Bug-Jargal/éd. 1910/XXXI

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Œuvres complètes de Victor Hugo, Texte établi par Gustave SimonImprimerie Nationale ; OllendorffRoman, tome I (p. 452-459).
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XXXI


Une autre scène, dont l’obi voilé était encore le principal acteur, succéda à celle-ci : le médecin avait remplacé le prêtre, le sorcier remplaça le médecin.

Hombres, escuchate[1] ! s’écria l’obi, sautant avec une incroyable agilité sur l’autel improvisé, où il tomba assis les jambes repliées dans son jupon bariolé, escuchate, hombres ! Que ceux qui voudront lire au livre du destin le mot de leur vie s’approchent, je le leur dirai ; hé estudiado la ciencia de los gitanos[2].

Une foule de noirs et de mulâtres s’avancèrent précipitamment.

— L’un après l’autre ! dit l’obi, dont la voix sourde et intérieure reprenait quelquefois cet accent criard qui me frappait comme un souvenir ; si vous venez tous ensemble, vous entrerez tous ensemble au tombeau.

Ils s’arrêtèrent. En ce moment, un homme de couleur, vêtu d’une veste et d’un pantalon blanc, coiffé d’un madras, à la manière des riches colons, arriva près de Biassou. La consternation était peinte sur sa figure.

— Eh bien ! dit le génêralissime à voix basse, qu’est-ce ? qu’avez-vous, Rigaud ?

C’était ce chef mulâtre du rassemblement des Cayes, depuis connu sous le nom de général Rigaud, homme rusé sous des dehors candides, cruel sous un air de douceur. Je l’examinai avec attention.

— Général, répondit Rigaud (et il parlait très bas, mais j’étais placé près de Biassou, et j’entendais), il y a là, aux limites du camp, un émissaire de Jean-François. Boukmann vient d’être tué dans un engagement avec M. de Touzard ; et les blancs ont dû exposer sa tête comme un trophée dans leur ville.

— N’est-ce que cela ? dit Biassou ; et ses yeux brillaient de la secrète joie de voir diminuer le nombre des chefs, et, par conséquent, croître son importance.

— L’émissaire de Jean-François a en outre un message à vous remettre.

— C’est bon, reprit Biassou. Quittez cette mine de déterré, mon cher Rigaud.

— Mais, objecta Rigaud, ne craignez-vous pas, général, l’effet de la mort de Boukmann sur votre armée ?

— Vous n’êtes pas si simple que vous le paraissez, Rigaud, répliqua le chef ; vous allez juger Biassou. Faites retarder seulement d’un quart d’heure l’admission du messager.

Alors il s’approcha de l’obi, qui, durant ce dialogue, entendu de moi seul, avait commencé son office de devin, interrogeant les nègres émerveillés, examinant les signes de leurs fronts et de leurs mains, et leur distribuant plus ou moins de bonheur à venir, suivant le son, la couleur et la grosseur de la pièce de monnaie jetée par chaque nègre à ses pieds dans une patène d’argent doré. Biassou lui dit quelques mots à l’oreille. Le sorcier, sans s’interrompre, continua ses opérations métoposcopiques.

« — Celui, disait-il, qui porte au milieu du front, sur la ride du soleil, une petite figure carrée ou un triangle, fera une grande fortune sans peine et sans travaux.

« La figure de trois S rapprochés, en quelque endroit du front qu’ils se trouvent, est un signe bien funeste ; celui qui porte ce signe se noiera infailliblement, s’il n’évite l’eau avec le plus grand soin.

« Quatre lignes partant du nez, et se recourbant deux à deux sur le front au-dessus des yeux, annoncent qu’on sera un jour prisonnier de guerre, et qu’on gémira captif aux mains de l’étranger. »

Ici l’obi fit une pause.

— Compagnons, ajouta-t-il gravement, j’avais observé ce signe sur le front de Bug-Jargal, chef des braves du Morne-Rouge.

Ces paroles, qui me confirmaient encore la prise de Bug-Jargal, furent suivies des lamentations d’une horde qui ne se composait que de noirs, et dont les chefs portaient des caleçons écarlates ; c’était la bande du Morne-Rouge.

Cependant l’obi recommençait :

« — Si vous avez, dans la partie droite du front, sur la ligne de la lune, quelque figure qui ressemble à une fourche, craignez de demeurer oisif ou de trop rechercher la débauche.

« Un petit signe bien important, la figure arabe du chiffre 3, sur la ligne du soleil, vous présage des coups de bâton… »

Un vieux nègre espagnol-domingois interrompit le sorcier. Il se traînait vers lui en implorant un pansement. Il avait été blessé au front, et l’un de ses yeux, arraché de son orbite, pendait tout sanglant. L’obi l’avait oublié dans sa revue médicale. Au moment où il l’aperçut il s’écria :

— Des figures rondes dans la partie droite du front, sur la ligne de la lune, annoncent des maladies aux yeux. — Hombre, dit-il au misérable blessé, ce signe est bien apparent sur ton front ; voyons ta main.

Alas ! exelentishno señor, repartit l’autre, mir’usted mi ojo[3] !

— Fatras[4], répliqua l’obi avec humeur, j’ai bien besoin de voir ton œil ! — Ta main, te dis-je !

Le malheureux livra sa main, en murmurant toujours : mi ojo !

— Bon ! dit le sorcier. — Si l’on trouve sur la ligne de vie un point entouré d’un petit cercle, on sera borgne, parce que cette figure annonce la perte d’un œil. C’est cela, voici le point et le petit cercle, tu seras borgne.

Y a le soy[5], répondit le fatras en gémissant pitoyablement.

Mais l’obi, qui n’était plus chirurgien, l’avait repoussé rudement, et poursuivait sans se soucier de la plainte du pauvre borgne :

« — Escuchate, hombres ! — Si les sept lignes du front sont petites, tortueuses, faiblement marquées, elles annoncent un homme dont la vie sera courte.

« Celui qui aura entre les deux sourcils sur la ligne de la lune la figure de deux flèches croisées mourra dans une bataille.

« Si la ligne de vie qui traverse la main présente une croix à son extrémité près de la jointure, elle présage qu’on paraîtra sur l’échafaud… »

— Et ici, reprit l’obi, je dois vous le dire, hermanos, l’un des plus braves appuis de l’indépendance, Boukmann, porte ces trois signes funestes.

À ces mots tous les nègres tendirent la tête, retinrent leur haleine ; leurs yeux immobiles, attachés sur le jongleur, exprimaient cette sorte d’attention qui ressemble à la stupeur.

— Seulement, ajouta l’obi, je ne puis accorder ce double signe qui menace à la fois Boukmann d’une bataille et d’un échafaud. Pourtant mon art est infaillible.

Il s’arrêta, et échangea un regard avec Biassou. Biassou dit quelques mots à l’oreille d’un de ses aides de camp, qui sortit sur-le-champ de la grotte.

« — Une bouche béante et fanée, reprit l’obi, se retournant vers son auditoire avec son accent malicieux et goguenard, une attitude insipide, les bras pendants, et la main gauche tournée en dehors sans qu’on en devine le motif, annoncent la stupidité naturelle, la nullité, le vide, une curiosité hébétée. »

Biassou ricanait. — En cet instant l’aide de camp revint ; il amenait un nègre couvert de fange et de poussière, dont les pieds, déchirés par les ronces et les cailloux, prouvaient qu’il avait fait une longue course. C’était le messager annoncé par Rigaud. Il tenait d’une main un paquet cacheté, de l’autre un parchemin déployé qui portait un sceau dont l’empreinte figurait un cœur enflammé. Au milieu était un chiffre formé des lettres caractéristiques M et N, entrelacées pour désigner sans doute la réunion des mulâtres libres et des nègres esclaves. À côté de ce chiffre je lus cette légende : « Le préjugé vaincu, la verge de fer brisée ; vive le roi !  » Ce parchemin était un passeport délivré par Jean-François.

L’émissaire le présenta à Biassou, et, après s’être incliné jusqu’à terre, lui remit le paquet cacheté. Le généralissime l’ouvrit vivement, parcourut les dépêches qu’il renfermait, en mit une dans la poche de sa veste, et, froissant l’autre dans ses mains, s’écria d’un air désolé :

— Gens du roi !…

Les nègres saluèrent profondément.

— Gens du roi ! voilà ce que mande à Jean Biassou, généralissime des pays conquis, maréchal des camps et armées de sa majesté catholique, Jean-François, grand amiral de France, lieutenant général des armées de ladite majesté le roi des Espagnes et des Indes :

« Boukmann, chef de cent vingt noirs de la Montagne Bleue à la Jamaïque, reconnus indépendants par le gouverneur général de Belle-Combe, Boukmann vient de succomber dans la glorieuse lutte de la liberté et de l’humanité contre le despotisme et la barbarie. Ce généreux chef a été tué dans un engagement avec les brigands blancs de l’infâme Touzard. Les monstres ont coupé sa tête, et ont annoncé qu’ils allaient l’exposer ignominieusement sur un échafaud dans la place d’armes de leur ville du Cap. — Vengeance ! »

Le sombre silence du découragement succéda un moment dans l’armée à cette lecture. Mais l’obi s’était dressé debout sur l’autel, et il s’écriait, en agitant sa baguette blanche, avec des gestes triomphants :

— Salomon, Zorobabel, Éléazar Thaleb, Cardan, Judas Bowtharicht, Averroès, Albert le Grand, Bohabdil, Jean de Hagen, Anna Baratro, Daniel Ogrumof, Rachel Flintz, Altornino ! je vous rends grâces. La ciencia des voyants ne m’a pas trompé. Hijos, amigos, hermanos, muchachos, mozos, madrés, y vosotros todos qui me escuchais aqui[6] qu’avais-je prédit ? que habia dicho ? Les signes du front de Boukmann m’avaient annoncé qu’il vivrait peu, et qu’il mourrait dans un combat ; les lignes de sa main, qu’il paraîtrait sur un échafaud. Les révélations de mon art se réalisent fidèlement, et les événements s’arrangent d’eux-mêmes pour exécuter jusqu’aux circonstances que nous ne pouvions concilier, la mort sur le champ de bataille, et l’échafaud ! Frères, admirez !

Le découragement des noirs s’était changé durant ce discours en une sorte d’effroi merveilleux. Ils écoutaient l’obi avec une confiance mêlée de terreur ; celui-ci, enivré de lui-même, se promenait de long en large sur la caisse de sucre, dont la surface offrait assez d’espace pour que ses petits pas pussent s’y déployer fort à l’aise. Biassou ricanait.

Il adressa la parole à l’obi.

— Monsieur le chapelain, puisque vous savez les choses à venir, il nous plairait que vous voulussiez bien lire ce qu’il adviendra de notre fortune, à nous Jean Biassou, mariscal de campo.

L’obi, s’arrêtant fièrement sur l’autel grotesque où la crédulité des noirs le divinisait, dit au mariscal de campo : — Venga vuestra merced ! [7] En ce moment l’obi était l’homme important de l’armée. Le pouvoir militaire céda devant le pouvoir sacerdotal. Biassou s’approcha. On lisait dans ses yeux quelque dépit.

— Votre main, général, dit l’obi en se baissant pour la saisir. Empezo[8]. La ligne de la jointure, également marquée dans toute sa longueur, vous promet des richesses et du bonheur. La ligne de vie, longue, marquée, vous présage une vie exempte de maux, une verte vieillesse ; étroite, elle désigne votre sagesse, votre esprit ingénieux, la generosidad de votre cœur ; enfin j’y vois ce que les chiromancos appellent le plus heureux de tous les signes, une foule de petites rides qui lui donnent la forme d’un arbre chargé de rameaux et qui s’élèvent vers le haut de la main, c’est le pronostic assuré de l’opulence et des grandeurs. La ligne de santé, très longue, confirme les indices de la ligne de vie ; elle indique aussi le courage ; recourbée vers le petit doigt, elle forme une sorte de crochet. Général, c’est le signe d’une sévérité utile.

À ce mot, l’œil brillant du petit obi se fixa sur moi à travers les ouvertures de son voile, et je remarquai encore une fois un accent connu, caché en quelque sorte sous la gravité habituelle de sa voix. Il continuait avec la même intention de geste et d’intonation :

—… Chargée de petits cercles, la ligne de santé vous annonce un grand nombre d’exécutions nécessaires que vous devrez ordonner. Elle s’interrompt vers le milieu pour former un demi-cercle, signe que vous serez exposé à de grands périls avec les bêtes féroces, c’est-à-dire les blancs, si vous ne les exterminez. — La ligne de fortune, entourée, comme la ligne de vie, de petits rameaux qui s’élèvent vers le haut de la main, confirme l’avenir de puissance et de suprématie auquel vous êtes appelé ; droite et déliée dans sa partie supérieure, elle annonce le talent de gouverner. — La cinquième ligne, celle du triangle, prolongée jusque vers la racine du doigt du milieu, vous promet le plus heureux succès dans toute entreprise. — Voyons les doigts. — Le pouce, traversé dans sa longueur de petites lignes qui vont de l’ongle à la jointure, vous promet un grand héritage : celui de la gloire de Boukmann sans doute ! ajouta l’obi d’une voix haute. — La petite éminence qui forme la racine de l’index est chargée de petites rides doucement marquées : honneurs et dignités ! — Le doigt du milieu n’annonce rien. — Votre doigt annulaire est sillonné de lignes croisées les unes sur les autres : vous vaincrez tous vos ennemis, vous dominerez tous vos rivaux ! Ces lignes forment des croix de Saint-André, signe de génie et de prévoyance ! — La jointure qui unit le petit doigt à la main offre des rides tortueuses : la fortune vous comblera de faveurs. J’y vois encore la figure d’un cercle, présage à ajouter aux autres, qui vous annonce puissance et dignités !

« Heureux, dit Élézéar Thaleb, celui qui porte tous ces signes ! le destin est chargé de sa prospérité, et son étoile lui amènera le génie qui donne la gloire. » — Maintenant, général, laissez-moi interroger votre front. « Celui, dit Rachel Flintz la bohémienne, qui porte au milieu du front sur la ride du soleil une petite figure carrée, ou un triangle, fera une grande fortune… » La voici, bien prononcée. « Si ce signe est à droite, il promet une importante succession… » Toujours celle de Boukmann ! « Le signe d’un fer à cheval entre les deux sourcils, au-dessous de la ride de la lune, annonce qu’on saura se venger de l’injure et de la tyrannie. » Je porte ce signe ; vous le portez aussi.

La manière dont l’obi prononça les mots, je porte ce signe, me frappa encore.

— On le remarque, ajouta-t-il du même ton, chez les braves qui savent méditer une révolte courageuse et briser la servitude dans un combat. La griffe de lion que vous avez empreinte au-dessus du sourcil prouve votre bouillant courage. Enfin, général Jean Biassou, votre front présente le plus éclatant de tous les signes de prospérité, c’est une combinaison de lignes qui forment la lettre M, la première du nom de la Vierge. En quelque partie du front, sur quelque ride que cette figure paraisse, elle annonce le génie, la gloire et la puissance. Celui qui la porte fera toujours triompher la cause qu’il embrassera ; ceux dont il sera le chef n’auront jamais à regretter aucune perte ; il vaudra à lui seul tous les défenseurs de son parti. Vous êtes cet élu du destin !

Gratias, monsieur le chapelain, dit Biassou, se préparant à retourner à son trône d’acajou.

— Attendez, général, reprit l’obi, j’oubliais encore un signe. La ligne du soleil, fortement prononcée sur votre front, prouve du savoir-vivre, le désir de faire des heureux, beaucoup de libéralité, et un penchant à la magnificence.

Biassou parut comprendre que l’oubli venait plutôt de sa part que de celle de l’obi. Il tira de sa poche une bourse assez lourde et la jeta dans le plat d’argent, pour ne pas faire mentir la ligne du soleil.

Cependant l’éblouissant horoscope du chef avait produit son effet dans l’armée. Tous les rebelles, sur lesquels la parole de l’obi était devenue plus puissante que jamais depuis les nouvelles de la mort de Boukmann, passèrent du découragement à l’enthousiasme, et, se confiant aveuglément à leur sorcier infaillible et à leur général prédestiné, se mirent à hurler à l’envi : — Vive l’obi ! Vire Biassou ! L’obi et Biassou se regardaient, et je crus entendre le rire étouffé de l’obi répondant au ricanement du généralissime.

Je ne sais pourquoi cet obi tourmentait ma pensée ; il me semblait que j’avais déjà vu ou entendu ailleurs quelque chose qui ressemblait à cet être singulier ; je voulus le faire parler.

— Monsieur l’obi, señor cura, doctor medico, monsieur le chapelain, bon per ! lui dis-je.

Il se retourna brusquement vers moi.

— Il y a encore ici quelqu’un dont vous n’avez point tiré l’horoscope ; c’est moi.

Il croisa ses bras sur le soleil d’argent qui couvrait sa poitrine velue, et ne me répondit pas.

Je repris :

— Je voudrais bien savoir ce que vous augurez de mon avenir ; mais vos honnêtes camarades m’ont enlevé ma montre et ma bourse, et vous n’êtes pas sorcier à prophétiser gratis.

Il s’avança précipitamment jusqu’auprès de moi, et me dit sourdement à l’oreille :

— Tu te trompes ! Voyons ta main.

Je la lui présentai en le regardant en face. Ses yeux étincelaient. Il parut examiner ma main.

« — Si la ligne de vie, me dit-il, est coupée vers le milieu par deux petites lignes transversales et bien apparentes, c’est le signe d’une mort prochaine. — Ta mort est prochaine !

« Si la ligne de santé ne se trouve pas au milieu de la main, et qu’il n’y ait que la ligne de vie et la ligne de fortune réunies à leur origine de manière à former un angle, on ne doit pas s’attendre, avec ce signe, à une mort naturelle. — Ne t’attends point à une mort naturelle !

« Si le dessous de l’index est traversé d’une ligne dans toute sa longueur, on mourra de mort violente ! » — Entends-tu ? prépare-toi à une mort violente ! Il y avait quelque chose de joyeux dans cette voix sépulcrale qui annonçait la mort ; je l’écoutai avec indifférence et mépris.

— Sorcier, lui dis-je avec un sourire de dédain, tu es habile, tu pronostiques à coup sûr.

Il se rapprocha encore de moi.

— Tu doutes de ma science ! eh bien ! écoute encore. — La rupture de la ligne du soleil sur ton front m’annonce que tu prends un ennemi pour un ami, et un ami pour un ennemi.

Le sens de ces paroles semblait concerner ce perfide Pierrot que j’aimais et qui m’avait trahi, ce fidèle Habibrah, que je haïssais, et dont les vêtements ensanglantés attestaient la mort courageuse et dévouée.

— Que veux-tu dire ? m’écriai-je.

— Écoute jusqu’au bout, poursuivit l’obi. Je t’ai dit de l’avenir, voici du passé : — La ligne de la lune est légèrement courbée sur ton front ; cela signifie que ta femme t’a été enlevée.

Je tressaillis ; je voulais m’élancer de mon siège. Mes gardiens me retinrent.

— Tu n’es pas patient, reprit le sorcier ; écoute donc jusqu’à la fin. La petite croix qui coupe l’extrémité de cette courbure complète l’éclaircissement. Ta femme t’a été enlevée la nuit même de tes noces.

— Misérable ! m’écriai-je, tu sais où elle est ! Qui es-tu ?

Je tentai encore de me délivrer et de lui arracher son voile ; mais il fallut céder au nombre et à la force ; et je vis avec rage le mystérieux obi s’éloigner en me disant :

— Me crois-tu maintenant ? Prépare-toi à ta mort prochaine !

  1. Hommes, écoutez ! — Le sens que les Espagnols attachent au mot hombre, dans ce cas, ne peut se traduire. C’est plus qu’homme, et moins qu’ami.
  2. J’ai étudié la science des égyptiens.
  3. Hélas ! très excellent seigneur, regardez mon œil.
  4. Nom sous lequel on désignait un vieux nègre hors de service.
  5. Je le suis déjà.
  6. Fils, amis, frères, garçons, enfants, mères, et vous tous qui m’écoutez ici.
  7. Vienne votre grâce !
  8. Je commence.