : toutesfois elle endure le feu en telle sorte, que tous les verriers de la plus grande partie des Ardennes, se seruent des vaisseaux faits de ladite terre, et mesme les verriers d’Anuers qui besongnent de verre de cristalin, sont contrains en enuoyer querir, combien que l’on la vende bien cher, à cause qu’elle dure long temps és fournaises ardantes. I’ay veu creuser vn puits au pays des Ardennes, qu’auant trouuer l’eau, il fallut creuser vne bien grande espesseur de terre, et apres la terre, on trouua vn fond de rocq d’vne grande espesseur, et apres le rocq se trouua d’vne terre d’argile autant blanche que craye, laquelle i’esprouuay, et la trouuay bonne à faire vaisseaux : toutesfois combien qu’elle n’ait esté approuuée si est-ce que ie croy que c’est vne parfaite marne. Si mon estat se pouvoit exercer en peregrinant d’vne part et d’autre, ie pourrois donner plusieurs aduertissements de ces choses, qui seruiroient beaucoup à la republique : toutesfois voila vn chemin ouuert : si tu es homme curieux de ton bien, tu pourras chercher par les moyens que ie t’ay dit ; en cherchant tu trouueras les choses plus asseurées que ie ne te les sçaurois dire : car on dit communement qu’il est facile d’adiouter à la chose inuentée ; aussi la science se manifeste à ceux qui la cherchent.

Theorique.

Et ne me suffira il pas de chercher la marne au maniment des mains ? attendu que la marne est vne terre grasse, comme celle d’argile, et puis que la terre d’argile est connue au maniment des mains : car il y a celuy que s’il manie de la terre d’argile destrempée, qu’il ne dit voila vne terre grasse et visqueuse : aussi les Latins disent que terre d’argile veut dire terre grasse.

Practique.

Tu as fort mal retenu ce que i’en ay escrit au liure des terres : car ie t’ay dit que les Latins et les François abusent du terme, en appellant la terre d’argile terre grasse : car si elle estoit grasse il seroit impossible de la dissoudre par eau ny par gelée : car toutes gresses et viscosités oleagineuses resistent à l’eau, et ne peuuent auoir quelque affinité : ains au contraire, la terre d’argile et la terre de marne chassent toutes taches grasses, visqueuses et oleagineuses : et pour ces causes les foulons les font seruir à degresser les draps.

Theorique.

Ie trouue en quelque endroit de tes propos vne contrarieté assez connue ; car tu m’as dit cy deuant, que mesme les rochers estoient causés de la matiere mesme qui ayde à la generation des semences : et toutesfois i’ay veu des pays que toutes les terres estoient incrustées de rochers et pierres, et les terres qui sont telles ont bien peu de terre sur le rocq, et les semences qui y sont iettées, ne peuuent gueres profiter, ains les bleds demeurent bas, ayant les espics bien petits, par ce que la plante ne peut prendre nourriture sur le rocq.

Practique.

N’as tu pas entendu vn propos que ie t’ay dit, que si le sel ne se venoit à dissoudre, les lards, poissons, et toutes especes de chairs ne pourroient estre salées, si le grain du sel demeuroit en son entier sans se dissoudre et diminuer ? Si le pays qui est ainsi pierreux est de telle nature que les pluyes qui tombent dessus ayent en elles vne si grande quantité d’eau congelatiue, qui tombant d’en haut, fait vne croutte en augmentant les rochers couuerts d’vn peu de terre, cela ne fait rien contre mon propos : car ie t’ay dit que depuis que l’eau est congelée et reduitte en pierre, les semences n’en peuuent tirer aucune liqueur, si la pierre n’est premierement dissoute, comme ie t’ay dit que la chair ne pourroit rien prendre du sel, sinon en tant qu’il se dissout et diminue. Voila vne conclusion toute certaine.

Theorique.

Si est-ce pourtant que i’ay veu plusieurs forests és parties montagneuses, esquelles les arbres sont merueilleux en grandeur, combien que la sole d’iceux n’est que rocq, auec vn bien peu de terre par dessus la superficie des rochers, et les racines desdits arbres sont à trauers et parmi les rochers des montagnes.

Practique.

Si tu eusses bien noté ce que ie t’ay dit en traitant des pierres, tu n’eusses mis vn tel argument en auant : car tu dois entendre que les racines des arbres ne sçauroyent transpercer les rochers. Il te faut donc croire que les arbres auoyent prins racine au parauant que la terre où ils sont fut congelée, et comme les arbres ont prins en leur croissance abondamment de l’eau generatiue, ils en ont distribué aussi bien aux feuilles et aux fruits, comme aux branches et comme aux racines : et par ce que les feuilles et fruits tombent par chacun an desouz les arbres, ils se viennent à putrifier, et en se putrifiant (comme font les herbes des forests) ils rendent en leur putrefaction l’eau commune et la generatiue parmy la terre, qui est causée parmy des feuilles et fruits : et quelque temps apres, par la vertu du Soleil, l’eau commune se vient à exaler, et la generatiue rend alors en pierre la terre qui a esté causée des feuilles, fruits, et autres plantes des forests : car autrement ce que tu dis ne se pourroit faire : car si tu consideres la racine des arbres tu trouueras qu’il n’y a celuy qui n’aye autant de racine que de branches : car autrement, il ne pourroit endurer le combat qu’il endure par l’iniure des vents. Et si tu voulois contempler la cause pourquoy les arbres ont les racines ainsi tortues, tu trouueras que la cause n’est autre sinon, que comme les hommes cherchent les montagnes, les chemins et sentiers plus aisez, aussi les racines en leur accroissement cherchent les parties de la terre les plus aisées, plus tendres et moins pierreuses ; et s’il y a quelque pierre au deuant de la racine, elle laissera la pierre en son chemin et se tournera à dextre, ou à senestre ; d’autant qu’elle ne pourroit percer les pierres qui sont au chemin.

Theorique.

Et toutesfois les branches des arbres qui n’ont aucun empeschement en l’aër, sont aussi tortues et fourchues comme les racines : si est ce que l’aër n’est non plus dur en vn endroit qu’en l’autre. Il faut necessairement qu’il y aye autre raison que celle que tu dis.

Practique.

Quant aux racines, ie t’ay dit verité : mais quant aux branches il y a vne autre cause, qui est que les branches, poussans l’augmentation des gittes, vne chacune cherche la liberté de l’aër, et se dilatent en s’esloignant des autres gittes tant qu’ils peuuent, afin d’auoir l’aër à commandement ; et par vne telle cause, les gittes fuyans le voisinage l’vne de l’autre ne peuuent monter directement, ce que tu peux connoistre par les noyers, poiriers, et pommiers, et plusieurs autres especes d’arbres, qu’en leurs premiere croissance la tige montera directement en haut iusques à ce que la vertu radicale monte abondamment, qui luy cause se fourcher, en poussant plusieurs gittes, comme vne eau desbordée. Ie considere ces raisons en plusieurs exemplaires, premierement en ce que i’ay veu les chesnes, noyers, chastaigniers, et plusieurs autres especes d’arbres, plantez és lieux champestres, entre lesquels ie n’en ay iamais trouué vn qui montast directement en haut, comme ceux qui sont és forets entourez d’autres arbres qui les empeschent à se dilater de part et d’autre. Ie n’ay iamais aussi trouué que les arbres des forests fussent fertiles abondamment, comme ceux des campagnes, ny aussi que le fruit d’iceux fut sauoureux en telle sorte que ceux qui ont l’air et le soleil à commandement : dont il est aisé à conclure que les arbres des forests qui sont entourez d’autres arbres, ne pouuant iouir du Soleil et de l’aër és parties dextre et senestre, sont contrains monter en haut pour chercher l’aër et le soleil, lequel ils désirent pour leur nourriture et accroissement. Et comme ie cherchois la connoissance de ces causes, ie passay quelquefois par vne forest qui contenoit trois lieues de largeur, et afin de rendre le chemin aisé, l’on auoit coupé, tout au trauers de la forest, les arbres d’vne voye contenant en largeur huit ou dix toises : en passant ladite forest, i’apperceu que tous les arbres qui estoyent à dextre et à senestre de ladite voye, auoyent poussé grand nombre de branches deuers le costé du chemin ; et deuers la partie de la forest, il y en auoit fort peu, qui me donna certaine connoissance que le tronc de l’arbre prenoit son plaisir à pousser les branches vers le chemin, par ce que c’estoit la partie la plus aërée : i’apperçeu aussi que les arbres de la circonference de la forest se iettoyent et courboyent ou s’enclinoient deuers le costé des terres, comme si les autres arbres leur estoyent ennemis : et à la verité bien souuent il y a plusieurs arbres fruitiers tant és iardins que autres lieux qui sont courbez pour cause de l’ombre de leurs voisins, autres arbres desquels ils n’ayment estre accompagnez.

Theorique.

Par tes propos tu veux dire qu’apres que les feuilles, fruicts et branches des arbres et plantes sont pourries elles se peuuent reduire en pierre.

Practique.

Ie l’ay dit, et encores plus, comme tu peux auoir entendu au discours des metaux, que non seulement les choses putrifiées se peuuent lapifier, ains se peuuent petrifier au parauant la putrefaction, comme tu as veu par les bois et coquilles, et t’ose dire encore qu’il n’y a nulle espece de terre qui ne se puisse naturellement petrifier par l’effect du cinquiesme element, duquel i’ay tant parlé cy dessus.

Theorique.

Et le tripollit, qu’est-ce ? se peut-il petrifier ?

Practique.

Non seulement le tripollit, mais aussi l’ocre, le boliarmeni, et tous ces mineraux qui sont lapifiez, comme la sanguine, l’orcane, et la pierre noire : tout cela ne sont que pierres petrifiées dessicatiues et astringentes, comme vne espece de terre sigillée.

Theorique.

Et qu’appelles tu terre sigillée ?

Practique.

Terre sigillée est autrement appellee terre Lemnie (de Lemnos) ; aucuns lui attribuent ce nom, à cause du lieu où elle est prinse[5] : et te faut noter que la terre n’est autre chose qu’vne espece de marne ou terre argileuse, laquelle se prend bas en terre, comme sont communement les terres argileuses, et les marnes : l’on dit que ladite terre est fort astringente, et que par son action elle preserue de poison et retient les flux de sang par sa vertu astringente : et pour ces causes les hommes du pays où elle se prend vont par chacun an ouurir la fosse, ou le trou par où ils descendent pour la tirer, et en ayant tiré à leur discretion, ils ferment le trou iusques à l’autre année : et pour cause qu’ils ont tribut de ladite terre. Ils ouurent le trou auec grand pompe, accompagnez de ceremonies. Le pays où ladite terre se prend, est à présent occupé par le Turc, qui cause qu’il en prend le profit, et se vent ladite terre par trochisques marquées des armoiries du Turc. Voyla pourquoy l’on l’appelle terre scelée, et me semble que ce seroit mieux dit terre cachetée, et par ce qu’elle est appellée terre marquée, ou cachetée, cela me fait croire qu’elle est molle quand on la tire, comme communement est la terre d’argile : car combien qu’elle soit assez dure et qu’on la porte souuent a grand mottes sur les espaules, si est ce qu’elle est humide, en telle sorte qu’elle se peut aysément cacheter. Venons à présent à la cause de son vtilité ; d’où est-ce que peut proceder vne telle vertu ? Si tu as bien entendu le propos que i’ay dit sur les congelations, tu connoistras que la vertu de ladite terre ne procede, sinon des eaux communes et congelatiues, qui ayans percé a trauers des terres, iusques à ce qu’elles ont trouué quelque rocher pour s’arrester au lieu où les eaux se sont arrestées, la terre subtile et fine qui là estoit, a retenu la vertu de l’eau congelatiue, et là s’est fait vne association et ligature, sçauoir est, la terre et l’eau ont fait vne decoction moderée, et commencement de petrification, et en ce faisant ont laissé courir, descendre ou exaler l’eau commune, et n’est demeuré parmy la terre que l’eau congelatiue qui a perdu en se congelant la couleur et apparence qu’elle auoit au parauant, et a prins la mesme couleur de la terre où elle s’est iointe ; et par ce qu’elle n’est encores venue en sa parfaite decoction ou petrification, il est certain qu’estant prinse par la bouche, la vertu de l’eau congelatiue qui est en elle se vient à dissoudre à la chaleur et humidité de l’estomach, et alors les matieres estant liquides, le corps fait son profit de la matiere congelatiue, qui estoit en la terre, et la terre est enuoyée aux excrements selon le cours ordinaire. Voila qui te doit faire croire que ceste eau congelatiue est de nature salsitiue, comme ie t’ay fait entendre cy dessus, que le venin des serpents est guery par la vertu de la saliue, à cause du sel. Ie t’ay allegué cy dessus vne Isle pleine de serpents, aspics et viperes, qui sont en vne Isle appartenant au seigneur de Soubise. Ie t’ay dit aussi que ceux qui sont morduz des chiens enragez sont gueris par l’eau de la mer, et mesme aucuns par le lard vieux, et cela ne se fait que par une vertu salsitiue. Ie t’ay assez donné a entendre (en parlant des sels) que tous sels ne sont pas mordicatifs, ou acres, afin de te faire entendre que ie ne veux pas dire par là, que la vertu salsitiue de la terre sallée soit d’vn sel commun : ains ie veux seulement dire que son action n’est causée que par vne vertu salsitiue.

Theorique.

Ie te prie me dire s’il seroit possible de trouuer en France quelque terre qui fist la mesme action que celle que tu dis : parce qu’en tous tes discours tu ne faits point distinction des matieres qui causent la congelation des pierres, marnes et terres argileuses ; et d’autant que tu attribues à la terre sigillée sa vertu proceder de la mesme cause que les terres, pierres, et marnes de ce pays sont congelées, pourquoy est ce qu’il ne se pourra trouuer en la France des terres qui feront mesme action, veu qu’elles sont causées d’vn mesme subiet ? comme i’ay dit.

Practique.

Ie ne te puis alleguer raison contraire, sinon qu’és pays chauds, les fruits ou pour le moins partie d’iceux, sont beaucoup meilleurs qu’és pays froids, comme tu vois qu’és pays de France, depuis qu’on passe Paris, allant vers le Septentrion, on ne peut cueillir pompons, melons, oranges, figues ny oliues, ny beaucoup d’autres especes de fruits, comme on fait és chaudes regions, et mesme les raisins ne peuuent venir en maturité, comme ils font és parties meridionales de la France, Champagne, et Picardie. Tu sçais bien aussi que les espiceries, sucres, ne peuuent prendre accroissement au royaume de France, comme elles font és pays chauds. Tu sçais bien que la casse et toutes gommes odoriferantes sont prises és regions chaudes, mesme la rubarbe et autres simples, seruans à la medecine. Il est assez aisé à croire que le soleil donne quelque vertu plus violente en certaines regions qu’en d’autres, et mesme on voit qu’vne mesme region, vne mesme espece de plante operera merueilleusement plus qu’vne autre, qui sera accreuë en mesme pays. Ie t’ay baillé pour exemple les vignes de la Foye-Moniaut, qui sont entre saint Iehan d’Angely et Nyort, lesquelles vignes apportent du vin qui n’est pas moins estimé qu’hippocras, et bien pres de là, il y a autres vignes desquelles le vin ne vient iamais à parfaite maturité, lequel est moins estimé que celuy des raisinettes sauuages, par là tu peux penser que les terres ne sont semblables en vertu, combien qu’elles se ressemblent en couleur et apparence. Toutesfois ie ne veux par là conclure qu’il n’y puisse auoir en France de ladite terre lemnie, laquelle puisse faire la mesme action que la sigillée ; et prendray argument sur ce que les vaisseaux premiers faits furent formez, comme aucuns disent en argis, et depuis tous les autres qui sont formez, on les appelle vaisseaux de terre d’argile ; puis que l’on recouure de la terre en tous pays semblable à celle d’argis, aussi il n’est pas difficile de croire qu’il se puisse trouuer de la terre lemnie. Ie prendray autre argument plus certain : puis qu’aux Isles de Marennes, et en la Foye-Moniaut, se cueille du vin ayant douceur et bonté d’hippocras, et que sa bonté procede d’vne vertu salsitiue que nous appellons tartare, et qu’és pays de Narbonne et Xaintonge, il se fait du sel commun, et combien que la vertu salsitiue de la terre lemnie ne soit pas de sel commun, si est ce que tout ainsi que comme en quelque partie de la France, les raisins et quelques autres fruits apportent en soy vue douceur autant grande que les dates, figues et autres fruits qui viennent des regions chaudes, i’ay conclud qu’en quelque endroit se pourroit aussi trouuer de la terre lemnie, laquelle feroit la mesme action que celle que on prend en Turquie, de laquelle nous auons parlé. Ie te diray encores vne exemple, tu vois que les anciens ont eu en grand estime le bol d’Armenie, à cause de son action astringente ; et toutesfois depuis que l’vsage en est en France, celuy mesme qui se prend au pays, et combien qu’il se trouue en plusieurs contrées de la France, si est ce qu’on luy baille le mesme nom de celuy d’Armenie, comme tu vois que les Latins l’appellent bolus armenus, en François boliarmeny. Nous en auons encore vne autre espece qui est plus desiccatif que le susdit, duquel les peintres font des crayons à pourtraire, qu’ils appellent pierres sanguines, elle est fort propre pour contrefaire les visages apres le naturel : elle est composée d’vn grain fort subtil. Il y a autre espece de sanguine, qui est fort dure ; à cause de sa dureté, on la peut tailler et pollir comme vne pierre de iaspe ou d’agathe, combien qu’elle ne soit pas si dure : aucuns on fait tailler desdites pierres pour se seruir à brunir ou pollir l’or et autres choses. Si tu consideres bien ladite pierre tu connoistras qu’il n’y a difference aucune des deux especes de sanguine, sinon que l’vne est petrifiée à cause qu’elle a plus receu d’eau congelatiue qui l’a rendue plus pesante et plus dure, et l’autre qui est demeurée tendre, de laquelle on fait des crayons rouges, est demeurée alterée par ce que l’eau luy deffaut au parauant sa parfaitte decoction. Et parce que le commencement de nostre propos a esté seulement de parler de la marne, ie te dis à present qu’en plusieurs lieux la marne peut seruir à faire des crayons blancs à pourtraire en blanc, tout ainsi que la sanguine pourtrait des traits rouges.

Theorique.

Ie trouue icy vne chose fort estrange, qui est de ce que tu contredis à tant de millions d’hommes, tant des passez que des viuants, en ce qu’ils disent tous, et le tiennent pour chose certaine, que la marne et la terre d’argile est grasse, et que les terres sont ameilleurées pour cause de la graisse qui est en la marne : et toy comme opiniatre inueteré, les veux gaigner contre tous.

Practique.

Si tu auois bien consideré le propos que ie t’ay tenu cy dessus en parlant de l’or potable, du restaurant d’or, des graisses et des eaux, tu eusses connu par là, que depuis que les hommes sont abreuuez d’vne opinion fausse, il est difficile de leur arracher de la teste : mesmement à ceux qui se soucient bien peu de considerer les effects de nature. Te souuient-il pas que i’ay assemblé autre fois à Paris, des plus doctes Medecins, Chirurgiens et autres naturalistes, lesquels m’ont tous accordé que les Philosophes, Physiciens, passez et presens, auoient abusé en escriuant du restaurant d’or, de l’or potable, des metaux, des eaux, et des pierres, et en plusieurs autres instances, desquelles tu sçais que i’ay faict lecture, et n’ay iamais trouué homme qui m’ayt contredit : toutesfois il se trouua un Alchimiste, lequel auoit bruit de se tourmenter apres l’augmentation des metaux, pour de là venir à la monnoye. Iceluy, dis-ie, estoit fort mal content de ce que ie parlois de l’or potable, pource qu’il pretendoit potager l’or pour donner teincture à l’argent, ce qui est impossible, sinon seulement sur la superficie pour en abuser : et comme tu sçais que de l’abondance du cœur la langue parle, iceluy passionné de mes propos, attendit que l’assemblée s’en fut allée, et puis me vint dire qu’il sçauoit faire de deux sortes d’or potable. Sa passion auoit causé qu’il auoit mal entendu : car ie ne disois pas que l’or ne se peut rendre potable, car ie sçay plusieurs moyens de le potager, mais ie disois que quand il seroit potagé iamais ne se conuertiroit en la nature humaine, pour luy seruir de restaurant, parce qu’il ne se peut digerer. Et pour reuenir à poursuyure les fauces opinions inueterées sur le fait des terres qu’ils appellent grasses, ie t’allegueray la mesme raison que i’ay dit en parlant des terres argileuses, qui est qu’esdites terres il y a deux eaux : l’vne est commune et exalatiue, ennemie du feu, l’autre est congelatiue, qui cause que la terre qui n’est que poussiere, se tient en vne masse, et s’endurcit au feu : ie demanderay à tous ces dictionnaires si l’humeur radicale qui ioinct les parties de la terre estoit grasse, pourroit-elle endurer le feu ? ne sçayt on pas bien, que toute gresse espesse, oleagineuse brusle au feu, ne sçauons nous pas aussi que les drapiers desgressent leurs draps auec de la terre argileuse, ou de celle de marne ; si elle estoit grasse comment pourroit elle desgresser ? Il y a quelques vns qui pour prouuer qu’elle estoit grasse ont dit que plusieurs puits estoient foncez de terre de marne, voulant par là prouuer qu’elle est grasse : mais une telle preuue n’est pas bonne, car nous sçauons que toute espece de terres argileuses tiennent l’eau durant le temps qu’elles sont sousternées, mais estant tirées de leur fosse elles ne pourroyent tenir l’eau, sinon durant le temps qu’elles seroyent molles comme paste : mais apres que lesdites terres sont succées, elles se viennent à dissoudre soudain que l’on les mettra dedans l’eau ; et si elle estoit grasse, comme on dit, iamais elle ne se pourroit dissoudre en l’eau, non plus que le suif, la cire, la poix-raisine et autres choses grasses. Il est bien certain que si tu prend deux pieces de marne, ou de terre argilleuse, et que tu ayes deux vaisseaux, que l’vn soit plein d’huile, et l’autre d’eau, et qu’en chacun vaisseau tu mette vne motte de marne, ou terre argileuse, que celle que tu mettras dedans l’huile, ne se dissoudra iamais, mais celle que tu mettras dedans l’eau, se creuera et se dissoudra comme vne pierre de chaux, car nous sçauons que les matieres grasses et oleagineuses sont repugnantes à l’eau, et lesdites terres sont composées de matieres aqueuses, parquoy ils ne peuuent se ioindre ny entremesler : il faut donc que ceux qui appellent les marnes et terres argileuses grasses, qu’ils allent chercher autres raisons que celles qu’ils mettent en auant. S’ils appeloient lesdites terres pateuses, ils parleroyent beaucoup mieux et diroyent verité, car nous sçauons que la farine et l’eau ont telle affinité, que soudain qu’elles sont entremeslées, elles se conuertissent en vn corps pateux. Il les faut donc appeller terres pateuses, et non point grasses ou visqueuses.

Theorique.

Ie trouue estrange que tu dis, que non seulement les choses putrifiées se peuuent reduire en pierre, mais aussi aucune chose sans perdre leur forme, comment est il possible que l’eau que tu dis puisse entrer dedans les corps solides, si premierement ne sont molifiées par putrefaction ?

Practique.

Comment oses tu dire le contraire de ce que i’ay dit, veu qu’en te parlant de l’essence et forme des pierres, ie t’ay monstré plusieurs coquilles reduites en pierre, combien que les coquilles estoyent au parauant autant solides que pourroit estre vn vaisseau de verre, ou de quelque matiere metallique.

Theorique.

Il faudroit donc qu’il n’y eut rien qui ne fut poreux, et si ainsi estoit, les vaisseaux ne pourroient contenir l’eau de quelque matiere que ce soit, et toutesfois l’on voit le contraire.

Practique.

Ie ne doute point que toutes choses ne soyent poreuses, mais ces choses qui sont faites des matieres plus condensées ont les pores si subtils que les liqueurs ne peuuent passer à trauers euidemment, sinon par quelque accident : comme tu as veu autrefois que quand ie voulois broyer mes couleurs en hyuer, ie faisois chauffer la molette, et apres l’auoir posée sur le marbre toute chaude, icelle molette pour sa chaleur attiroit de l’eau dudit marbre, combien qu’iceluy marbre eut apparence d’estre bien sec : voila vn argument qui te doit faire croire que le marbre estoit poreux, à trauers desquels pores, la chaleur de la molette faisoit attraction de l’humidité. Autre exemple : tu sçais bien que les forgeurs d’armes et de taillans, quand ils veulent endurcir les armes et taillans, ils les font chauffer tant qu’ils soyent rouges, et puis les mettent froidir dans l’eau ; lors les trenchants des ferrements et armures deuiennent beaucoup plus durs. Ie te demande si le fer ou l’acier, estant ainsi trempé, ne prenoit quelque substance iusques au centre, et par toutes les parties s’ils se pourroyent endurcir par l’action de l’eau ? on sçait bien que non : car si le trenchant, ou le harnois ne s’endurcissoit que sur la superficie, cela ne seruiroit de rien. Il faut donc conclure que les armures estans chaudes, sont imbibées, et font attraction de quelque eau, autre que l’exalatiue, laquelle subuient et se fortifie ; et pour ce monstrer, te faire mieux entendre que les armures ne sont pas fortifiées par les eaux exalatiues, il faut que tu entendes que pour tremper lesdites armures, aucuns ont plusieurs secrets ; aucuns mettront du sel dedans l’eau où ils veulent tremper leurs armures, aucuns mettront des vinaigres, autres mettront des pierres de chaux, autres mettront du verre subtilement broyé, et ne faut que tu doutes que si le verre broyé ne pouuoit seruir à l’endurcissement du fer, ou acier, ie ne dis pas qu’il y puisse seruir estant en verre, mais estant bien broyé, le sel dudit verre se liquifie parmy l’eau commune, et alors les armures qui y sont trempées font leur profit dudit sel liquifié, duquel ils font attraction pour se fortifier et non pas de l’eau commune, car elle ne se peut fixer. Du temps du feu Roy de Nauarre, il partit de Geneue deux orfeures qui porterent en la cour du susdit Roy, vne masse et vn coutelas, au labeur desquels ils auoyent employé l’espace de deux années pour orner et enrichir ou tailler lesdites pieces : et parce qu’elles estoient merueilleuses et de haut prix, ils n’auoyent rien espargné à ce que ladite masse et coutelas fussent forgez de bonnes estoffes, et en cas pareil trempées en certaines eaux qui causerent vne dureté ausdites armes : ie ne sçay si elles furent attrempées par le magnifique Maigret, lequel auoit bruit qu’en cherchant la generation de l’or, ou pierre philosophale, il auoit trouué vne eau qui causoit vne merueilleuse dureté aux armures ; ignorant donc celuy qui auoit fait la trempe, ie suyuray mon propos qui est que le coutelas dont ie parle estoit si bien attrempé que l’on en coupoit les chenets ou landiers de fer, comme l’on eut fait du bois, sans que le coutelas en receut aucun dommage : voila des preuues qui te doiuent assez donner à entendre les propos que ie t’ay dit sur le fait de la marne, que comme les semences ne sont totalement nourries par l’effect des eaux communes, aussi ne sont les metaux. Ie te donneray encores vn bel exemple pour la confirmation de ce que i’ay dit, de ce qui cause la bonté de la marne ; elle cause aussi la congelation des pierres. Il y a certaines forges de fer aux Ardennes, au village de Daigny et Giuonne, autres forges au village de Haraucourt, lesquelles ne sont distantes pour le plus que deux lieues les vnes des autres, ce neantmoins és forges de Haraucourt ils mettent de la terre blanche qu’ils prennent assez bas en terre, laquelle ils mettent parmy la mine de fer pour aider à la fonte d’icelle mine, et ceux de Dagny et Giuonne prennent pour la mesme cause de la pierre de laquelle l’on se sert à faire de la chaux, qu’ils appellent pierre de castille, laquelle ils cassent pour aider à la fonte de leurs mines comme i’ay dit. Vois tu pas par là vne preuue evidente, puis que les sels des arbres aident à faire fondre toute chose, qu’il y a vne vertu salsitiue és pierres, et consequemment és terres qui ne sont encores lapifiées comme celle de laquelle l’on se sert à Haraucourt, puis qu’elle fait la mesme action que font les pierres de Dagny et Giuonne.

Theorique.

Il semble que tu te contredis, en ce que tu dis quelquesfois que les pierres sont congelées par la vertu du sel, et puis apres tu dis que c’est vne eau.

Practique.

Il me semble que tu as vne ceruelle bien dure, car il me souuient t’auoir dit au precedent qu’on n’a point accoustumé d’appeller l’eau de la mer sel, combien qu’elle soit sallée : mais bien on l’appelle eau iusques à ce qu’elle soit congelée, et depuis on l’appelle sel ; on n’appelle pas aussi l’eau glacée, auparauant qu’elle soit gelée, mais estant gelée on l’appelle glace : on n’appelle point le lait fromage auparauant sa congelation, semblablement ie ne puis appeler les choses susdites en autre terme qu’en la forme où elles sont alors que i’en ay parlé depuis auoir escrit au precedent. Ie trouue tesmoignage certain contre ceux qui disent que la marne ne profite guere aux champs la premiere année ; il est certain que si fait, autant bien que la suyuante, moyennant qu’elle soit mise aux champs auparauant que l’hyuer aye commencé, parce que la marne ne peut de rien seruir, si elle n’est premierement dissoute par les gelées. I’ay esté aussi aduerty par les habitans de Champagne, de Brie et Picardie, qu’en certains lieux, la marne n’est autre chose que craye, et d’autant qu’en plusieurs contrées desdits pays, il y a faute de pierre, et sont contrains quelquesfois de faire des murailles de craye, quand ils trouuent quelque fosse où elle sera bien condencée et reduite en craye ; cela ne se peut faire en toutes marnieres, parce qu’aucunes ne se peuuent tirer que par petites pieces, et mesme il y en a qui sont encores liquides et bourbeuses. Et comme i’ay dit au precedent, ne sont toutes blanches, ains y en a de diuerses couleurs. As-tu pas consideré les semences qui estant mises dedans vne phiole pleine d’eau, elles viennent et se promeinent dedans ladite eau, combien que la phiole soit bien scelée ? et toutesfois nous tenons pour certain que toutes choses animées ne pourroient viure sans aër, il faut donc que l’eau et la phiole soient tous deux poreux, car autrement ces bestes encloses dedans, ne pourroyent viure. Autant en dis-ie des poissons de la mer, et des riuieres que si l’eau n’auoit quelque pore, les poissons ne pourroient viure. As tu pas consideré que quand le temps est humide, et qu’il aduient quelquefois à plouuoir, ou neiger contre les vitres, qu’elles seront mouillées à trauers, par le dedans és costez de la chambre : cuides tu que le soleil fut passé à trauers des vitres, si elles n’estoyent poreuses. Il est certain que non aussi le feu ne pourroit percer à trauers des pots et chaudieres des metaux, s’il n’y auoit quelques pores, tu vois aussi que combien que la coquille des œufs soit bien condencée, si est-ce qu’estants mises sur la braise il pleure certaines petites gouttes d’eau à trauers de la coquille, procedantes du dedans de l’œuf,

  1. C’est encore là, bien évidemment, le livre intitulé : Récepte véritable, imprimé durant les premiers troubles, et non point la Déclaration des abus et ignorances des médecins, dans laquelle il n’est nullement question d’agriculture.
  2. Ce cinquième élément, que Palissy a tant de peine à définir, et auquel il donne tantôt le nom de Sel, tantôt celui d’Eau générative ou congélative, était une pensée de premier ordre, mais qui ne se présentait pas bien nettement à son esprit ; et cela ne doit point étonner dans un physicien qui s’était formé lui-même, un chimiste qui, suivant son expression, avait appris la chimie avec les dents. On comprend toutefois qu’après avoir réfléchi sur l’acte de la composition et de la décomposition des corps, et n’ayant pu trouver la raison de ces phénomènes dans les idées physiques de son siècle, pas plus que dans les quatre éléments de l’école d’Aristote, il en ait cherché la cause dans une force particulière, un cinquième élément qui, selon lui, unissait, séparait les parties des corps ou les maintenait dans leur état et dans leurs formes. On voit qu’il ne s’agissait pas moins que de l’attraction, de l’affinité et de la force vitale, qui se présentaient à Palissy, parfois comme une substance soluble, sapide, colorée, odorante, d’autres fois sous la forme d’un liquide chimique, toujours comme un élément particulier, une force occulte, principe de toute action entre les matériaux des corps naturels. Qui oserait assurer que cette pensée instinctive, bien que vague et obscurément exprimée, ait été perdue pour Boyle et pour Newton ?
  3. La découverte des puits artésiens est explicitement renfermée dans ces paroles. (Hoefer, Hist. de la Chimie.)
  4. Le système du sondage des terres, la théorie de la stratification du sol, l’idée primitive des puits artésiens, c’est-à-dire les principaux éléments de la géologie se trouvent réunis dans ces deux pages. C’était la première fois que ces idées étaient exprimées théoriquement, en même temps qu’elles étaient démontrées par la pratique.
  5. La terre sigillée est une substance alumineuse, mêlée de silice, de chaux, de magnésie et d’oxyde de fer, que l’on employait, en médecine, comme astringente. On la nommait ainsi parce qu’elle arrivait en Europe sous forme de grosses pastilles empreintes d’un sceau (sigillum).