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Fables de La Fontaine (éd. Barbin)/1/L’Ivrogne et sa femme

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Pour les autres éditions de ce texte, voir L'Ivrogne et sa femme.





VII.

L’Yvrogne & ſa femme.




CHacun a ſon défaut où toûjours il revient :
Honte ny peur n’y remedie.
Sur ce propos d’un conte il me ſouvient :

Je ne dis rien que je n’appuye
De quelque exemple. Un ſuppoſt de Bacchus
Alteroit ſa ſanté, ſon eſprit, & ſa bourſe.
Telles gens n’ont pas fait la moitié de leur courſe,
Qu’ils ſont au bout de leurs écus.
Un jour que celui-cy plein du jus de la treille,
Avoit laiſſé ſes ſens au fond d’une bouteille,
Sa femme l’enferma dans un certain tombeau.
Là les vapeurs du vin nouveau
Cuverent à loiſir. A ſon réveil il treuve
L’attirail de la mort à l’entour de ſon corps,
Un luminaire, un drap des morts.

Oh ! dit-il, qu’eſt-cecy ? ma femme eſt-elle veuve ?
Là-deſſus ſon épouse en habit d’Alecton,
Maſquée, & de ſa voix contrefaiſant le ton,
Vient au prétendu mort ; approche de ſa biere ;
Luy preſente un chaudeau propre pour Lucifer.
L’Epoux alors ne doute en aucune maniere
Qu’il ne ſoit citoyen d’enfer.
Quelle perſonne es-tu ? dit-il à ce phantoſme.
La celeriere du Royaume
De Satan, reprit-elle ; & je porte à manger
A ceux qu’encloſt la tombe noire.

Le Mary repart ſans ſonger ;
Tu ne leur portes point à boire ?