Page:Marcoy - Scènes et paysages dans les Andes, 1.djvu/54

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un digne chanoine de mes amis, qui raffole des étrangers, et surtout de ceux qui, comme vous, passent leur temps à disputer aux rats de vieilles paperasses. Mon chanoine, homme de belles façons et du meilleur monde, a de la fortune et deux… nièces à marier.

— Pourquoi cette pause ? demandai-je.

— Elle est nécessaire ; passons au nom de mon ami, qui est Justo Apu Ramo de Sahuaraura.

— Quel terrible nom pour un chanoine ! m’écriai-je en riant.

— Ce nom qui vous choque, continua Balcarcel avec une gravité solennelle, est celui du dernier rejeton de la dynastie du Soleil. Par la branche masculine, mon ami descend de Tupac-Yupanqui, onzième empereur de Cuzco, et par les femmes, du dernier Quitu de Lican[1]. À l’heure actuelle, Sahuaraura est trésorier de l’évêché, inspecteur des églises de la province, archidiacre du chapitre de Santo Domingo, facteur général des orgues de la ville, premier violoncelle des chœurs sacrés, et officier de la Légion de mérite. En 1824, Simon Bolivar le décora

  1. Les chefs du pays de Lican, aujourd’hui république de l’Ecuador, portaient le titre de Quitus, comme ceux du Pérou s’appelaient Incas. Huayna-Capac, douzième empereur de la dynastie du Soleil, prit pour femme la fille du dernier roi de Lican de laquelle il eut le célèbre Atahuallpa, que les Espagnols étranglèrent à Caxamarca. Quito, capitale de l’Ecuador, rappelle, par son nom, celui des Quitus, ses premiers maîtres.