Dictionnaire de théologie catholique/AGNEAU DE DIEU

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Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant et Eugène MangenotLetouzey et Ané (Tome 1.1 : AARON — APOLLINAIREp. 298-301).

1. AGNEAU DE DIEU, nom symbolique donné par l’Église au Sauveur du monde. —
I. L’agneau de Dieu dans l’Écriture.
II. L’agneau de Dieu dans l’Église.

I. L’agneau de Dieu dans l’Écriture. —

1° Isaïe, lui, 7, avait annoncé prophétiquement ce nom, sinon sous forme d’appellation, du moins par manière de comparaison. Il avait comparé le serviteur de Jéhovah, le Messie, à « la brebis conduite à la boucherie » et à « l’agneau muet sous la main de celui qui le tond ». Le point de comparaison est la patience de l’homme de douleurs, dont les souffrances volontairement supportées seront agréables à Dieu et dont la mort servira de rançon pour les pécheurs. Comme la brebis et l’agneau, le Christ ne résistera pas à ses bourreaux et se taira, quand ses juges le condamneront à mort. Saint Cyrille d’Alexandrie, In Isaiam, v, 2, P. G., t. lxx, col. 1177-1180. — 2° Jean-Baptiste, le premier, donna ce nom à Jésus. Le voyant venir à lui, il le montra du doigt, en s’écriant : « Voici l’agneau de Dieu, voici celui qui ôte le péché du monde. » Joa., I, 29. Le lendemain, le précurseur répéta devant deux de ses disciples : « Voilà l’agneau de Dieu. » Joa., i, 36. Jean désignait le Messie à son entourage par une formule qui n’avait pas besoin d’explication. L’appella" tion « agneau de Dieu » avait sur ses lèvres un sens déterminé, certainement dérivé des figures de l’ancienne alliance. Les exégètes chrétiens ne sont pas d’accord sur son origine et sa signification précise. Saint Augustin, In Joan. Ev., iv, 1, n. 10, P. L., t. xxxv, col. 1410, et saint Brunon d’Asti, Comment, in Joan., i, 4, P. L., t. cxlv, col. 457, n’ont vu que l’innocence de l’animal, convenant en toute perfection au Christ immaculé. L’abbé Rupert, Comment, in Joan., i, P. L., t. CLXIX, col. 240-241, a pensé à l’agneau pascal (voir ce mot), figure de l’agneau sans tache qui a délivré l’humanité de la servitude de Satan et l’a l’ail passer à la véritable terre promise perdue par le péché d’Adam. Origène, Comment, in Joan., vi, 32-35, P. G., I. xiv. col. 28’.)-2 ! t :  ! , avait insisté sur le rapprochement entre l’agneau de Dieu et h’sacrifice perpétue] d’un agneau qu’on offrail malin et soir dans l’ancienne loi, Exod., xxix, 38-4fi. sans négliger la prophétie d’ïsaïe, lui, 7. C’est ce dernier aspect que les autres Pères grecs ont surtout considéré. Théodore de Mopsueste, In Ev. Joan., j, 29, 7 J. G., t. lxvi, col. 736 ; S.Jean Chrysostome, In Joan., homil. xvii.n.l, P. G., t. ux, col. 109 ; S. Cyrille d’Alexandrie, In Joan. Ev., il, P. G., t. lxxiii, col. 192 ; Théophylacte, Enarrat. in Ev. Joan., P. G., t. cxxiii, col. 1172 ; Euthymius, Comment, in Joan., P. G., t. cxxix, col. 1133. Toutefois, ils n’excluaient pas le rapport avec le sacrifice quotidien de deux agneaux devant le tabernacle et au temple. L’agneau de Dieu, montré par Jean-Baptiste, avait été à la fois préfiguré par le sacrifice mosaïque et prédit par Isaïe. Cette explication paraît la meilleure, car l’idée de victime n’est pas absente de la prophétie d’ïsaïe, puisque le Messie souffrant est comparé à un agneau qu’on immole et qu’il prend sur soi les iniquités d’autrui. Jean-Baptiste avait donc en vue le Messie, juste et innocent, volontairement immolé et enlevant le péché du monde, après l’avoir pris comme à sa charge et l’avoir expié dans son sang. L’agneau qu’il montre n’est pas seulement l’agneau divin, l’agneau envoyé par Dieu ou offert à Dieu ; il est l’agneau de Dieu, au titre de propriété, le Fils de Dieu accomplissant dans les souffrances et la mort sa mission rédemptrice. Fillion, Évangile selon saint Jean, Paris, 1887, p. 21-22 ; Knabenbauer, Comment, in Ev. sec. Joan., Paris, 1898, p. 101-102 ; A. Loisy, Le témoignage de Jean-Baptiste, dans la Revue d’histoire et de littérature religieuses, 1898, t. iii, p. 229-232. — 3° L’apôtre saint Jean qui avait entendu sortir de la bouche du précurseur la belle appellation d’agneau de Dieu et avait ainsi appris à connaître Jésus, se complut à lui donner ce nom dans l’Apocalypse. Il l’a vu au ciel dans la gloire devant le trône, à l’égal de Dieu ; il l’a vu debout, comme immolé ; il n’est pas égorgé, il est vivant, mais il porte les nobles cicatrices des blessures qui lui ont donné la mort. Il a la puissance de rompre les sceaux du livre mystérieux et la science nécessaire pour en expliquer les secrets. Les quatre animaux symboliques et les vingt-quatre vieillards se prosternent à ses pieds et lui offrent les prières des saints. Avec les anges et les créatures rachetées, ils chantent l’efficacité de son sang rédempteur. Apoc, v, 6-14 ; vi, 1-12. La rupture du sixième sceau révéla les terribles effets de sa colère sur les rois impies de la terre, vi, 16. Les justes et les élus l’entouraient et l’honoraient, vii, 9, 10 ; venus de la grande tribulation, après avoir lavé leurs robes dans son sang, ils seront éternellement heureux sous sa conduite. 13-17 ; xxii, 14. Après l’ouverture du septième sceau, viii, 1, les bons anges furent vainqueurs dans leur lutte avec les mauvais par la vertu du sang de l’agneau, xii, 11. Les adorateurs de la bête n’ont pas, dès l’origine du monde (selon la meilleure interprétation, cf. xvii, 8), leurs noms écrits au livre de vie de l’agneau immolé, xiii, 8. Dans une autre vision, saint Jean vit l’agneau debout sur la montagne de Sion, entouré des élus qui portaient son nom écrit sur leurs fronts, et des vierges, les prémices de la rédemption, qui formaient sa suite et chantaient un cantique nouveau et ineffable, xiv, 1-4. Les adorateurs de la bête seront punis en sa présence, Xiv, 10 ; ses vainqueurs chanteront le cantique de l’agneau, xv, 3. Des rois combattront cet agneau, qui est le roi des rois, mais il les vaincra, xvii, 14. Les justes prendront part au festin de ses noces et leurs bonnes œuvres seront son vêtement de fête, xix, 7-9. Son épouse est la Jérusalem céleste, XXI, 9, qui est fondée sur ses apôtres, 14, et dont il est lui-même le temple et la lumière, 22, 23. Il n’entrera dans ce temple que ceux qui sont inscrits dans le livre de vie de l’agneau, 27. Un fleuve d’eau vive, resplendissant comme le cristal, jaillit des trônes de Dieu et de l’agneau, qui sont dressés au milieu de la ville sainte, xxii, 1-3. Saint Jean a donc vu l’agneau rédempteur, adoré dans le ciel à cause de son immolation et faisant participer à sa gloire tous ceux qui ont su profiter de son sang pour l’expiation de leurs fautes. Il l’a vu sur un trône a côté de Dieu, à l’égal de Dieu ; c’est le Verbe rédempteur, glorifié dans son humanité sainte et recueillant les fruits de sa victoire.

II. L’Agneau de Dieu dans l’Église. —

La gracieuse appellation d’agneau de Dieu a passé de l’Écriture dans le langage ecclésiastique. —

1° Les Pères l’ont répétée et l’ont employée dans ses diverses significations. Sans parler de nouveau des commentateurs du quatrième Évangile qui ont expliqué l’entrevue de Jésus avec son précurseur (voir plus haut), saint Ignace d’Antioche, Ad Philip., viii, 3, Funk, Opéra Patrum apostolicorum, Tubingue, 1881, t. il, p. 114, dit que la voix de Jean le prophète annonçait la passion du Sauveur, en l’appelant l’agneau de Dieu. Saint Ambroise, De Joseph palriarcha, 3, P. L., t. xiv, col. 648, assure que Jésus a été un agneau pour nous à qui il a enlevé le péché du monde. Pour Eusèbe de Césarée, Demonst. ev., x, proœm., P. G., t. xxii, col. 717, le Verbe incarné a été dans son humanité l’agneau de Dieu, destiné par lui à s’offrir en victime pour les agneaux ses frères et pour le reste du troupeau. Saint Paulin, patriarche d’Aquilée, Contra Feliceni Urgellitanum, il, 11, P. L., t. xcix, col. 432, a réuni le témoignage de Jean-Baptiste à ceux de l’Apocalypse, dans lesquels Jésus est appelé l’agneau de Dieu, pour démontrer sa divinité. L’abbé Bupert, Comment, in Apoc., iv, P. L., t. clxix, col. 932-933, a prouvé que l’agneau de Dieu n’a été glorifié au ciel que parce qu’il avait été égorgé pour le salut des hommes. — D’autres Pères de l’Église ont interprété de l’agneau de Dieu des passages scripturaires qui ne le désignent pas au sens littéral. Ainsi saint Jérôme, Comment, in Isaiam, vi, P. L., t. xxiv, col. 234-235, a appliqué au Messie la parole du prophète : Emitle agnum dominatorem terræ. xvi, 1. L’agneau, maître du monde, est le Messie qui a compté parmi ses ancêtres Buth la Moabite ; à sa venue, toute puissance du diable sera détruite et réduite en poussière. Cette interprétation n’est qu’une accommodation du texte original qui, adressé au roi de Moab, signifie : « Envoyez au maître de la terre de Juda les agneaux que vous lui devez comme tribut : » Cf. IV Beg., m, 4 ; Knabenbauer, Comment, in Isaiam, t. I, Paris, 1887, p. 344-345. Le même saint docteur, Com, in Jer., il, ibid., col. 756-757, reconnaît avec toutes les Églises que les paroles que Jérémie, XI, 19, dit de lui-même : « Je suis comme un agneau plein de douceur que l’on porte à la boucherie, » doivent être entendues du Messie dont ce prophète était la figure. Au milieu des persécutions qu’ils endurent, Jérémie et Jésus sont doux et patients comme l’agneau mené à la boucherie. Knabenbauer, Comment, in Jerem., Paris, 1889, p. 170. — 2° La liturgie romaine a consacré l’application messianique de ces deux passages. Plusieurs fois, dans les jours qui précèdent Noël, elle place sur les lèvres des bréviaristes l’ardent souhait : Emitte Agnum, Domine, dominatorem terræ. de pelra deserti ad montem filise Sion. Le jeudi saint, à l’office des Ténèbres, elle répète deux fois, en l’appliquant à Jésus-Christ, la parole de Jérémie : Eram quasi agnus innocens ; ductus sum ad immolandum, et nesciebam. Elle n’a pas oublié la comparaison qu’Isaïe a faite du Sauveur avec l’agneau innocent et muet, avec la brebis qui est égorgée sans se plaindre, et elle l’applique à Jésus-Christ, aux offices du jeudi saint et du samedi saint. L’hymne de Laudes, au temps de la Passion, nous fait chanter : Agnus in Crucis levatur immolandus stipite. Celle de la même heure, durant l’Avent, dit : En Agnus ad nos mitlitur laxare gratis debitum. Un répons du mercredi de la première semaine nous annonce : Bcx noster adveniet Christus, quem Joannes prsedicavit Agnum esse venturum. Le samedi après Pâques, un autre répons dit des nouveaux baptisés, qui devaient déposer le lendemain l’habit blanc de leur baptême : Isli sunt agni novelli, qui annuntiaverunt modo, venerunt ad fontes, repleti sunt claritale. In conspeclu Agni amicti sunt stolis albis et palmae in manibus eorum. L’hymne de l’Épiphanie aux vêpres et à matines chante que l’agneau céleste a sanctifié par son divin attouchement les eaux du Jourdain et qu’il nous enlève par les eaux du baptême les péchés dont il a été innocent. En revêtant l’aube, le prêtre qui va célébrer les saints mystères, récite cette prière : Dealba nie, Domine, et munda cor meum, ut in sanguine Agni dealbatus, gaudiis perfruar sempilernis. Après la fraction
11. — Agneau portant la houlette et le vase de lait, attributs du Bon Pasteur, d’après Roller, Les Catacombes de Rome, Paris (1879), t. I, p. 249, fig. 9.
du pain consacré, il dit trois fois, en se frappant la poitrine : Agnus Dei, qui tollis peccata mundi, miserere nobis. C’est le pape Sergius, 687-701, qui a institué cette triple invocation. Liber pontificalis, édit. Duchesne, t. i, p. 376. Au moment de communier les fidèles, le prêtre présente la sainte hostie, en disant : Ecce Agnus Dei, ecce gui tollit peccata mundi. La triple répétition de l’Agnus Dei termine toutes les litanies. L’hymne de matines à la fête du Sacré-Cœur rappelle que la grâce s’échappe, comme un fleuve à sept courants, du cœur ouvert du Sauveur pour que nous allions y laver dans le sang de l’agneau nos vêtements souillés par le péché. — 3° L’image de l’agneau se rencontre comme ornement symbolique sur beaucoup de monuments chrétiens de diverse nature en Orient et en Occident. Elle rappelait aux fidèles le souvenir du divin agneau immolé pour leur salut, sans trahir aux yeux des païens les mystères sacrés ni scandaliser les néophytes par des images directes de la passion de l’Homme-Dieu. Afin de rendre l’allégorie plus sensible, on donna à l’agneau les attributs du Sauveur qui devinrent de plus en plus significatifs. Nous allons indiquer ces transformations successives. — 1. L’agneau a d’abord été représenté avec les insignes du bon pasteur. Dans une très ancienne peinture du cimetière de Domitille, la houlette pastorale à laquelle est suspendue la muletra ou vase de lait, symbole de l’eucharistie, est appuyée contre l’agneau pasteur (fig. 11). Sur une fresque plus récente du cimetière des saints Pierre et Marcellin, le vase de lait est posé sur le dos de l’agneau et entouré d’un nimbe (fig. 12). Dans la sixième chambre du cimetière de Calliste, il est attaché à un pedum ou bâton pastoral que porte un agneau couché. P. Allard, Rome souterraine, 2e édit., Paris, ,
12. — Agneau portant le vase de lait nimbé, d’après P. Allard, Rome souterraine, 1877, fig. 25, p. 326.
1877, p. 326-327. — 2. Au ive siècle, l’agneau est placé sur un monticule, duquel s’échappent quatre ruisseaux qui figurent les quatre fleuves de l’Éden ou les quatre Évangiles. Cf. de Laurière, Note sur deux reliquaires de consécration d’autels, dans le Bulletin monumental, 1888, p. 440-445 ; de Rossi, La capsella argeulea africana, Rome, 1889. Cette représentation qui se rencontre d’abord sur quelques fonds de coupe dorés, s’est maintenue longtemps, puisqu’on la retrouve sur des bas-reliefs de sarcophages relativement modernes. Dans ceux du midi de la Gaule, des cerfs viennent se désaltérer à ces sources et symbolisent les fidèles qui participent aux eaux vives de l’Évangile et de l’eucharistie. — 3. Sur le sarcophage de Junius Bassus, qui est du ive siècle l’agneau agit à la place de Jésus-Christ en personne ; il ressuscite Lazare, multiplie les pains, est baptisé par Jean-Baptiste. Il figure même dans des scènes de l’Ancien Testament dont les actions sont attribuées au Sauveur ; ainsi il remplace Moïse frappant le rocher et recevant les lui, les de la loi. Saint Paulin île Noie, Epist., XXXII, n. 10, P. L., t. LXI, col. liiili, avait fait peindre sur une fresque de la basilique qu’il fit construire en 102, le baptême du Sauveur. Celui-ci était debout sous la forme d’agneau pour rappeler son état de victime. Cf. de Uossi, Inscriptiones christianæ, t. ii, Rome, 1888, p. 191. A Fundi, le même pontife, ibid., col. 339, avait fait exécuter une autre peinture : au milieu du paradis, le Christ, agneau blanc, se tenait debout et portant une croix rouge, agnus ut innocua injusto datus liostia letho. — 4. Vers le milieu du Ve siècle, l’agneau paraît avec le nimbe dans les mosaïques de Saint-Jean de Latran et de Sainte-Pudentienne. Au VIe siècle, il a le même attribut de la sainteté dans la tribune de la basilique des Saints-Côme et Damien, ainsi qu’à Saint-Vital de Ravenne. Plus tard, on lui donna le nimbe crucigère ou monogrammatique, qui signifie Dieu crucifié.

— 5. Une série assez nombreuse de monuments peints ou sculptés reproduit Notre-Seigneur assis ou debout dans l’attitude de l’enseignement et l’agneau à ses pieds. Ce rapprocbement de la réalité et du symbole a pour but d’exprimer la double nature du Sauveur : Jésus est le Verbe divin, l’agneau, l’humanité sainte, victime immolée pour le salut du genre humain. — 6. Mais le symbole de l’agneau a servi surtout à représenter la passion de l’Homme-Dieu. Cette représentation s’est produite successivement sous diverses formes. Nous trouvons à Rome, dans la seconde moitié du IVe siècle, la croix monogrammatique sur la tête de l’agneau. Au Ve siècle, l’agneau, dont la tête est nimbée, porte une croix simple. Une lampe antique, illustrée par M. de Lasteyrie, Mémoires des antiquaires de France, t. xii, pl. v, a la forme d’un agneau, du sein duquel jaillit une source éternelle d’huile pour communiquer aux hommes lumière et sainteté. Pour signifier que c’est par les mérites de sa passion que l’agneau répand ces bienfaits, il a une croix sur la poitrine et sur la tête et cette dernière est surmontée d’une colombe, symbole du Saint-Esprit. Au commencement du vie siècle, l’agneau porte une croix hastée ; il repose sur un livre ou sur la main de saint Jean-Raptiste. D’autres fois, il est couché sur un autel, au pied d’une croix gemmée ; ou bien, il a le liane ouvert et le sang coule de la plaie ainsi que de ses pieds. Une mosaïque le représente debout sur un trône ; son sang qui s’échappe de cinq plaies, se réunit en un seul courant et tombe dans un calice. Le concile in Trullo, tenu à Constantinople en 692, ordonna dans son 82e canon, Mansi, Concil., Florence, 1765, t. xi, col. 977980, de ne plus représenter Jésus-Christ sous la forme d’agneau, mais de substituer la réalité à la figure. Cette substitution, qui avait commencé à se faire librement, se continua de même. Les décrets du concile in Trullo n’ayant pas été approuvés par le Saint-Siège, l’usage ancien persévéra, et on peut légitimement supposer que le décret de Sergius, ordonnant de chanter trois fois à la messe V Agnus Dei, a été une protestation contre la prohibition des grecs. Duchesne, Liber pontijicalis, t. I, p. 381. Cf. Raronius, Annales ceci., an. 692, Rome, 1599, t. viii, p. 613. Nous retrouvons la représentation symbolique du Sauveur sous forme d’agneau dans les siècles suivants, notamment sur les croix processionnelles. — 7. Simultanément dès la fin du VIe siècle, apparaît l’agneau glorieux. Pour célébrer son triomphe, on lui donne un étendard (cette figure est connue sous le nom de croix de résurrection) ; il est ceint d’une ceinture d’or ; il porte une lance, symbole de la sagesse, ou bien, armé d’une croix, il repousse un serpent. Aux viiie et IXe siècles, les visions de l’Apocalypse sont reproduites dans des mosaïques. Ces diverses représentations de l’agneau ont persévéré jusqu’à nos jours sur les monuments chrétiens ; en passant par le moyen âge, elles ont subi quelques modifications de détails ; mais ces changements accidentels n’ont pas détruit le symbolisme primitif. La figure de l’Agneau de Dieu apparaît encore sur des images pieuses, les ornements sacerdotaux, les vases sacrés, de simples objets d’art, et elle rappelle efficacement à l’esprit du chrétien la douceur, la bonté et l’humilité du Sauveur Jésus qui s’est immolé pour nous, mais qui reçoit maintenant, au ciel et dans l’eucharistie, les hommages qu’il a mérités par sa passion.

Cf. Martigny, Étude archéologique sur l’agneau et le Bon Pasteur, Lyon, 1860 ; Id., Dictionnaire des antiquités chré tiennes, 1887, p. 26-29 ; deGrimouard de Saint-Laurent, Guide de l’art chrétien, 1873, t. ii, p. 66-69, 277-280, 338-342 ; L. Cloquet, Éléments d’iconographie chrétienne, 1890, p. 53-56 ; X. Barbier de Montault, Traité d’iconographie chrétienne, 1860, passim ; Dictionnaire d’archéologie chrétienne, t. i, col. 877-905.

E. Mangenot.

2. AGNEAU PASCAL. -
I. Dans la réalité historique.
II. Comme figure de Jésus-Christ.

I. L’agneau pascal dans la réalité historique. —

C’était un agneau mâle, sans défout, d’un an, que les Israélites mangeaient à la fête de la Pàque. Son immolation a été ordonnée par Dieu pour la première fois, la veille de la sortie d’Egypte. Les Hébreux, opprimés par Pharaon, marquèrent de son sang les poteaux et le linteau supérieur des portes de leurs maisons, et à ce signe l’ange de Jéhovah passa et épargna leurs premiers-nés, tandis qu’il extermina ceux des Égyptiens. Les chairs furent mangées rôties, en entier et à la hâte, avec des pains azymes et des laitues sauvages par des convives qui avaient les reins ceints, les pieds chaussés et tenaient un bâton à la main. Ce repas symbolique devait être renouvelé chaque année après l’arrivée dans la terre promise, en souvenir de la préservation des premiers-nés et de la sortie d’Egypte. Choisie le 10 du mois de nisan, la victime de la Pàque devait être tuée le soir du 14, au déclin du jour, Deut., xvi, 7, de midi à six heures, Talmud de Jérusalem, Pesa/tint, 5, trad. Schwab, Paris, 1882, t. v, p. 60-61, auprès du tabernacle. Exod., xii, 3-11, 21-27 ; Deut., xvi, 5^7. Aucun de ses os ne devait être rompu. Exod., xii, 46 ; Num., ix, 12 ; Joa., xix, 36. Pour la rôtir, on l’embrochait dans une tige en bois de grenadier qui la transperçait de part en part. Talmud de Jérusalem, Pesahim, 7, p. 93-95. Rien qu’en raison de sa première institution l’immolation de l’agneau pascal n’ait été qu’un simple mémorial de la préservation des premiers-nés et de la sortie d’Egypte, Exod., xii, 26, 27, cependant les rabbins l’ont considérée comme un sacrifice. Talmud de Jérusalem, Pesahim, 5, p. 60, 67, 75-76. Des exégètes catholiques lui ont reconnu aussi ce caractère et l’ont tenue pour un sacrifice à la fois expiatoire et pacifique. Les termes employés, Exod., xii, 27 ; Num., ix, 13, désignent les sacrifices et l’agneau devait avoir les qualités des victimes. Levit., i, 3, 10 ; iii, 6 ; xxii, 22, 27. Si un simple Israélite pouvait l’égorger, les prêtres seuls recueillaient son sang et le versaient sur l’autel. Talmud de Jérusalem, Pesahim, 5, n. 6, p. 76-77. Cf. Danko, Hisloria revelationis divinx Veteris Testarnenti, Vienne, 1862, p. 145.

II. L’agneau pascal comme figure de Jésus-Christ.

— L’immolation de l’agneau pascal avait, en outre, une signification prophétique qui a été indiquée par les écrivains inspirés du Nouveau Testament et enseignée par l’Église dans la tradition écrite et monumentale aussi bien que dans la liturgie.

Nouveau Testament.


Saint Paul recommande aux Corinthiens de ne plus manger le vieux levain de la malice et du péché, mais les véritables azymes de la piété, parce que notre Pàque, c’est-à-dire notre agneau pascal, le Christ, a été immolé. I Cor., v, 7, 8. Saint Pierre conseille aux païens convertis de vivre dans la crainte de Dieu durant le temps de leur pèlerinage, parce qu’ils ont été rachetés par le sang précieux du Christ, agneau immaculé et sans souillure, prévu et préordonné comme victime dès avant la création du monde, manifesté dans les derniers temps seulement à cause d’eux. I Pet., i, 19, 20. L’agneau pascal était donc regardé par les apôtres comme la figure de Jésus-Christ, victime douce et innocente, immolée pour le salut des hommes. Aussi, après avoir raconté que les soldats n’ont pas brisé les jambes de Jésus mort sur la croix, saint Jean observe que ce fait a eu lieu pour réaliser l’ordre divin, relatif à l’agneau pascal : « Vous ne briserez aucun de ses os. » Joa., xix,’M. Knabenbauer,