une necessité difficile à mettre en œuvre
Directeur de mémoire : Xavier Lameyre, Magistrat chargé de formation, ENM, Paris.
Introduction
[modifier]Récemment, la presse s’indignait des conditions de détention dans les prisons françaises en évoquant notamment un nombre élevé de détenus souffrant de troubles mentaux. Les chiffres avancés, reprenant ceux d’enquêtes nationales, font état de 8 détenus sur 10 présentant au moins un trouble psychiatrique.
De tels chiffres amènent à la réflexion. En effet, on peut se demander si des soins sont organisés, comment et avec quelle efficacité dans l’administration la plus fermée qui soit. Également, face à la gravité de certaines pathologies, la question du sens que peut avoir une peine, qui plus est d’emprisonnement, prend son importance. Cela amène enfin à s’interroger sur la façon dont des délinquants malades se retrouvent en prison, tant du point de vue de leur parcours personnel que du point de vue de la justice qui, comme nous le verrons est organisée de telle manière qu’il est très difficile pour un malade d’échapper à la sanction pénale. Les questions ici soulevées sont l’objet de ce mémoire.
La prison dite moderne date de la révolution française. Avant cette période, l’enfermement était avant tout une mesure conservatoire en attendant les peines corporelles qu’étaient les tortures et autres supplices. Avec l’affirmation des Droits de l’Homme, la liberté de tout individu devient le droit le plus fondamental. La privation de cette liberté en est donc le corollaire, la peine d’enfermement devient la peine de référence et la prison le lieu d’exécution de celle ci. Le sens même d’une peine est subtil et difficile à appréhender.
Platon distinguait deux types de peine. Celle qui vise à réformer le criminel, selon le principe que la vertu peut être enseigné, et celle qui vise à réparer l’injustice. La réforme morale est pour lui la peine rationnelle puisque la connaissance morale serait la condition nécessaire et suffisante à la vie vertueuse. Mais c’est sans compter sur la motivation, sur le choix. Alors pour « inciter », il faut conditionner.
Pour d’autres, tel Bentham, la peine s’intègre dans un processus plus vaste et contribue à produire un monde meilleur. C’est le principe de la maximisation de l’utilité, la peine et ses conséquences préjudiciables et douloureuses sur les individus sont considérés comme un mal nécessaire à l’intérêt général. La peine pour punir, empêcher et surtout, dissuader par l’exemple.
Nul doute aujourd’hui qu’une sentence pénale doit viser les trois. D’abord montrer à la société que l’ État veille au bon ordre physique, à défaut de veiller sur un ordre social ou économique. L’effet dissuasif est inséparable de toute peine, tant dans la conscience populaire que dans la législation comme en témoigne l’accroissement régulier de la sévérité des peines, que ce soient les peines d’amende, les peines restrictives de droits, ou les peines d’enfermement, plus longues qu’ auparavant. Ensuite, réformer, amender, réinsérer ou insérer suivant la terminologie en vigueur.
Nul doute également que le premier objectif, celui de la dissuasion, est plus facile à atteindre que le second, celui de la réforme morale, et peut se révéler plus efficace en vertu de l’adage « mieux vaut prévenir que guérir ». Prévenir en dissuadant, guérir en réformant.
Nul doute enfin que la dissuasion préventive soit de fait élevée au rang d’objectif premier et la réforme morale au rang d’objectif secondaire. En témoigne les discours politiques sécuritaires qui pour répondre aux besoins de la population s’agissant d’éradiquer la délinquance et plus particulièrement la récidive proposent d’accroître les peines, confirmant ainsi cette primauté donnée à la prévention non pas sociale mais pénale. Cette dissuasion s’adresse majoritairement à ceux qui seraient tentés de tomber dans la délinquance. On rejoint ainsi la théorie utilitariste de la peine de Bentham: la peine sert d’abord à la société, le délinquant étant « un sacrifice indispensable au salut commun ».1
Mais c’est oublier qu’une société ne se réduit pas à ce qu’elle a de meilleur. Elle produit constamment de l’échec, de l’erreur et du vice. La prison est le lieu par excellence de concentration de ce que la société ne veut ou ne peut s’approprier. Pourtant, elle en fait partie, quoi qu’on en dise. Que dire d’une peine qui a pour but le salut de la société et qui en oublie une partie de ses membres. Aussi détestables puissent-ils être, ils sont citoyens. Ils sont cependant moins sensibles au discours dissuasif et un traitement supplémentaire pourrait leur être utile et donc être utile à la société.
La réforme morale peut alors intervenir. Celle ci, comme disait Platon sert à ramener non pas sur un chemin vertueux, encore moins sur un chemin vicieux, mais à un état de neutralité où l’individu n’aura plus qu’à faire le choix. Et logiquement, la vertu finit par l’emporter, le tort moral résultant en fait d’une erreur de choix. Transformer l’individu, le changer intérieurement et neutraliser les éléments intérieurs qui lui ont fait choisir la mauvaise voie.
À ce titre, le traitement psychiatrique peut être envisageable si on le conçoit comme une entreprise visant à modifier le psychisme d’un individu et restaurer ainsi l’intégrité d’un discernement altéré qui aurait pour conséquence fâcheuse de compromettre le libre choix d’un individu et pour qui le choix du mal ne serait pas un choix libre mais contraint. Si la psychiatrie se fixe le but de restaurer un libre arbitre perdu ou jamais acquis, elle est alors un outil de réforme morale de l’individu, celui ci pourra alors de lui même et sans contrainte, choisir de bien faire ou non. Le discours psychiatriques s’opposant au traitement de la délinquance va dans ce sens. Malgré cela il le dessert si comme Platon on considère que le chemin de la vertu sera toujours préféré.
Plus largement, la psychiatrie en prison se justifie d’abord par la démocratisation des conditions de détention et l’affirmation du détenu comme citoyen sujet de droits, notamment le droit aux soins.
Entre enjeux de santé publique et enjeux de sécurité publique, là est le problème auquel est confronté le dispositif de soins psychiatriques en milieu carcéral.
L’usage de la psychiatrie en prison et au sein de la Justice en général est d’une certaine manière galvaudé. Le dispositif de soins existe mais il est tiraillé entre le traitement sanitaire et l’utilité sécuritaire qu’il offre étant un outil de gestion de la vie carcérale, une soupape de sécurité. La psychiatrie n’a pas le même objectif que la justice, ce qui dans un simple processus de coopération ne saurait être un problème.
Or d’un côté, la Justice tend à détourner l’usage de la psychiatrie à son compte en étant tentée de s’en servir comme outil de gestion de la détention et plus largement de la délinquance, d’un autre côté, la psychiatrie se refuse toute appropriation du problème délinquant. Ce dernier point est illustré par une déclaration du Conseil Syndical des Psychiatres des Hôpitaux du 24 septembre 1974, citée par le rapport parlementaire Hyest de 2000:
« Il ne saurait donc être question [de] modifier fondamentalement la qualité des rapports contractuels qui s’établissent entre les soignants et les soignés, en introduisant des considérations de restrictions des libertés des uns comme des autres. S’il existe un problème de délinquants anormaux mentaux, dont il est compréhensible qu’ils puissent avoir des difficultés à séjourner dans les services pénitentiaires courants, il appartient à l’administration pénitentiaire d’adapter ses propres services à sa propre clientèle. "
La déclaration n’est certes pas récente mais une telle dureté et un tel désintérêt pour la question des délinquants malades laisse entrevoir des difficultés . C’est en partie ce que nous allons étudier.
Justice et psychiatrie ont eu une histoire parallèle, s’entrelaçant, s’entrechoquant mais restant à proximité. L’histoire étudiée commence en 1810 avec un cloisonnement quasi-doctrinal entre ces deux acteurs. C’est le débat punir ou soigner. Puis leurs rapports vont évoluer, lentement afin de répondre aux importants besoins sanitaires de la population pénale pour se diriger vers un dispositif juridique basé sur une logique du punir et soigner: soigner les détenus en prison et à l’hôpital, les détenus ont accès aux soins, au delà d’un questionnement théorique sur le sens du soin et de la peine, l’essentiel est bien là.
Cependant de nombreuses difficultés soulèvent le problème de l’efficacité du dispositif actuel et la tentation est forte de poser à nouveaux des rustines et de ne pas se pencher plus sur le fond du problème. Celui ci est le suivant: le dispositif actuel de soins aux détenus ne permet pas de répondre efficacement à la demande du fait d’une politique pénale vide de sens s’agissant du traitement pénal des délinquants malades. Celle-ci se borne à incarcérer massivement en « espérant » que la prison réussira là où l’extérieur a échoué.
La dérive à craindre est la suivante: punir pour soigner. C’est actuellement une réalité non avouée et c’est la suite logique qui nous attend si rien n’est fait, car le problème va au delà d’un « simple » manque de moyens et de personnels. C’est ce que nous pourrons voir, notamment s’agissant de la procédure pénale qui, dans un processus de responsabilisation quasi-systématique joue un rôle important expliquant en partie la présence de ces malades en prison et les difficultés de prise en charge.
Cette étude non exhaustive tente de reprendre deux points, essentiels à une compréhension globale du sujet.
C’est pourquoi une première partie est consacrée aux multiples causes expliquant la présence de malades-délinquants et de délinquants présentant des troubles mentaux en prison.
Nous verrons ainsi quatre causes, l’une reprenant le cloisonnement originel entre prison et psychiatrie, l’autre traitant de ce que l’on nomme la désinstitutionnalisation de l’hôpital psychiatrique public, la troisième traitant du développement des politiques pénales sécuritaires et de la pratique judiciaire,et enfin la dernière, traitant des conditions de vie en détention comme sinon créateur, du moins révélateur de troubles psychiatriques sous-jacents.
Cette partie présente également les pathologies que l’on rencontre en prison et leurs conséquences.
La deuxième partie de cette étude est consacrée à une présentation du dispositif de soins offert aux détenus et à la mise en avant des nouveautés apportées par la loi du 9 septembre 2002 en la matière.
C’est également l’occasion de reprendre les carences et insuffisances du dispositif de soins psychiatriques en prison que de nombreuses études et rapports mettent en avant.
C’est enfin, par une analyse rapide des législations étrangères s’agissant du traitement pénal des malades, l’occasion de comprendre pourquoi notre législation est lacunaire et ne permettra pas de résoudre les difficultés que l’on rencontre aujourd’hui et que l’on espère résoudre demain.
PARTIE I Entre délinquants et malades: la prison, lieu de confusion des publics pris en charge.
[modifier]La forte présence de détenus souffrant de troubles mentaux en prison n’est pas un phénomène récent. Cela remonte à la création même de la prison moderne qui s’est révélée être au fil du temps un lieu d’accueil pour malades mentaux du fait de multiples facteurs (I). C’est également de son fait, la prison étant devenue un lieu pathogène par excellence (II).
I.La prison comme lieu d’accueil des malades mentaux depuis la révolution française.
[modifier]Depuis la création de la prison moderne, le concept d’irresponsabilité pénale des malades mentaux est au centre du système répressif. Sa mise en œuvre a eu pour effet pervers d’enfermer un grand nombre de personnes souffrant de troubles mentaux sans aucune prise en charge (A). De même leur présence en prison a augmenté ces dernières années du fait des politiques sanitaires et sécuritaires (B).
- A- Les effets pervers de la dichotomie juridique de 1810 et 1835.
- 1.L’irresponsabilité pénale des malades mentaux: consécration légale d’un cloisonnement entre milieu psychiatrique et milieu carcéral.
Les malades mentaux bénéficient d’un statut spécial s’agissant d’apprécier leur culpabilité lorsqu’ils commettent une infraction. L’irresponsabilité pénale dont ils bénéficient est presque un droit naturel, une contrepartie logique à leur malheur.
Cette spécificité se rencontre dès l’époque romaine avec le principe d’imputabilité (Hadrien, 76 à 138 après J.C.). À cette époque, les fous et les impubères n’étaient pas pénalement responsables de leurs actes car le simple résultat d’un crime n’était pas suffisant pour apprécier la culpabilité d’un homme. Il fallait prendre en compte la volonté de l’auteur. Le raisonnement était simple: le fou, ne pouvant avoir d’intention, ne peut être coupable (Ulpien 228 après J.C.). La responsabilité pénale des malades mentaux reposait sur la notion de libre arbitre. Son absence avérée était un critère légal de non punition.
Cette conception va perdurer tout au long du Moyen Age. Ainsi, jusqu’au 17ème siècle, « Les fous (...) au nom de l’expression divine dont ils sont le reflet bénéficient aux yeux de la population d’une certaine protection1 . »
Au 17ème siècle, l’irresponsabilité pénale est encore valable, seulement la notion de protection laisse place à la notion de bonnes mœurs. À ce titre, les fous, de même que les mendiants et vagabonds, sont systématiquement enfermés comme l’illustre la création des Hôpitaux Généraux de Paris en 1656.
Puis au 18ème siècle, le statut du fou évolue avec la naissance de la science psychiatrique moderne. Le terme aliénation remplace celui de folie, et un traitement thérapeutique devient envisageable. L’aliéné devient un malade, il peut être guéri, ce qui ne sera pas sans conséquences sur son statut pénal.
Le débat sur le statut pénal de l’aliéné va réapparaître avec la résurgence du droit romain et l’essor législatif qui caractérise la période (post) révolutionnaire.
C’est à cette époque que le droit pénal tel que nous le connaissons actuellement va naître avec les travaux de Beccaria qui en 1764 pose les bases du système judiciaire moderne. Son ouvrage « Des délits et des peines » inspira largement la réforme judiciaire française dès 1780. Les peines infligées doivent être proportionnelles au crime.
Mais comme le remarquait Robert Badinter2, le système répressif proposé était ainsi exclusivement fondé sur le droit et sur le crime mais ne prenait pas en compte la volonté de l’auteur ni l’état de ses facultés intellectuelles. Une telle conception de la justice pénale aurait conduit à faire primer d’abord le statut de délinquant sur le statut de malade.
C’est donc dans un souci de justice, d’équité, d’humanisme et en s’inspirant des travaux de l’époque sur la responsabilité3 que le Code Pénal de 1810 va consacrer le principe d’irresponsabilité pénale des malades mentaux4. La non altération du libre arbitre devient la condition nécessaire à toute action en justice et a posteriori, à toute incarcération. Peu de temps après, une loi de 1838 crée les asiles dans chaque département et met en place le régime de l’hospitalisation d’office. La prisons, lieu d’amendement et d’expiation s’occupe des criminels et délinquants, et l’asile, lieu de soins, s’occupe des malades.
Le système juridique ainsi mis en place est dichotomique: malade ou délinquant, irresponsable ou responsable, interné ou incarcéré. Soit l’un, soit l’autre.
La présence de la maladie mentale est alors un critère légal de non emprisonnement.
Cette dichotomie juridique favorise grandement le cloisonnement entre l’institution psychiatrique et l’institution carcérale. Folie et culpabilité deviennent antinomiques.
Ce cloisonnement a eu des effets directs pervers, voir paradoxaux.
- 2.Effets pervers et réponse pénale: La prise de conscience de l’existence de détenus malades mentaux.
De la dichotomie juridique découle un problème: la question de la responsabilité, préalable à toute action pénale et donc pivot du système judiciaire repose intégralement sur une science à l’efficacité relative puisque complexe mais surtout, embryonnaire.
La responsabilité, ainsi médicalisée5, peut évoluer et se préciser. C’est ce qui s’est passé. La question de la responsabilité dépendait des expertises, elles-mêmes dépendantes de l’avancement de la psychiatrie en tant que science. L’irresponsabilité d’un individu n’est donc pas une notion fixe à l’époque.
Mais au-delà de cette incertitude, c’est la formulation de l’article 64 CP qui se révèle préjudiciable. Jusqu’en 1838, il s’agissait de répondre à une seule et unique question: l’inculpé était-il dément au moment des faits? Cette unique question est problématique. On cherche à savoir s’il est irresponsable ou s’il ne l’est pas. Or ne pas être irresponsable ne signifie pas pour autant être totalement responsable.
Il y a certes les deux catégories, aliénés et sains d’esprit, mais il y a surtout les autres, cette nébuleuse intermédiaire faite de tout ceux présentant des troubles suffisamment bénins pour ne pas considérer qu’ils sont privés de libre arbitre, mais suffisamment malins pour perturber l’individu, croître et s’amplifier s’ils ne sont pas traités.
Partant, la dichotomie juridique, pourtant fondée sur la science ne correspond plus à la réalité. Or, selon la conception issue de l’article 64, cette population intermédiaire déclarée non irresponsable pénalement peut donc se retrouver incarcérée sans aucun dispositif de prise en charge puisque officiellement, elle n’en a pas besoin. Ce dispositif juridique était trop simpliste, trop manichéen, et par conséquent inadapté.
Les choses changent en 1905: l’article 64 est complété par la circulaire Chaumié qui réglemente les procédures concernant l’atténuation de la responsabilité pénale:
« A coté des aliénés proprement dits, on rencontre des dégénéré, des individus sujets à des impulsions morbides momentanées, ou atteints d’anomalies mentales assez marquées pour justifier à leur égard une certaine modération dans l’application des peines édictées par la loi. Il importe que l’expert soit mis en demeure d’indiquer, avec la plus grande netteté possible, dans quelle mesure l’inculpé était, au moment de l’infraction, responsable de l’acte qui lui est imputé. »
Il s’agit alors de répondre non pas à une mais à deux questions: était-il dément? S’il ne l’est pas, dans quelle mesure est-il responsable? De là, ils pouvaient ou non prononcer une atténuation de la peine en fonction du degré du trouble mental.
Cette circulaire, malgré le fait qu’elle tombera rapidement en désuétude, officialise la présence en prison de détenus souffrant de troubles mentaux et surtout, marque la nécessité de modérer, non pas la peine mais l’application de la peine et de prendre en compte leur état mental dès le jugement.
La présence en prison de détenus souffrant de troubles du comportement, et plus largement de troubles mentaux n’est pas seulement un effet pervers d’une loi datant du 19ème siècle, loin de là. C’est un phénomène grandement lié à deux facteurs conjoints, d’une part le bouleversement institutionnel qu’a connu l’hôpital psychiatrique depuis la seconde guerre mondiale et d’autre part, le développement en France des politiques sécuritaires .
- B- L’augmentation de personnes souffrant de trouble psychiatriques en prison du fait des politiques sanitaires et sécuritaires.
- 1.De la corrélation entre l’ouverture de l’hôpital psychiatrique et l’apparition d’une population potentiellement déviante
La psychiatrie est réellement née par la loi de 1838 permettant de traiter les malades distinctement des délinquants, dans un lieu et avec une équipe spécifique. Le délinquant laissait place au malade, la punition laissait place au soin.
La politique psychiatrique a longtemps consisté à enfermer les malades. Elle s’est ouverte progressivement.
L’ouverture débute en 1922 avec Édouard Toulouse, créateur des premiers dispensaires français de prophylaxie mentale. Il obtint le remplacement du terme asile par celui d’hôpital psychiatrique. Apparaît ainsi la première initiative pour un travail thérapeutique en milieu ouvert.
C’est depuis la seconde guerre mondiale que la psychiatrie a radicalement évolué, à travers le développement de la psychiatrie institutionnelle et le vaste mouvement de désinstitutionnalisation.
Durant la guerre, les autorités administratives décidèrent d’ouvrir les hôpitaux psychiatriques pour permettre aux malades de fuir. Par la suite, on s’est aperçu que ceux-ci faisaient preuve d’un comportement suffisant à les considérer comme réinsérables. « Des rescapés psychiatres, pour certains ayant connu l’enfer des camps de concentration établissent le parallèle avec les asiles (...) pour ce qui est du fonctionnement défensif que peuvent développer les individus pour résister. Ils jettent les bases de la thérapie institutionnelle tendant à (...) modifier le vécu social sur la capacité de responsabilisation et donc de réinsertion des patients. »6
La thérapie institutionnelle est basée sur cette prise de conscience du rapport soignant-soigné mise en parallèle avec les gardiens de prison ou de camps. Il fallait modifier ces rapports. Pour cela, les psychiatres proposaient de modifier la structure même des hôpitaux psychiatriques et par là, leur organisation. L’institution devient elle-même outil thérapeutique, en permettant au patient d’être actif et non pas un simple sujet de soins (l’exemple type est la mise en place d’ateliers et activités auxquels peut participer le malade). L’hôpital doit s’ouvrir. De plus, l’arrivée sur le marché des psychotropes va bouleverser la prise en charge des malades en favorisant un retour en société et en permettant donc un suivi à l’extérieur.
La psychiatrie institutionnelle s’est traduite par une fermeture massive des asiles et une réduction du nombre de lits: la désinstitutionnalisation. Ce mouvement a été particulièrement fort en Italie7 où ils furent tous fermés. De façon plus modérée, le phénomène a touché l’ensemble des pays industrialisés.
La France a toutefois maintenu un maillage départemental de prise en charge psychiatrique. Il s’agit de la sectorisation, instituée en 1960 « (...) pour traiter à un stade aussi précoce que possible, assurer un suivi évitant les rechutes dans le cadre de la continuité des soins, séparer le moins possible le malade de sa famille et de son milieu, accueillir tous les patients d’une région donnée. » 8.
Cette sectorisation n’a pourtant pas empêché l’avènement de la désinstitutionnalisation amorcée. Aujourd’hui la psychiatrie soigne mieux qu’il y a 50 ans, mais moins bien qu’il y a 15 ans. Ses moyens ne cessent de diminuer depuis la fin des années 80.
Il y a d’abord pénurie de personnels. Les effectifs sont insuffisants. « D’après le ministère de la Santé, ceux ci devraient diminuer de 40% d’ici à 2020 »9. Parallèlement la capacité d’accueil des services psychiatriques publics « est passé de 140 000 lits au début des années 80 à 50 000 en 2004 »10. Moins de personnel, moins de place, et des séjours de plus en plus courts. La durée est passée de 270 jours à 32 jours en moyenne. La raison est le « développement d’un modèle de prise en charge de type anglo- saxon caractérisé par le recours massif aux thérapies cognitives et comportementales, plus courtes »11.
Plus généralement, le recours aux psychotropes (antidépresseurs, neuroleptiques) se fait au détriment des psychothérapies avec pour risque de ne traiter que la surface de problèmes plus profonds.
Ainsi, si « la proportion des troubles mentaux dits ’classiques’- phobies, troubles dépressifs, schizophrénie- reste stable (...) depuis une quinzaine d’années, nous assistons à l’augmentation de nouveaux troubles dits ’de la personnalité’ souvent plus difficiles à traiter que les troubles classiques. »12. Ces troubles sont ceux que l’on nomme les états limites et les personnalités antisociales.
Intolérance aux frustrations, impulsivité, violence, conduites addictives, telles sont les caractéristiques de ces ’nouvelles’ pathologies en pleine expansion et sur-représentées en prison13.
Mendicité agressive ou non, vagabondage, usage de drogues, c’est toute une population marginalisée ou facilement marginalisable qui se retrouve au sein de la société du fait des nouvelles méthodes thérapeutiques.
Or depuis longtemps et particulièrement depuis les années 1990, ces formes de déviance sont plus durement réprimés du fait de la mise en pratique de politiques sécuritaires.
- 2.Politiques sécuritaires et adaptation de la justice.
La délinquance est l’un des grands thèmes politiques depuis une décennie. Elle semble s’amplifier, se diffuser, évoluer. Les chiffres le prouvent: Les vols ont explosé passant de 187 500 en 1950 à 2 305 000 en 199814. Les atteintes aux personnes sont quant à elles passées de 87 700 en 1975 à 230 023 en 199815. Le taux d’élucidation a lui diminué passant de 37% en 1991 à 25% en 2001. Rien ne saurait enrayer ce fléau. Rien à l’exception des politiques pénales de tolérance zéro. Car plutôt que d’opter pour un traitement social de la misère (et des questions sociales en général), on a surtout assisté à un traitement pénal, nettement plus efficace (à court terme) et facile à mettre en œuvre.
C’est aux Etats-Unis que des politiques répressives massives font leur apparition. En 1993 à New-York, le concept de « tolérance zéro » voit le jour. L’objectif est de pourchasser la petite délinquance et de repousser les déshérités à l’extérieur de la ville « par le harcèlement permanent des pauvres dans les espaces publics (rues, parcs, gares, bus et métro, etc...) »16.
Ce concept vise à une application inflexible de la loi pénale à l’encontre de toutes nuisances mineures tels le tapage, l’ébriété, la mendicité, les atteintes aux mœurs et plus généralement, tous les petits délits trop longtemps tolérés.
Ces politiques sont directement alimentées par la théorie dite du « carreau cassé » formulée en 1982 par James Q. Wilson et George Kelling soutenant que les grandes tendances criminelles ont pour origine les petit maux et désordres quotidiens. Pour simplifier, «[c’est l’]adaptation du dicton populaire ’ qui vole un œuf, vole un bœuf ’»17 . Plus largement, la criminalité n’aurait pas une quelconque origine sociale, économique ou culturelle, elle n’aurait qu’une seule origine certaine, le criminel lui-même18. Traiter les causes de la criminalité ne servirait à rien, il faut traiter le criminel lui même: dissuader, réprimer.
Les résultats furent probants et se traduisirent par une envolée du taux d’incarcération aux Etats-Unis. Les politiques sécuritaires new-yorkaises d’incarcération se sont accompagnées d’une campagne de promotion. Investir dans l’administration pénitentiaire, c’est investir de façon réfléchie et utile dans la société. « Une étude (...) du ministère fédéral de la justice aux États-Unis concluait que le triplement de la population carcérale entre 1975 et 1989 avait permis d’éviter 390 000 meurtres, viols et vols avec violence lors de la seule année 1990. »19 Avec de tels chiffres à l’appui, il est difficile de résister à l’attrait de telles politiques.
Elles n’ont d’ailleurs pas mis longtemps pour arriver en France. La gouvernance de Lionel Jospin en 1997 en est largement imprégnée puisque la sécurité physique de la population devient l’une des priorités de L’Etat dès son discours d’investiture: la sécurité comme « devoir primordial de L’Etat ».
Deux lois complémentaires ont permis de renforcer l’arsenal répressif français, clairement orienté vers la tolérance zéro. La première loi est celle du 21 janvier 1995 d’orientation et de programmation relative à la sécurité. « Elle participe, avec la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d’orientation et de programmation pour la justice, d’une volonté globale du Gouvernement de restaurer la sécurité par une efficacité maximum des autorités et services publics y concourant. »20. L’exposé des motifs de cette dernière indique une lutte contre l’insécurité et le sentiment d’insécurité. Le titre 1 de la loi prévoit de lutter contre certains agissements dont le développement est source d’exaspération pour les citoyens. Mendiants, racoleurs, squatteurs sont plus sévèrement punis et font les premiers l’objet de « tolérance zéro ». Lors de la campagne présidentielles de 2002, Jacques Chirac avait fait de la lutte contre l’insécurité l’une de ses priorités, déclarant « qu’aucune infraction, aussi légère soit-elle, ne doit plus être laissée sans réponses ». Nicolas Sarkozy mettra ce programme en œuvre par la suite par le biais de la loi précitée de 2002.
Mendiants, publics errants, alcooliques ou toxicomanes, tous se retrouvent sur le devant de la scène. Le fait d’errer devient réprimable, l’alcoolisme sur la voie publique est interdit, la toxicomanie est un délit, la mendicité est perçue dans son ensemble comme une entreprise « mafieuse »21. Ces comportements sont pour beaucoup des manifestations de problèmes plus complexes. Seulement à la prise en charge sociale (lorsqu’elle est possible), la prise en charge pénale est préférée.
Le durcissement des politiques pénales s’est accompagné du durcissement des sanctions. Le code pénal de 1810 est réformé en 1992 et de nombreuses infractions deviennent plus sévèrement incriminées. Les peines d’emprisonnement s’allongent afin de s’adapter aux évolutions de la criminalité.
Dans le même temps, l’article 64 du code pénal de 1810 est revu et laisse place à l’article 122-1. Cet article est dans la ligne directe du mouvement amorcé en 1905 par la circulaire Chaumié, par l’évolution des politiques sanitaires et par le durcissement de la répression. Cet article officialise et autorise l’incarcération des personnes souffrant de troubles mentaux en légalisant le principe d’atténuation de responsabilité:
« N’est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuro-psychique ayant aboli son discernement.
La personne qui était atteinte au moment des faits d’un trouble psychique ou neuro-psychique ayant altéré son discernement ou entravé le contrôle de ses actes demeure punissable: toutefois la juridiction tient compte de cette circonstance lorsqu’elle détermine le peine et en fixe le régime »
La notion d’altération de discernement est vaste et qui plus est, circonstancielle. L’individu devait avoir le le discernement partiellement aboli au moment des faits pour bénéficier d’un aménagement de peine22. Les autres, ceux dont le discernement est totalement aboli restent non punissables pénalement. Malgré les apparences, ce deuxième alinéa consacre le principe d’incarcération des malades mentaux.
En effet, il est faux de croire que l’abolition totale de discernement concerne tous les malades mentaux. Au contraire, les malades ne sont pas comme on pourrait le croire, tous « fous », toujours « fou ». Le propre de beaucoup de maladies mentales est justement d’être cyclique, d’alterner entre des phases de lucidité et des phases de délire. Il est même plus probable de rencontrer l’une de ces personnes qu’un malade constamment privé de discernement. Ce sont ces personnes qui sont visées par l’alinéa 2 de l’article 122-1 et qui évoluant en milieu libre du fait des nouvelles méthodes thérapeutiques ouvertes sur la société sont à même de développer un « mode de vie criminogène »23. Ils accumulent les circonstances aggravantes par des conduites alcooliques, agressives, addictives, et étant coutumier des faits, ils accumulent les récidives. De fil en aiguille, ils sont plus sévèrement punis jusqu’au moment où excédée, la justice prononce l’incarcération d’autant que les lois sont de plus en plus sévère pour les récidivistes et multi-récidivistes, portés en ce sens par la population, elle aussi excédée.
De plus, le développement des politiques sécuritaires s’est accompagné de nouvelles procédures pénales, ou justice de l’urgence. C’est le cas des comparutions immédiates ou des procédures sur reconnaissance préalable de culpabilité.
Avec de telles procédures, l’expertise psychiatrique, seulement obligatoire en matière d’actes criminels et délits sexuels, laisse place aux recommandations des travailleurs sociaux amenés à rencontrer le délinquant avant son jugement en vue de rédiger une enquête sociale rapide. Ces enquêtes (et non pas des expertises) ne durent que quelques minutes et ont d’abord pour objectif de retracer un parcours social. Elles sont destinées à être lues par le magistrat pour l’aider dans sa prise de décision. En pratique ils se servent peu des éléments retenus à décharge s’agissant de la santé mentale du prévenu. Et lorsqu’elle est obligatoire, l’expertise n’est pas forcément fiable du fait encore une fois d’un manque de moyens24.
La pratique des magistrats change: à défaut de soins à l’extérieur, ils sont tentés de prononcer un emprisonnement plus facilement du fait du dispositif thérapeutique proposé en prison. Ils ont également tendance à majorer le quantum de la peine prononcée, notamment en matière criminelle. Des visites de prison sont organisés pour les jurés avant les sessions de cour d’assise. Ils peuvent d’eux-mêmes se rendre compte que des soins seront dispensés en prison. Ils auront donc d’autant moins de mal à prononcer une lourde peine que l’accusé pourra se faire soigner dans un cadre sécurisant...longtemps.
Ou quand la présence de troubles mentaux devient un critère d’incarcération.
La forte présence de malades mentaux en détention est également le fait du fonctionnement interne des prisons qui créant ou réveillant de nombreux troubles du comportements, fait de celles-ci un lieu pathogène.
II.La prison source de troubles mentaux et lieu de vie pour malades.
[modifier]Le régime de détention est à l’heure actuelle clairement axé sur la sécurité. Ce choix favorise grandement la dégradation de l’intégrité psychique de l’individu, faisant de la prison, un lieu pathogène (A). De là, de multiples maux sont observables (B).
- A- La prison, lieu pathogène.
Le propre de la prison est d’isoler un individu nuisible à la société. Il y a alors le monde extérieur, et la prison. Le bannissement dans de lointaines colonies a d’ailleurs été l’un des modes de punition de ces individus. Aujourd’hui, faute de colonies vierges et du fait de la pression démocratique, ces individus restent au sein de la société, géographiquement parlant du moins. La prison, lieu d’enfermement gère ces individus et les fait vivre à l’écart de l’autre société. C’est toute une micro-société qui existe et qui se doit de contenir les éléments violents. La peine capitale étant abolie, ces individus sont voués à sortir un jour ou l’autre. L’objectif à long terme est d’ éviter qu’ils ne réitèrent à leur sortie. L’objectif à court terme est surtout de maintenir la plus grande cohésion et la plus grande stabilité de cette « société dans la société ». L’atteinte de l’objectif de prévention de la réitération n’est envisageable que par la réussite de l’objectif de cohésion. La priorité et la primauté donnée à la sécurité se justifient ainsi.
Ce choix n’est pas sans conséquence. C’est un vrai état totalitaire25 qui existe au sein de la prison. Si la notion d’institution totale au sens de Goffman est à relativiser du fait de l’humanisation des conditions de détention qu’on a pu observer depuis la réforme Amor et le passage de Robert Badinter au ministère de la Justice, il n’en reste pas moins qu’elle conserve une organisation dont la vocation est de s’immiscer au maximum dans le quotidien des détenus afin de les contenir le plus efficacement possible.
Il en résulte deux effets principaux. Le caractère contraignant est source de frustrations et d’humiliations quotidiennes et il résulte du caractère enveloppant une coupure radicale avec le monde extérieur.
- 1.La coupure radicale avec le monde extérieur: le morcellement de l’identité:
La coupure avec le monde extérieur intervient dès le début de la détention. On parle du « choc carcéral ». Cette notion permet de rendre compte de ce que subit l’individu à son arrivée. C’est un sentiment général qui s’empare de lui et qui le fait réaliser que sa vie telle qu’il l’a connue est terminée. Il sort d’une longue procédure, souvent longue de plusieurs mois ou souvent même la procédure est encore en court. Il doit anticiper sur un avenir sombre et relativement incertain et doit accepter et se préparer à un quotidien réputé, à juste titre, insupportable. La coupure est d’autant plus mal vécue que le sentiment de privation est fort, si le détenu est marié, parent, etc...
Les modalités d’entrée en prison sont symboliques. Le sentiment de perte d’identité se comprend au vue de la procédure. Celle-ci comprend un relevé d’identité, une prise d’empreintes digitales, la dotation d’un numéro d’écrou, qui suivra le détenu durant toute sa détention et la confiscation des biens personnels26. Toute possession personnelle est remplacée par du matériel standard à la disposition de tous. A défaut de restaurer le costume pénal, l’objectif est d’homogénéiser les détenus afin de faciliter le contrôle et d’éviter toutes jalousies et tentations. Si ils peuvent cantiner, c’est à dire acheter des produits, de nombreux objets sont interdits.
De même que dans le monde extérieur, la prison n’est pas une zone de non-droit. La différence est que dehors, ce qui n’est pas interdit est autorisé. En prison, ce qui n’est pas autorisé est interdit. Autant dire que les marges d’actions sont limitées. Le détenu n’a pas le droit de faire telle ou telle chose, il est autorisé à les faire. Tous les droits qui seront évoqués par la suite sont secondaires face aux contraintes de sécurité et tous peuvent être restreint ou suspendus. Cela a son importance et contribue à renforcer l’emprise de l’institution carcérale et sa différence avec le dehors.
Le droit applicable aux détenus est un droit disciplinaire27. La terminologie utilisée ici n’est pas anodine. Le tribunal est la commission de discipline. Il n’y a pas de procureur ni de juge indépendant du pouvoir exécutif. Le directeur de prison est à la fois requérant, juge, et chef de l’organe chargé d’appliquer la sanction. Il est omniprésent tout au long de la procédure. La sanction peut être en lien avec la faute commise et consister par exemple en un déclassement du poste de travail occupé si la faute a été commise au travail. Mais si cela est nécessaire, le détenu risque l’enfermement...ce qui peut paraître paradoxal. La sanction est alors un séjour de 45 jours maximum au quartier disciplinaire. La prison en prison. Le régime de détention au quartier disciplinaire est plus contraignant encore que le régime normal de détention. Déjà coupé du monde extérieur, le détenu est coupé du monde carcéral. Il n’est plus qu’avec lui-même, objet même de cette sanction28. Le placement en quartier disciplinaire est source de multiples maux et passages à l’acte autoagressifs ou suicidaires.29
Le droit commun « extérieur » prône la liberté d’aller et venir. La prison neutralise évidemment ce droit puisque les détenus n’ont pas la possibilité de sortir de l’enceinte (sauf exceptions avec les multiples aménagements de peine proposés). Mais elle neutralise également ce droit en son sein. Les détenus n’ont pas de liberté de déplacement. En maison d’ arrêt, les clefs des cellules et des nombreuses portes sont à la seule disposition des gardiens. En centre de détention, le régime plus souple permet aux détenus d’avoir la clef de leur cellule et de se mouvoir à leurs étages respectifs. Ce droit s’arrête là, ils ne peuvent sortir de l’étage, ni sortir de leur cellule après un horaire précis. Ils doivent demander une autorisation pour chacun de leurs mouvements. Un détenu souhaitant se rendre à la bibliothèque devra demander un « bon » au surveillant justifiant de son déplacement et il devra l’avoir avec lui par la suite lors de son déplacement.
La mission des personnels est également de maintenir une pression constante sur le détenu afin de maintenir un certain ordre. Par exemple, un détenu s’étant rendu le matin à l’infirmerie sans autorisation est repéré par un surveillant. Ce même surveillant transmet le message au collègue compétent. L’après midi, le détenu est « interpellé » au détour d’un couloir par ce dernier qui lui demande pourquoi il était à l’infirmerie. Réaction du détenu: « Tous mes faits et gestes sont surveillés? ». Menace d’un rapport disciplinaire et résolution amiable du problème. L’important est que le détenu prenne conscience que désormais, il ne fait pas ce qu’il veut. Lors des commissions de discipline, le principal argument utilisé par les « juges » est le suivant: « Vous êtes en prison, vous n’êtes pas chez vous ». L’ institution est omniprésente, omnisciente et le fait savoir. Caméras, serrures, autorisations, créneau horaire, tout est réglé et le détenu ne peut pas intervenir, il subit.
La rupture avec le monde extérieur est d’autant plus mal vécue que le détenu a des attaches. Le maintien des liens familiaux est l’un de leurs droit les plus importants et le plus mis en œuvre. Ils peuvent téléphoner (à certaines heures), recevoir des visites lors des parloirs (en nombre limité dans la semaine) et dans certains établissements, des unités expérimentales de vie familiale (UEVF) sont créées. Au nombre de 3 à l’heure actuelle, elles permettent au détenu de recevoir tout ou partie de sa famille proche pendant 2 jours maximum dans un lieu aménagé, un simulacre de maison avec jardin au sein de la prison. Ces unités sont amenées à se développer.
En pratique, les liens sont difficiles à maintenir, soit du fait du régime de détention (la famille souvent éloignée, notamment à cause des nombreux transferts d’un établissement à un autre, la procédure disciplinaire permettant de restreindre ce droit) soit du fait de la famille elle même (beaucoup se retrouvent délaissés par leurs parents ou conjoints).
Coupé du monde extérieur, le détenu peut difficilement se projeter dans l’avenir. La société, sa famille, ses amis (souvent ses « anciens amis ») continuent d’évoluer et de progresser tandis que lui ne peut qu’observer. Il ne participe pas et se retrouve ainsi coincé dans un monde où le temps n’a plus cours. Son propre rythme de vie est minutieusement réglé, prévisible et lent. Rares sont les désirs et requêtes rapidement assouvis. Son temps est employé par l’administration pénitentiaire à effectuer des tâches prédéfinies. Le détenu ne maîtrise pas l’évolution extérieure, il ne peut y participer, et ne peut que difficilement influer sur le temps carcéral.
Tous au plus, les détenus peuvent mettre en œuvre diverses stratégies permettant de mieux supporter les nombreuses contraintes. En réalité, il s’agit moins de rendre le quotidien supportable que de le rendre le moins insupportable possible. La stigmatisation crée par l’isolement du monde extérieur n’est pas forcément ce qui nuit le plus aux détenus. Le quotidien est surtout source d’humiliations et de frustrations permanentes. Cumulés, ces deux facteurs peuvent littéralement détruire un individu peu solide intérieurement.
- 2.Humiliations, violences et frustrations:
Le quotidien d’un détenu est rythmé par des règles qui lui imposent un comportement. Par ce fonctionnement, la prison induit inévitablement une perte d’autonomie. Les détenus sont soumis à de très fortes contraintes. Contrainte de temps, de lieu, d’activités, de non activité. Dans son analyse sur les institutions totalitaires, Goffman explique que les institutions totales « suspendent ou dénaturent les actes dont la fonction, dans la vie normale est de permettre à l’agent d’affirmer la maîtrise de son milieu, qu’il est une personne adulte, douée d’indépendance, d’autonomie et de liberté d’action. »30. Le fonctionnement de l’institution carcérale entraîne difficilement la responsabilisation. Bien souvent, les détenus sont infantilisés. Les gestes simples ne le sont plus. C’est là l’ambiguïté de la méthode: il faut les responsabiliser en les obligeant à faire eux-mêmes toutes démarches, en rédigeant des courriers, en s’inscrivant à des activités mais il s’agit bien de demandes avant tout. Chaque geste est soumis à demande d’autorisation avec le risque de refus que cela comporte. Ces refus peuvent être motivés comme étant des sanctions, des punitions pour un comportement déviant antérieur. Et c’est ainsi que l’on passe d'un dispositif de responsabilisation à un dispositif d’infantilisation.
Le régime sécuritaire de l’institution est un révélateur quotidien d’impuissance.
Il se manifeste d’abord par une oppression permanente via une surveillance omniprésente. Chaque cellule est équipée d’un œilleton, dispositif intégré à la porte permettant à un œil extérieur d’observer à tout moment ce qui se passe en cellule, sans être vu. Cet œil s’intègre dans une volonté globale d’emprise sur les détenus. Les prisons du 19ème siècles étaient construites selon un modèle architectural circulaire permettant de concentrer en un point central dominant les éléments nécessaires à l’exercice du pouvoir: le panoptisme. « L’appareil disciplinaire parfait permettrait à un seul regard de tout voir en permanence. Un point central serait à la fois source de lumière éclairant toutes choses, et lieu de convergence pour tout ce qui doit être su: œil parfait auquel rien n’échappe et centre vers lequel tous les regards sont tournés .»31. Tout voir, faire ressentir sa présence.
Toujours pour des raisons de sécurité, les détenus sont souvent amenés à changer de cellules, de bâtiments. Des « essais », des mélanges sont réalisés par l’administration. Introduire un tel dans un étage, voire dans telle cellule pour apaiser une ambiance ou le calmer lui. Ils sont encellulés seuls ou à plusieurs, selon des critères d’appartenance ethnique ou de tempérament. Un détenu peut même se voit « confier » à son insu un suicidaire afin de prévenir une tentative de suicide en les mettant tous les deux dans la même cellule. Pression supplémentaire. Les détenus ont le sentiments d’être des pantins que l’on trimballe d’une cellule à une autre, d’un bâtiment à un autre, d’un établissement à un autre. La pratique du transfert d’établissement est courante. C’est un droit parfois accordé aux détenus, ou une nécessité sécuritaire. « Certains sont tellement transférés qu’ils perdent tout repères. Ils en arrivent à perdre leur identité. »32.
Cette surveillance se fait ressentir également par les fouilles.
D’abord les cellules. A tout moments de la journée, les surveillants peuvent fouiller intégralement une cellule sans motifs préalables. Le pouvoir d’investigation des surveillants et large puisque les cellules ne sont pas considérées juridiquement comme leur domicile. Mobiliers et sanitaires peuvent être démontés, les affaires jugées suspicieuses peuvent être soumises à une fouille plus approfondie par une personne spécialisée. C’est essentiellement une arme dissuasive principalement à l’encontre des trafiquants et qui ne concerne donc qu’une population particulière puisque en pratique les fouilles réalisées le sont d’après des informations fiables (dans la mesure où un détenu qui coopère est fiable).
Ensuite les fouilles corporelles: Il y a celles par palpation et celles à corps ou intégrales. Ces dernières doivent rester exceptionnelles mais restent cependant soumises à la discrétion du chef d’établissement qui juge seul si elles s’avèrent nécessaire33 et sont en fait fréquentes. La procédure stricte et intimiste34 se révèle aisément humiliante.
Outre le volet sécuritaire, l’absence d’intimité est également préjudiciable. Ressenti lors des parloirs, elle est très forte dans leur propre espace de vie: la cellule. Le strict respect du numerus clausus35 étant apparemment une chimère dans les maisons d’arrêts, les détenus sont amenés à cohabiter. Or beaucoup d’établissements n’étaient pas prévus pour cela à l’origine. Deux détenus peuvent vivre dans une cellule contenant un toilette sans aucun dispositif de séparation. Ils sont alors obligés d’aménager un espace d’intimité avec des draps et une corde.
Mais aucun drap ne saurait garantir une intimité suffisante, qu’elle soit visuelle, sonore, odorante et identitaire. En prison tout se sait. Des communautés se forment et se pérennisent. Les délinquants sexuels en sont les exemples. Stigmatisés, ils sont surnommés « pointeurs » et sont très mal perçus par les autres détenus. Il existe en prison une véritable hiérarchie. Les « pointeurs » sont au bas de l’échelle, les braqueurs sont en haut. Par un processus de justice interne, ces personnes sont de fait re-jugées. Pour des raisons de sécurité, les personnels ont tendance à les regrouper entre eux, au sein d’un étage par exemple ou au travail. Évoluant le plus possible en vase clos, ils évitent les ennuis. Beaucoup ne sortent pas en promenade pour cette raison. De même que dehors, ceux qui « possèdent » sont très vite repérés, au même titre que les faibles. Parallèlement, les forts, les caïds émergent et prennent un certain pouvoir rapidement.
Épiés par l’institution, les détenus s’épient entre eux contribuant ainsi à créer un climat particulièrement tendu.
La violence s’exprime en prison sous toutes ses formes. Injures, bagarres, harcèlement, discrimination, racisme, homophobie, rackets, vols, viols, meurtres, menaces, dégradations. Elle se ressent très fortement en maison d’arrêt où l’on peut parler d’insécurité ambiante. La surpopulation y est pour beaucoup, l’architecture aussi lorsqu’elle est ancienne. Elle s’exprime soit sur les autres, soit sur l’institution, soit sur soi. On peut facilement parler de violence gratuite et injustifiée. « Des querelles de cour d’école » pour reprendre les termes d’une avocate en commission de discipline. Regard de travers, geste suspect, trafics, tout est prétexte à une action violente. Les différentes personnalités et caractères présents en prison expliquent ces comportements.
Violence verticale par l’omniprésence contraignante et permanente de l’institution et violence horizontale par le climat de suspicion et d’intolérance généralisé. Violence confinée. Plus de haine, plus de malheur, plus de tristesse et à la fois cause et conséquence, plus de maux.
- B- Les maux de l’incarcération.
Les pathologies présentes en prison sont variées et reprennent l’ensemble du panel rencontré dans la population générale, mais dans des proportions différentes. Elles se manifestent pas diverses conduites dont les multiples incidents sont les témoins.
- 1.Nosographie de la population pénale.
De nombreuses enquêtes, certaines internationales font valoir la prévalence des troubles mentaux en prison. Celle de la DRESS36 en 2002 établit que 55% des détenus arrivant en prison présentent au moins un trouble psychiatrique. Cette proportion déjà élevée ne représente pas l’ensemble des personnes souffrant de troubles psychiatriques en prison, seulement les entrants présentant des troubles pré-existants à l’incarcération. Il faut y ajouter tout ceux ayant subis des « psychoses réactionnelles »37 liées à la pathogénicité de la prison. Il ne faut donc pas se limiter aux entrants présentant des troubles mais à l’ensemble des personnes suivies par les services psychiatriques de prison.
Une enquête épidémiologique sur la santé mentale des détenus en date de 200438 révèle que 8 détenus sur 10 présentent au moins un trouble psychiatrique.
Qu’est-ce qu’un trouble mental? La classification internationale des maladies (CIM 10) regroupe entre autre comme troubles mentaux: Les troubles mentaux ou du comportement dus à l’usage de psychotropes, les troubles schizotypiques et délirants, les troubles de l’humeur (troubles dépressifs, troubles bipolaire, etc...), les troubles névrotiques (troubles anxieux, phobiques, obsessionnel-compulsif, etc...), les troubles de la personnalité et du comportement et les retards mentaux.
Les résultats des diverses enquêtes réalisées sur le sujet divergent plus ou moins. Voici donc les résultats d’une étude internationale réalisée par Senna Fazel et John Danesh39 reprenant les résultats de 62 publications internationales, portant sur 22 790 détenus de 12 pays occidentaux, les résultats de l’enquête épidémiologique portant sur la santé mentale des détenus conjointement menée par la direction générale de la santé et de l’administration pénitentiaire française dont les résultats ont été rendus en 2004, portant sur 799 détenus de 23 établissements pénitentiaires français et les résultats de l’enquête de la DRESS de 2002 sur 2300 entrants en détention.
Troubles psychiatriques chez les hommes détenus.
Méta-analyse internationale de Fazel et Danesh, 2002 Enquête épidémiologique sur la santé mentale des détenus DGS/DAP, 2004 DRESS: la santé mentale et le suivi psychiatrique des détenus accueillis par les SMPR, 2002
Troubles psychotiques
3.7% (chroniques) 25% (dont 9% de schizophrénies) 8%
Troubles de l’humeur (dépressifs)
10% 38% 13%
Troubles du comportement et de la personnalité.
65% (dont 47% de personnalités antisociales.) 30% 36%
Ces résultats sont issus de méthodes d’investigation différentes et varient parfois fortement. Néanmoins, la sur-représentation des troubles psychiatriques en prison est avérée. Il y a 4 à 10 fois plus de psychotiques en prison que dans la population générale40. La répartition des pathologies en SMPR41 est elle-même très différente de celle rencontrée dans les secteurs de psychiatrie générale. Les troubles dépressifs et psychotiques sont largement supérieurs en psychiatrie. Il devrait y avoir 5 fois plus de psychotiques en prison si les pathologies étaient similaires. En revanche, les troubles de la personnalité sont 3 fois supérieur en prison qu’en psychiatrie générale et les dépendances 2 fois plus fréquentes42.
Une offre de soins décente serait donc différente de celle proposée dehors puisque il s’agit bien d’adapter les soins au public, et non pas l’inverse. Elle donnerait la priorité au traitement des troubles de la personnalité et du comportement et au traitement des conduites addictives. Nous verrons dans la deuxième partie que l’offre de soins proposée ne permet pas une prise en charge efficace du fait d’un manque de moyens et d’une insuffisante coordination entre les équipes psychiatriques pénitentiaires et celles de psychiatrie générale.
En attendant, la présence de malades en prison ne se réduit pas à une simple nosographie. Le nombre important et croissant d’incidents collectifs et individuels témoigne des carences sanitaires.
- 2.Du comportement agressif au suicide: manifestations des troubles mentaux
La vie en détention est marquée par de fréquents incidents. Ceux-ci sont divers et vont de l’agressivité envers un codétenu ou envers le personnel, au suicide, en passant par la tentative, les automutilations ou encore, moins spectaculaire, un repli sur soi.
Il est difficile de savoir quels comportements sont à attribuer à un trouble mental. Certaines actions sont avant tout constructives telles celles dont le but est d’exercer des pressions sur les autorités judiciaires, pénitentiaires ou politiques telles les grèves de la faim. Ces actions ne sont pas issues de pathologies mentales. En revanche, d’autres actions sont nettement plus destructives. La violence est une réponse à différents troubles, notamment lorsqu’elle est dirigée vers les autres codétenus ou vers le personnel. Les violences les plus graves et les plus représentatives de pathologies psychiatriques sont les violences faites par le détenu envers lui-même, comportements autoagressifs.
Les automutilations sont parmi les événements les plus fréquents en détention. Elles concernent surtout les jeunes détenus, présentant des troubles de la personnalité. Soit une section des veines, une amputation de membres, voire pour les plus extrêmes, ouverture de la paroi abdominale, suture des paupières ou de la bouche, perforation des muscles, soit l’ingestion de corps étrangers, de produits toxiques, etc..Le geste de mutilation se comprend comme une agressivité indirecte. La personne pourra livrer son organe mutilé à un magistrat ou un chef de détention, « l’autoagressivité n’a d’égale que l’agressivité projetée »43.
Les suicides et tentatives de suicides sont l’un des grands fléaux de la prison. Dans l’ensemble des pays industrialisés, le taux de suicide en prison est parfois plus de 11 fois supérieur que dans la population générale. 340 pour 100 000 en prison contre 44 pour 100 000 dans la population générale au Québec! 120 suicides ont été recensés dans les prisons françaises en 2003 soit un moyenne de 240 sur 100 000 contre 19 pour 100 000 dans la population générale (en 1997). Le nombre de suicide par ingestion de produit toxique a même été multiplié par presque 3 entre 1995 et 1997 car depuis 1995, les médicaments sont fournis sous forme solide, et non plus sous forme liquide (fioles) afin de responsabiliser les détenus dans la gestion de leur traitement.
Les jeunes font de nombreuses tentatives, plus des appels à l’aide que de réelles tentatives, et les plus vieux « réussissent » souvent dès le premier essai. Les tentatives ne sont pourtant pas à banaliser, de nombreuses études démontrent que les suicides « réussis » sont précédés de telles tentatives. Les passages à l’acte suicidaire sont donc à redouter particulièrement chez les personnes vulnérables, culpabilisées et seules subissant de plein fouet une décompensation réactionnelle à l’incarcération, notamment lors d’une première incarcération. L’une des mesures systématiquement prise par les surveillant est d’affecter un suicidaire potentiel avec un codétenu, voire deux.
Il existe heureusement un dispositif de soins psychiatriques en prison. Nous allons voir que s’il se révèle lacunaire et d’une efficacité relative, il n’en reste pas moins qu’il semble être l’une des moins mauvaises solutions. Il peut en revanche être détourné si aucune réforme pénale, nottament sur les pouvoirs des magistrats, n’est envisagée.
Partie 2: L’évolution de la prise en charge psychiatrique des détenus : de punir ou/et soigner à punir pour soigner.
[modifier]L’utilité d’un dispositif de soins psychiatriques en prison ne fait aucun doute. D’un dispositif originel basé sur un cloisonnement absolu entre le soin et la peine, nous sommes passés en France, face à la réalité des problèmes sanitaires « extérieurs », à un dispositif basé sur une logique de soins en prison (I). Ce dispositif est actuellement en pleine transition afin de répondre aux carences, ce qui pose la question de la nécessité d’une réforme de la procédure pénale, non pas seulement une amélioration du dispositif existant. (II)
I.La prise en charge psychiatrique des détenus: un dispositif varié à l’efficacité relative
[modifier]La proportion élevée de détenus atteints de troubles mentaux en prison et les problèmes qu’ils posent ou qu’ils poseront, ainsi que les nécessités éthiques imposent un dispositif adapté de soins psychiatriques, tant pour les malades déclarés responsables de leurs actes que pour les délinquants devenus (au moins) psychiquement vulnérables du fait de la détention. À problème complexe, réponse complexe. L’histoire nous montre les tâtonnements effectués dans la recherche d’un dispositif efficace d’orientation pénale et de prise en charge (A). Le résultat est un dispositif basé sur une coopération entre les institutions psychiatrique et carcérales (B). Pour autant, celui-ci n’est pas exempt de dysfonctionnement (C).
- A- Orientation pénale et offre de soins en prison: rappel historique.
- 1.Orientation pénale pour les personnes souffrant de troubles mentaux.
À divers moments de la procédure judiciaire, le prévenu, l’accusé (nous utiliserons le terme de prévenu) souffrant de troubles mentaux plus ou moins graves est susceptible d’être orienté vers une structure de soins.
Cette orientation se caractérise par l’absence de compétence quasi-absolue du juge pour adapter son jugement ou son absence de jugement à la pathologie rencontrée, si pathologie il y a.
Il est d’abord question de savoir si le prévenu peut être accessible à une sanction. C’est ce que prévoit l’article 122-1 du code pénal qui envisage deux cas de figure: la responsabilité pénale et l’irresponsabilité pénale.
Si le prévenu est déclaré irresponsable au sens de l’alinéa 1, un non lieu est prononcé (soit au cours de l’instruction, soit au cours du procès) et la procédure judiciaire s’arrête. Il n’y a pas de jugement. L’autorité administrative (le préfet) peut alors prononcer une mesure d’hospitalisation d’office au sens de l’article L3213-1 du code de la santé publique. Cet article permet l’internement « des personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l’ordre public ».
La personne dépend ensuite de l’établissement de santé habilité s’agissant de sa prise en charge. Il pourra s’agir d’un hôpital psychiatrique ou d’une unité pour malades difficiles.
Le code de procédure pénale française n’octroie aucun pouvoir au juge s’agissant des irresponsables. Ceux ci sont simplement ré-injectés dans la société, au préfet de prendre les mesures opportunes s’il juge nécessaire de le faire
Si le prévenu est déclaré responsable, il encourt les mêmes peines qu’un autre même s' il fait l’objet d’une responsabilité atténuée au sens de 122-1 alinéa 2. A ce stade, une injonction de soins peut être prononcée pour les délinquants sexuels. Le détenu sera incité au cours de sa détention à se faire traiter. Il peut refuser mais cela sera considéré comme un manque d’effort de réinsertion dont le juge d’application des peines peut tenir compte dans ses décisions de réduction de peine supplémentaire. En revanche, lors de la sortie, il devra s’y soumettre puisque l’injonction de soins est une des mesures du suivi socio-judiciaire dont le non respect est sanctionné par une peine d’enfermement.
Hormis pour les délinquants sexuels, la juridiction n’a pas plus de pouvoir et ne peut contraindre à des soins en détention, ni à un régime spécifique de détention.
Le condamné pourra être orienté vers divers dispositifs de soins une fois en détention si son état le nécessite. La prise en charge peut se faire en prison ou en établissement de santé. Celle-ci peut être sous forme ambulatoire ou sous forme d’une hospitalisation.
Il y a deux critères à prendre en compte pour la prise en charge: le consentement aux soins, propre aux personnels médicaux, et la compatibilité avec la détention propre aux personnels pénitentiaires.
Lorsqu’un détenu nécessitant des soins est consentant et que son état est compatible avec la détention, il peut bénéficier de soins ambulatoires dispensés par le SMPR44. Si nécessaire et si l’établissement pénitentiaire le permet, il pourra être hospitalisé au sein de ce SMPR. Si une hospitalisation interne n’est pas possible, le détenu peut être hospitalisé dans l’hôpital psychiatrique du secteur le temps de son traitement, comme tout autre malade.
Si le détenu ne consent pas aux soins, il n’aura pas de prise en charge. Ni soins ambulatoires, ni hospitalisation, sauf dans le cadre de la procédure d’hospitalisation d’office, l’article D.398 du CPP permettant une telle procédure pour les détenus dont l’état est incompatible avec le maintien en détention.
- 2.Hôpital psychiatrique et prison: du cloisonnement à la coopération.
L’histoire des rapports entre justice et santé, que ce soit au niveau de procès pénal ou au niveau de la gestion des détenus, est marquée par une intégration croissante du savoir psychiatrique.
Avec les lois de 1810 et 1835-45, l’offre de soins psychiatriques aux détenus était inexistante puisque inutile. Cette dichotomie marquait le point de départ d’une séparation radicale entre peine et soins, entre maladie et délinquants et il fallut attendre 1905 pour une réaction législative. Cependant, la prise de conscience intervint beaucoup plus tôt au sein des aliénistes du 19ème siècle. Il en est ainsi de Ballarger en 1844 et sa « note sur la fréquence de la folie chez les prisonniers », de Lelut en 1843, du rapport Pactet et Colin de 1876 ou celui de Constant en 1874. Dès l’époque, des chiffres inquiétants apparaissent. Lelut considère que la population des malades est 7 à 8 fois plus élevée en prison. Paul Sérieux avance le nombre de 3% de psychotiques en 190346.
En 1860, la société médico-psychologique développa la nécessité d’une prise en charge spécifique « des aliénés dangereux » et « criminels dangereux ». Ainsi, chacune des deux institutions présentait son dispositif de prise en charge de sa propre clientèle. D’un côté sera créé un quartier de sûreté à Villejuif, précurseur des futures unités pour malades difficiles (UMD) pour malades dangereux, et de l’autre, des établissements pénitentiaires accueillant des détenus malades et dangereux comme l’illustre l’ouverture du quartier pour aliénés criminels de Gaillon de 1876 à 1906.
C’est à cette époque qu’apparaît la circulaire Chaumié censée permettre aux magistrats d’adapter la peine et son quantum à ceux bénéficiant d’une responsabilité atténuée. Le choix est celui de la responsabilisation en l’existence d’une once de discernement au moment des faits. Dans cette optique, c’est à la justice de gérer ces personnes, d’abord par la pratique des magistrats qui peuvent en théorie réduire la durée des peines, ensuite par l’administration pénitentiaire qui doit proposer une régime carcéral adapté. C’est ainsi que vont pouvoir se succéder diverses initiatives afin de proposer des soins en prison, tout en entretenant une forte ambiguïté sur ce qu’est un traitement adapté.
L’établissement de Château- Thierry est à ce titre exemplaire. Il regroupe les « détenus en cours de peine signalés pour des troubles du comportement, du caractère, avec ou sans manifestations psychopathiques, détenus qui se sont montrés réfractaires à la vie en communauté et au traitement proposé ». L’institution pénitentiaire se dote ainsi d’un établissement spécifique non pas aux malades mentaux mais à tout détenu « réfractaires ». Difficile d’envisager la spécificité d’un régime de détention quant celui ci est prévu pour deux publics différents, sauf à considérer qu’au delà de leurs quelconques pathologies, ils sont avant tout nuisibles au bon fonctionnement d’une prison, ce qui est clairement l’orientation choisie en l’espèce.
Il faut attendre 1927 pour que des actions significatives soient entreprises. Une consultation psychiatrique pour les entrants est ainsi mise en place à la centrale de Loos-les-Lilles aux fins de dépistage des troubles mentaux. On peut y voir les prémisses d’actions préventives et non pas consécutives à un trouble du comportement en détention. En 1936, des services d’examens psychiatrique sont crées à Fresnes, la Santé et la petite Roquette.
La méthode change. La priorité reste toujours le bon fonctionnement de la prison, mais pour des raisons d’efficacité, il est décidé de prévenir autant que possible, et de traiter sur place.
C’est après la guerre que le sanitaire va prendre la place qui lui était due en prison. La réforme Amor s’accompagna d’une attention particulière à ceux considérés comme anormaux mentaux « qui doi[vent] retenir notre attention non seulement parce qu’il est juste de leur donner les soins que réclame leur état mais parce que de toute évidence, ils sont à la sortie de prison un facteur de récidive ». C’est l’affirmation de l’utilité de la psychiatrie comme outil de réforme morale47. Et pour cela, la réforme prévoit que dans chaque établissements devra fonctionner un service médico-psychologique.
La priorité devient la prévention de la récidive par le soin. Vingt quatre annexes psychiatriques étaient programmées, 14 virent le jour puis fermèrent pour la plupart faute de moyens. Le personnel médical y était vacataire et dépendait de l’administration pénitentiaire, celle ci gérant donc ses détenus, ses malades et son personnel soignant. Puis à l’initiative de Paul Hivert, directeur de la prison de la Santé, un centre médico psychologique régional (CMPR) expérimental voit le jour aux fins de dépistages des pathologies psychiatriques des entrants. En 1967, une circulaire du 30 juillet envisage d’étendre les CMPR et d’en porter le nombre à 17 tout en envisageant la possibilité que ceux ci soient gérés par les hôpitaux de proximité, en fait, en relation avec eux simplement. La circulaire de 1967 fut crée sans concertations avec le ministère de la santé et les personnels médicaux restaient sous autorité du chef d’établissement. Ainsi « l’administration fait cavalier seul »48.
C’est en 1977 que la coopération intervient à l’initiative de Simone Veil qui par une circulaire interministérielle confie les CMPR au champs sanitaire. Désormais, on ne parle plus de psychiatrie en prison mais de secteurs de psychiatrie en prison gérés par les hôpitaux psychiatriques. C’est le début d’actions coopératives entre santé et pénitentiaire.
En 1986, les CMPR deviennent les SMPR (secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire) et seront implantés dans l’ensemble en maison d’arrêt où la demande est la plus forte avec pour mission la prévention et le soin. Les SMPR font encore partie du dispositif actuel de prise en charge psychiatrique.
Depuis 1994, l’implication du secteur hospitalier est plus forte encore puisqu’une loi du 18 Janvier confie aux hôpitaux de proximité les actions de santé à mener dans les établissements. Le statut des personnels soignant évolue et ceux qui relevaient de l’administration pénitentiaire ont la possibilité d’être intégrés aux établissements de santé et de rejoindre ainsi la fonction publique hospitalière. Chaque établissement pénitentiaire établi avec l’hôpital du secteur un protocole fixant les modalités d’intervention les modalités des interventions hospitalières tant en médecine somatique qu’en médecine psychiatrique. Cette réaction législative fait suite aux travaux de la commission Chodorge qui faisait un constat nuancé de l’efficacité du dispositif de soins existants et constatait que l’administration pénitentiaire était incapable de faire face seule à la prise en charge sanitaire des détenus eu égard aux problèmes que cela soulevait (notamment avec le développement du SIDA) et au nombre croissant de détenus touchés par des affections mentales.
De punir ou soigner, le débat a évolué pour passer à punir et soigner. Le dispositif que nous allons étudier est basé sur un partenariat entre administration pénitentiaire et hôpital psychiatrique. Ce partenariat est présent dès les premières phases d’une procédure judiciaire, en cours d’instruction, jusqu’à l ’exécution de la peine d’enfermement.
- B- Un dispositif progressif et varié de prise en charge psychiatrique.
Grâce à un partenariat entre hôpital et prison, les détenus peuvent accéder à divers lieux et types de soins. L’accès est fonction de la gravité de sa situation mentale et se fait soit en milieu pénitentiaire, soit en milieu hospitalier, tant pour les prévenus que pour les condamnés.
- 1.Les soins psychiatriques en milieu pénitentiaire.
Les prestation de soins en prison reposent sur 3 objectifs: une action de prévention et d’accueil des détenus entrants, une offre de soins ambulatoires et à temps partiel et une possibilité d’hospitalisation.
Les prestations de prévention et d’accueil pour entrants: tous les arrivant bénéficient dès les premiers jours de leur arrivée d’un entretient d’accueil avec l’équipe psychiatrique intervenant dans l’établissement. Ces entretiens permettent d’abord de faire découvrir au détenu les prestation de soins psychiatriques offertes et susciter une future demande de soins de sa part. Ces entretiens sont également l’occasion de repérer leurs troubles psychiques et le cas échéant de proposer des soins adaptés, de détecter les conduites abusives d’alcool, drogue ou médicaments. C’est enfin l’occasion de détecter les risques suicidaires, problème majeur en prison.
Une offre de soins ambulatoire et à temps partiel: les soins proposés en prison sont à l’image de ceux proposés à la population libre. Ils peuvent bénéficier de consultations, de prescriptions médicamenteuses, d’entretiens individuels ou de groupe. Diverses activités thérapeutiques sont proposées comme l’aide à la restauration de l’image de soi, à la prise de confiance, à l’autonomie, particulièrement adaptées à la population pénale. Ces activités peuvent avoir pour « but de rechercher et de potentialiser les capacités socio-professionnelles des patients »49, la réinsertion par le travail étant devenue la norme en matière de prévention de la récidive. Plus largement ce sont des activités de mise en situation orientées sur la relation du patient à autrui. Des entretiens familiaux ou des psychothérapies familiales peuvent également être réalisés, le droit au maintient des liens familiaux étant l’un des plus importants qualitativement et quantitativement pour les détenus.
Les soins thérapeutiques ou médicamenteux sont dispensés par le SMPR, structure de référence en établissement pénitentiaire s’agissant de la santé mentale. Il est le lieu d’accueil pour les détenus du secteur dont il relève.
Les SMPR sont au nombre de 26 pour un total de 188 établissements pénitentiaire, composés au minimum d’un psychiatre et d’une équipe pluridisciplinaire.
Une équipe SMPR peut intervenir dans un autre établissement pénitentiaire du secteur en constituant une antenne SMPR. La prise en charge y est alors uniquement ambulatoire et à temps partiel. S’ il n’y a ni SMPR ni antenne SMPR, l’unité de consultation et de soins ambulatoires (UCSA) chargée des soins somatiques se chargera des soins de santé mentale dans la limite de ses moyens.
Les missions du SMPR sont définies par l’arrêté du 14 décembre 1986 comme suit:
- .Mettre en œuvre toute action de prévention, de diagnostic et de soins médico-psychologiques régionaux au bénéfice de l’ensemble de la population incarcérée dans l’établissement où il est implanté.
- .Prodiguer les traitements psychiatriques intensifs et appropriés à tout détenu qui le nécessite, à l’exception des patients présentant des troubles mentaux incompatibles avec leur maintien en détention (art. D398 CPP).
- .Préparer le cas échéant, un suivi après l’incarcération en coordination avec les équipes de secteur de psychiatrie générale.
- .Assurer une mission de lutte contre l’alcoolisme et la toxicomanie.
- .Coordonner les prestations de santé mentale du secteur de psychiatrie en milieu pénitentiaire, etc.
Les soins en milieu pénitentiaire peuvent également impliquer une hospitalisation. Celle ci est possible dans les établissements pénitentiaires dotés d’un SMPR et permettant une prise en charge à temps complet. Les détenus hospitalisés sont alors transférés au sein d’une aile de détention leur étant réservé et obéissant à un régime sécuritaire de type maison d’arrêt, soit des contraintes carcérales plus fortes pour ceux venant d’un centre de détention. Les surveillants affectés à ces unités le sont sur la base du volontariat et bénéficient d’une formation adéquate à ce type de public. Les détenus évoluent alors le plus souvent en vase clos, n’étant pas mélangés dans la mesure du possible aux autres détenus, notamment pour les promenades où une cour spécifique leur est attribuée. Le personnel soignant s’y rend tous les jours pour faire un bilan de la situation, notamment sur ce qui a pu se passer durant la nuit (le personnel médical étant présent de jour uniquement) et pour y dispenser les soins.
- 2.Les soins aux détenus en milieu hospitalier.
Les soins proposés en milieu fermé peuvent ne pas être suffisants, notamment face au faible nombre de SMPR par rapport au nombre d’établissements. Les détenus peuvent donc accéder en certains cas au secteur de psychiatrie générale et être hospitalisés en établissement habilité, hôpital psychiatrique ou en unité pour malades difficiles (UMD).
Les établissements de santé reçoivent les détenus lorsque ceux ci présentent un état mental tel que le maintien en détention n’est pas approprié (art. D398 CPP). Au titre de l’article L.3213-1 du CSP, ils peuvent être hospitalisés d’office par arrêté préfectoral. L’hôpital devra alors le gérer comme tout malade et lui dispenser les soins appropriés. Cela étant fait, le détenu repart en détention.
Les unités hospitalières psychiatriques peuvent être inadaptées à certaines pathologies, eu égard à la dangerosité du malade. Ils sont alors transférés en UMD au titre de l’hospitalisation d’office.« Ils doivent présenter pour autrui un danger tel qu’ils nécessitent des protocoles thérapeutiques intensifs adaptés et des mesures de sûreté particulières, cet état de dangerosité psychiatrique majeure certaine ou imminente étant incompatible avec leur maintien dans une unité d’hospitalisation habilitée à accueillir des malades mentaux hospitalisés sans leur consentement »50. Les UMD ont à leur charge la double mission sanitaire et sécuritaire. Elles sont au nombre de quatre en France (Cadillac, Montfavet, Villejuif, Sarreguemines).
La prise en charge psychiatrique des détenus est à l’heure actuelle en pleine transition. En effet, la loi d’orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002 prévoit dans son article 48 la création d’unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA)51. Ces unités auront un impact sur l’orientation de l’offre de soins en prison et sur leur prise en charge lors d’hospitalisations.
- C- L’efficacité relative du dispositif de soins
- 1.Une offre de soins insuffisante et inégalement répartie en prison.
A priori, les moyens consacrés à la psychiatrie en prison sont suffisants. Toutes proportions gardées, il y a 28 fois plus de personnel médical en milieu pénitentiaire que dans les secteurs de psychiatrie générale. Mais la demande est beaucoup plus forte, 10 fois supérieure à celle de la population générale. L’étude de Septembre 2005 sur la prise en charge de la santé mentale des détenus effectuée par la DRESS rapporte que vu le nombre de patients pris en charge en détention, les moyens en personnels mobilisés par les SMPR apparaissent inférieurs à ceux observés en psychiatrie générale.
Comparé à la population générale, le dispositif de soins pour détenus est insuffisant et donc inégalitaire.
Il est également inégalitaire d’un établissement pénitentiaire à un autre. Seul 1 établissement pénitentiaire sur 7 dispose d’un SMPR, les autres disposant soit d’annexes SMPR, soit de secteurs de psychiatrie générale. Or la prise en charge sanitaire dans un établissement doté en SMPR diffère sensiblement avec celle d’un établissement n’en disposant pas. Un SMPR propose comme nous l’avons vu précédemment une prise en charge ambulatoire ou temps partiel voir une hospitalisation. Les soins incluent des prescriptions médicamenteuses et des activités et ateliers thérapeutiques principalement, ces derniers étant essentiels dans un suivi psychiatrique ou psychologique. Or la même étude de la DRESS montre que seuls 30% des secteurs de psychiatrie générale mènent des activités de groupe au sein des établissements. Plus largement, les SMPR, proposant leur prise en charge à tous détenus de leur secteur, n’allouent que 3% de leur temps (séances ou journées de prise en charge ambulatoire ou à temps partiel) aux détenus relevant d’un autre établissement pénitentiaire que celui dans lequel le SMPR est implanté. Cela s’explique en partie par les nombreux transferts requis et qui restent peu fréquents. C’est donc une prise en charge à double vitesse, pour ne pas dire triple, entre les établissements dotés en équipes SMPR (SMPR ou annexes SMPR) et ceux dépendant du secteur de psychiatrie générale.
De plus, dans les établissements dotés en SMPR, la demande de soins est 3 fois supérieure à ceux non dotés. Cela peut s’expliquer de plusieurs manières. La demande est plus forte car la population le nécessite, en effet, la quasi totalité des SMPR se situe en maison d’arrêt, lieu d’incarcération où le caractère pathogène est plus à même de se manifester. La demande est également plus forte du fait d’une plus grande facilité d’accès. Enfin, la demande est plus forte du fait de l’instrumentalisation par les détenus dont peuvent être victimes les personnels soignants. En effet, nombre de détenus sont dépendants à diverses substances psycho-actives et en sont très demandeurs. Les trafics internes alimentent cette demande. Cette importante charge de travail peut entraver le suivi des détenus relevant d’un autre établissement.
La mission des SMPR est également d’assurer un suivi post-pénal. Il ne concerne que peu de détenus( 4% de ceux suivis plus d’une fois en SMPR52) et pour ceux là, il reste limité. Il s’organise à l’extérieur via les centres médico- psychologiques (CMP) qui mettent à disposition un local pour les consultations. Mais il s’agit plus d’une continuité du suivi par les équipes carcérales qu’un réel passage de relais à l’équipe de secteur. Quand bien même les équipes pénitentiaires le voudraient, elles ne pourraient suivre indéfiniment le détenu à sa sortie, notamment les pathologies chroniques. Il est nécessaire que cette population fragile et fragilisée soit captée par un dispositif de soins spécifique une fois à l’extérieur et non pas qu’elle soit simplement réinjectée dans le circuit sanitaire commun, circuit qui peine à réaliser de réel suivis.
Le plan santé mentale 2005-2008 mis en place par le ministère de la santé ne prévoit rien de particulier à un suivi post-pénal. Il se borne à mettre en avant la nécessité de réunions régulières des commissions de coordination regroupant les responsables pénitentiaires et sanitaires dans chaque établissements pénitentiaires.
Enfin, si ce n’est pas forcément un facteur de dysfonctionnement, la qualité des relations entre personnels soignants et de surveillance est, comme dans toute activité nécessitant coopération, importante. Il s’agit ici de deux corps de métier amenés à travailler ensemble mais dont les missions divergent radicalement. La relation dépend bien sur des hommes et femmes qui composent les équipes. Elle est bien souvent cordiale, mais guère plus et des tensions peuvent apparaître entre personnels notamment lorsqu’il s’agit d’aborder le sujet du secret médical. Il est absolu pour l’équipe pénitentiaire, et ne devrait être que relatif de l’avis des surveillants, ceci pour éviter tant que faire se peut de s’exposer à des détenus potentiellement violent. Une incompréhension peut s’installer et durer.
- 2.Les difficiles conditions d’hospitalisation en hôpital psychiatrique.
L’hospitalisation sans consentement des personnes détenues dans les secteurs de psychiatrie générale est rendue difficile par l’inadaptation du service public hospitalier à gérer des détenus.
Il y a d’abord une inadéquation entre les besoins et l’offre, surtout d’une région administrative à une autre où la démographie de psychiatres peut varier considérablement. L’administration pénitentiaire doit d’abord faire face à la politique de sectorisation psychiatrique et le mouvement de désinstitutionnalisation. Moins de places, moins de personnels et des institutions « qui mettent en avant leur ouverture pour justifier leur réticence à l’accueil des détenus car ils ne sont pas équipés »53. L’hôpital est ouvert et doit donc adapter son mode de fonctionnement à la présence de détenus au sein de son service pour prévenir les risques d’évasions, d’autant que ces détenus ne sont pas surveillés par des personnels de police ou de gendarmerie contrairement aux détenus hospitalisés pour des soins somatiques (art. D398 CPP).
Les personnels médicaux doivent concilier une mission de soins et une mission de surveillance, mission qui n’est plus la leur depuis plusieurs décennies. Ils doivent en outre faire face au sentiment de dangerosité criminologique qu’inspirent ces personnes.
Cette dualité de missions a une conséquence sur les soins dispensés aux détenus. Le temps d’hospitalisation annuel est plus court en moyenne pour la population pénale (23 jours) que pour la population générale (45 jours)54 . La qualité des soins s’en ressent, surtout si la motivation des personnels soignants est affectée par la qualité de délinquant de ces personnes. L’hospitalisation en hôpital psychiatrique se borne alors à jouer le rôle de soupape, gérant une crise aiguë de courte durée, jusqu’à la prochaine fois...
Parallèlement, en 10 ans, les hospitalisations sans consentement des personnes détenues ont été multipliées par 1555.
Il est donc d’actualité de se pencher sur ce problème qui s’amplifie. La mise en place des futures UHSA56 est une réponse.
L’hospitalisation en UMD est également problématique. Au nombre de 4, leur nombre est limité, et le nombre de lits est actuellement en diminution. Les UMD n’étant pas réservées aux détenus, ceux-ci ne sont pas prioritaires pour y être affectés. Ils doivent d’abord être hospitalisés en hôpital psychiatrique pendant plusieurs semaines ou plusieurs mois avant d’être admis en UMD, «ce qui majore les risques d’évasions ou d’agressions »57.
Dans sa tendance à responsabiliser les malades mentaux, la France a mis en place un dispositif dual, permettant d’offrir des soins en prison. Elle a d’abord refusé de choisir entre le soin et la peine puis a décidé de conjuguer les deux en soignant au cours de la peine. La conséquence en est un dispositif hésitant entre prison et hôpital, dont les témoins en sont les incessants transferts, sorte de partie de ping pong où le but est de déclarer l’autre compétent face à sa propre incompétence. Pour y remédier, le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a décidé de changer d’orientation en créant une structure intermédiaire entre prison et hôpital et doter ainsi la justice d’un dispositif de soins adéquat.
II.L’inutile évolution sanitaire sans réforme de la procédure pénale.
[modifier]Le traitement des malades mentaux par la justice est actuellement en pleine transition avec la mise en place des unités hospitalières spécialement aménagées. Il est intéressant d’analyser cette orientation choisie avec les mesures proposées par nos voisins européens afin de voir où l’on se dirige (A). Outre l’efficacité indéniable que cela pourrait apporter, se pose le problème de la crainte d’une dérive: punir pour soigner. Un telle dérive n’est pourtant à craindre que si ces unités sont mises en place sans aucune réforme de la procédure pénale (B).
- A- Les législations étrangères: un modèle à suivre?
Les juridictions françaises n’ont pas compétence s’agissant de prononcer des mesures spécifiques à l’encontre des délinquants atteints de troubles mentaux. En effet, l’article 122-1 alinéa 2 CPP instaurant la responsabilité atténuée est, pour le moment, vide de sens puisque non suivi d’effets. L’atténuation de responsabilité ne correspond ni à une atténuation de peine (au contraire), ni à une atténuation du régime de détention. En France, le traitement des délinquants malades incombe à l’administration pénitentiaire en partenariat avec le service public hospitalier.
Ce n’est pas la cas dans nombre de pays étrangers58 qui ont tous fait le choix de laisser la juridiction pénale décider des mesures applicables aux délinquants atteints de troubles mentaux et tous ont donc prévu des mesures spécifiques pour ces personnes.
- 1.Les divergences quant à la définition de l’irresponsabilité pénale.
L’exemple de la Suède est particulièrement intéressant puisque l’irresponsabilité pénale des malades mentaux a été supprimée en 1962. Les troubles mentaux sont seulement considérés comme des circonstances atténuantes, non pas comme une cause d’annulation de la procédure.
Pourtant la Suède n’a pas choisi d’enfermer ceux qu’elle responsabilisait puisque le juge pénal ne peut prononcer de peine de prison à leur encontre et ils pourront être placés sous surveillance judiciaire notamment et pourront être placés en établissement psychiatrique dans les cas les plus graves. C’est une manière de capter judiciairement la population « irresponsable ». En France, le placement sous surveillance judiciaire n’existe pas pour les irresponsables et un placement en hôpital après déclaration d’irresponsabilité est laissé au libre choix du préfet. 59
A l’exception de la Suède, la plupart des autres pays européens ont conservé l’irresponsabilité pénale des malades mentaux. Seule diverge la définition du trouble cause d’irresponsabilité.
Au Danemark, l’article 16 du Code Pénal est ainsi rédigé:
« Les personnes qui, au moment des faits ne jouissaient pas de la plénitude de leurs facultés, à cause d’une maladie mentale ne sont pas punies. (...) »
Sont irresponsables ceux dont les facultés mentales ne sont pas entières. En France, sont irresponsables ceux dont les facultés mentales de discernement sont abolies. C’est donc le raisonnement inverse qui s’applique au Danemark et leur article 16 prévoyant l’irresponsabilité correspond à notre article 122-1 alinéa 2 prévoyant la responsabilité atténuée.
Le juge danois peut même s’abstenir de punir les personnes ne relevant pas de l’article 16 qui ont commis une infraction alors qu’elles se trouvaient dans un état passager proche de la déficience mentale ou du trouble psychique (art. 69 CP).
De même, aux Pays-Bas, l’article 39 du code pénal permet de prononcer l’irresponsabilité pénale pour cause de déficience psychique, soit à cause d’une altération des facultés mentales, soit à cause d’une maladie.
En revanche, les autres législations étrangères (Allemagne, Angleterre, espagne, Italie) suivent la définition française du trouble mental cause d’irresponsabilité pénale.
- 2.La compétence des juges pénaux européens pour appliquer des mesures spécifiques aux délinquants atteints de troubles mentaux
Contrairement à la France, les autres pays européens ont doté leurs juges pénaux d’un réel pouvoir envers ces personnes, que ce soit pour les irresponsables ou les responsables.
Tout d’abord, lorsque la notion de responsabilité atténuée existe, une réduction de peine est possible. Elle est facultative en France et en Allemagne. Elle est obligatoire en Espagne et en Italie. Au Danemark, c’est la peine elle même qui est facultative.
Ensuite, lorsque la personne est déclarée irresponsable pénalement, le juge pénal peut prononcer certaines mesures à son encontre mais qui ne sont pas des sanctions pénales.
En Allemagne, le juge peut prononcer une mesure de « rééducation et de sûreté ». Ce sont des mesures préventives pouvant être d’ordre éducatives (placement dans un établissement d’enseignement spécialisé), curatives (placement en hôpital psychiatrique ou dans un centre de désintoxication) ou protectrices (interdiction professionnelle). Quand il est déclaré responsable pénalement, ces mesures sont prononçables à titre complémentaire. Le placement en hôpital psychiatrique est subordonné à trois conditions: l’auteur de l’infraction représente un réel danger, il peut recommencer, ce danger est lié à l’état mental. La durée du placement en hôpital n’est pas pré-déterminé puisque ce n’est pas une peine. Lorsqu’il sortira, il sera suivi et placé sous un régime de mise à l’épreuve et diverses obligations lui sont imposées par le juge (interdiction de lieu, d’activités, etc...). Le bon déroulement est suivi par un travailleur social chargé du suivi socio-judiciaire.
Au Danemark, des mesures préventives sont également prononçables comme une obligation de travailler dans un lieu donné, un suivi médical obligatoire ou un placement en établissement de santé, ouvert ou fermé. Si la dangerosité est avérée, les mesures peuvent être prononcées pour une durée indéterminée.
En Italie, les irresponsables sont acquittés et internés dans un centre psychiatrique spécialisé su la dangerosité le justifie. Une durée minimale d’internement est prévue: 10 ans pour un délit punissable de la réclusion à perpétuité, 5 ans pour un délit punissable d’au moins 10 ans, 2 ans pour un délit punissable d’au moins 2 ans.
Au Pays-Bas, outre un placement en hôpital psychiatrique, le juge peut prononcer une mesure judiciaire de « mise à disposition ». Cette mesure consiste à placer ces personnes dans des établissements spécialisés, sécurisés.
Toutes ces mesures ont en point commun le fait de garder une main judiciaire au dessus de ces malades. Elles ont également le point commun de créer des structures intermédiaires de soins sécurisées. Le juge n’est pas tenté de prononcer une peine pour faire accéder le délinquant à un dispositif de soins en prison puisque avec ces établissements il ne prend pas le risque de le soumettre aux conditions « normales » de vie carcérale et ne prend pas non plus le risque de le laisser aux seules mains du service public hospitalier et au régime commun de soins.
En Belgique, dès 1930, une loi qui allait dans ce sens fut promulguée et précisait:
« le délinquant reconnu atteint d’anormalité mentale échappe désormais à la sanction proprement dite. Il fera l’objet de mesures thérapeutiques et éducatives qui ne prendront fin que lorsque son état sera jugé suffisamment amélioré pour lui permettre de rentrer sans danger dans la Société; d’autre part, si, à l’expiration du terme de cette sentence, l’état de l’anormal justifiait la continuation de son internement, il peut être prolongé. » Cette loi permettait d’enfermer les malades délinquants pour une durée indéterminée dans un établissement spécialisé, non pas par le biais du préfet comme en France mais par le biais de la justice.
Mais de telles institutions intermédiaires, si elles séduisent par l’aspect sécurisant qu’elles apportent ne sont pas forcément la panacée à la prise en charge des détenus malades et malades délinquants. « En Allemagne, en Italie, en Hollande se sont ainsi constituées, par le biais de telles législations, des institutions dont la mission excède largement celle des unités pour malades difficiles en France et qui assument l’intégralité du contrôle social décidé par voie de justice. Cette orientation est loin d’avoir fait ses preuves, comme en témoigne la faillite des hôpitaux psychiatriques judiciaires italiens ou des instituts de défense sociale belges. »60
Notre histoire basée sur une forte opposition entre « fous » et criminels n’a pas permis la création de telles institutions, à l’exception de l’établissement de Château-Thierry précédemment évoqué. Cela n’est pas allé plus loin du fait de l’impossibilité des magistrats français à prononcer une quelconque mesure sanitaire à l’encontre de ces personnes, contribuant ainsi au cloisonnement entre hôpital psychiatrique et prison.
Ce n’est toujours pas l’orientation choisie par la France. Plutôt que de faire du magistrat l’acteur intermédiaire entre ces deux institutions, le choix est fait de faire assumer ce rôle à la prison en persistant dans la voie précédemment engagée, en mettant en place des unités hospitalières spécialement aménagées pour accueillir les détenus malades, consentants ou non.
- B-Les UHSA: comment répondre de façon trop simple à un problème complexe
La loi n°2002-1138 du 9 septembre 2002 d’orientation et de programmation de la justice, dite loi Perben 1, prévoit, dans son article 48, la mise en place d’un dispositif d’hospitalisation des détenus atteints de troubles mentaux, avec ou sans leur consentement dans des unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA). Outre l’efficacité indéniable que ces unités peuvent apporter, elles ne sont pas sans poser certains problèmes éthiques, de même que leur efficacité pourrait être affecté si aucune réforme pénale n’est proposée.
- 1.Les UHSA pour pallier les carences de prise en charge sanitaire des détenus atteints de troubles mentaux.
L’article 48 modifie le code de la santé publique comme suit (entre autre):
« art. L.3214-1: L’hospitalisation, avec ou sans consentement, d’une personne détenue atteinte de troubles mentaux est réalisée dans un établissement de santé au sein d’une unité spécialement aménagée »
« dans l’attente de la prise en charge par les unités hospitalières spécialement aménagées (...) l’hospitalisation des personnes détenues atteintes de troubles mentaux continue d’être assurée par un service médico-psychologique régional ou un établissement de santé (...) »
Ces unités sont une réponse à la morbidité psychiatrique en milieu pénitentiaire et permettraient d’accueillir en établissement de santé l’ensemble des hospitalisations pour troubles mentaux des personnes détenues malades.
Les UHSA auront vocation à prendre en charge l’ensemble des hospitalisations des détenus nécessitant des soins psychiatriques, soit les hospitalisations avec consentement, celles d’office et désormais les hospitalisations sur la demande d’un tiers. Ainsi, pourront être hospitalisés les détenus souffrant de troubles mentaux et non consentants mais qui pour autant, ne compromettent pas l’ordre public. Dans l’attente de la prise en charge par une des ces unités, les détenus sont hospitalisés en établissement de santé ou en SMPR.
L’avantage indéniable est la sécurité offerte aux personnels soignants qui n’auront plus à s’occuper de la sécurité, celle-ci étant assumée par l’administration pénitentiaire. Leur mise en place devrait permettre aux SMPR de se recentrer sur la prise en charge ambulatoire. 300 lits étaient initialement prévus, 450 seront crées dès 2008 puis 250 lits supplémentaires en 2010 pour un total de 700 places, soit 19 UHSA. Ces unités seront principalement implantées en zone urbaine où la démographie pénitentiaire est la plus forte.
Ainsi, contrairement à nos voisins européens, le choix français est celui d’une structure carcérale au sein de l’hôpital, non pas une structure spécifique, prévue notamment pour les malades responsabilisés. C’est surtout le choix de profiter des infrastructures existantes. La réponse proposée est judicieuse sur le fond car elle répond concrètement au problème de l’hospitalisation des détenus et permet ainsi de décharger les SMPR d’un certain nombre de détenus. Pourtant la réponse n’est à priori pas adaptée car elle souffre d’avance d’un manque de moyens et surtout, elle ne permet pas de traiter le problème à l’une de ses nombreuses source, et non la moindre: la procédure pénale. Le problème est global et la solution proposée est spécifique.
- 2.Insuffisances et dérives potentielles: évaluation prévisible de l’orientation choisie en matière de prise en charge sanitaire des détenus atteints de troubles mentaux.
Dans un rapport de l’observatoire international des prisons en date de février 2006, le commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe émet des réserves sur le projet de création des UHSA. Tout d’abord, des réserves sur les moyens alloués. 700 places pour un moyenne de 1800 détenus hospitalisés sous le régime de l’hospitalisation d’office, sachant que ces unités seront en outre amenées à recevoir des détenus hospitalisés sur demande d’un tiers, sans condition de dangerosité. Il sera donc plus facile d’y envoyer des détenus qu’ auparavant alors que les places sont d’avance en nombre insuffisant.« Dès lors, je comprends parfaitement les craintes exprimées par mes interlocuteurs quant à la faisabilité de ce projet risquant, selon eux, de ne créer qu’un effet d’annonce »61.
Autre problème, la loi Perben 1 reconnaît explicitement le manque de place dans ces unités et prévoit la prise en charge de ceux attendant d’y être transférés. Ces derniers seront donc admis en SMPR ou en établissement de santé. Les UHSA sont pourtant instituées pour mettre fin à l’hospitalisation des détenus selon le régime commun de prise en charge psychiatrique. Ce n’est qu’une réponse partielle au problème de la prise en charge de ces détenus en hôpital général.
Mais outre ces soucis techniques, la mise en place des UHSA pose de sérieux problèmes éthiques. Certains n’hésitent pas à parler d’entérinement du principe d’incarcération des malades mentaux62.
L’objectif de ces unités est de pouvoir mieux traiter les détenus souffrant de grave pathologies et nécessitant bien plus qu’une simple offre ambulatoire en prison. Ces graves pathologies sont souvent des pathologies psychotiques, des schizophrénies et autres pathologies délirantes. Souvent pré-existantes à l’incarcération, seule une expertise psychiatrique en cour de procédure pénale permettrait d’éviter qu’ils se retrouvent en prison. Mais nous l’avons vu, les expertises sont loin d’être systématiques. De plus l’article 122-1 CP est suffisamment sévère pour qu’une expertise, quand elle a lieu, ne puisse conduire à une déclaration d’irresponsabilité. Ainsi, il n’y pas que peu de barrières chargées de filtrer ces malades. Et voilà qu’on officialise un dispositif particulièrement adapté à ces pathologies. Il est donc encore plus intéressant pour le magistrat de faire d’une pierre deux coups et de faire valoir son seul droit, celui d’incarcérer.
Car nous l’avons vu, le juge pénal français n’a pas d’alternative pour ces personnes. Il ne peut pas choisir entre le soin ou la prison pour la simple raison qu’il ne peut choisir le soin. Il ne peut imposer un quelconque suivi psychiatrique ni une hospitalisation d’office. Il peut cependant le faire indirectement via la prison puisque s’il ne peut en être sûr, il sait que la probabilité pour qu’un malade soit pris en charge par un dispositif sanitaire est plus forte en prison que dehors. Si la question est pour lui de savoir s’il faut punir ou soigner, la réponse pragmatique sera punir pour soigner. Ou quand la maladie redevient un critère d’incarcération.
Ce raisonnement est conforté par le discours de certains praticiens psychiatres pour qui la prison offre le cadre sécurisant, pour qui la loi a une valeur thérapeutique en ce sens où elle ramène au réel, face à certaines pathologies confusionnelles de type schizophréniques ou l’irréel prend régulièrement le pas sur le réel. La peine de prison prendrait alors toute son importance et son utilité pallierait à l’absence de structuration dont auraient besoins certains malades.
Autre problème, celui du consentement. Si les UHSA peuvent se révéler fort pratiques pour les détenus consentants, le fait de contraindre certains aux soins peut se révéler contradictoire. Un détenu pourra y être hospitalisé sur demande d’un tiers sans qu’une dangerosité motive cette décision. Le seul critère de son impossibilité à consentir peut suffire. On reconnaît à ce stade qu’ils ne sont pas suffisamment sain d’esprit pour consentir ou non à des soins alors qu’on a reconnu durant le procès pénal qu’ils étaient suffisamment sain d’esprit pour assumer et comprendre la portée de leurs actes63.
Des dérives sont à craindre, pourtant, il semble que ce soit la solution du moindre mal. Un cloisonnement entre hôpital et prison ne fonctionne pas puisque se dégage forcément une population intermédiaire qui si elle peut trouver sa place dans les deux institutions, peut surtout ne pas s’y retrouver. C’est l’exemple de ce qu’a connu la France au 19ème siècle64.
Solution inverse, la création d’une structure intermédiaire pour prendre en charge cette population intermédiaire. Une structure ne profitant ni des locaux de la prison, ni des locaux de l’hôpital, possédant son personnel de soins et de surveillance, son propre parc immobilier, « gérée » par un conseil composé à part égale de membres du corps médical comme de l’administration pénitentiaire. Y seraient envoyées toutes personnes condamnées au titre de la responsabilité atténuée et tout détenu frappé par la maladie en cour de détention. Un tel lieu se révélerait à terme aussi peu efficace que la prison « classique » dans la gestion de ses détenus malades: en effet, pour les détenus « tombés malade » en cours de détention, cette structure ne proposerait pas un régime carcéral plus souple, n’endosserait pas le rôle de soupape de sécurité de la cocotte-minute prison. Les nombreuses causes aux maux se retrouveraient dans ces établissements, et pourraient être amplifiées par la promiscuité permanente avec des détenus malades. Solution, offrir un régime carcéral plus souple et moins sécuritaire. Or offrir un régime plus souple à une population qui justement est plus à même « d’exploser » n’est pas forcément la meilleure solution et c’est également prendre le risque de voir apparaître en masse des simulateurs pour profiter de ce régime.
Un juste milieu serait préférable. Peut être faudrait il alors séparer les détenus condamnés avec l’atténuation de responsabilité et les détenus condamnés « normalement » mais affectés par la maladie en cours de peine. Mais cela ne résoudrait pas le problème des conditions pathogènes de la prison...
Autre solution, celle d’un seul lieu commun de prise en charge des malades et détenus, comportant différents niveaux de sécurité. Un tel lieu de confusion des publics et des missions est impensable sauf à psychiatriser la justice et ne traiter la délinquance que par le soin. C’est certes une tendance mais on assiste plutôt à une judiciarisation de la maladie.
Le problème de la prise en charge des détenus malades mentaux semble insoluble tant les pathologies sont nombreuses et les causes multiples. Prendre efficacement en charge une population complexe n’est pas chose aisée. Pourtant il faut bien s’attacher à le faire.
A défaut d’un cloisonnement ou d’une complémentarité, partielle ou absolue, il reste la voie médiane, celle de la coopération. C’est l’orientation actuelle. Nous savons déjà que cette orientation souffre de difficultés et souffre surtout de la criminalisation des malades.
Afin d’enrayer ce phénomène et espérer réduire le nombre de malades mentaux en prison (surtout le nombre de psychotiques ), il serait judicieux de redonner sens à la notion de responsabilité atténuée, qui n’est à l’heure actuelle qu’un concept démagogique, et à la pratique expertale.
Mais pour inciter un magistrat à ne pas envoyer un malade en prison, il faut lui proposer une alternative, soit la possibilité de prononcer des mesures de protection du prévenu en cas d’irresponsabilité pénale, suivi d’hospitalisation psychiatrique si nécessaire, à l’image de ce qui se fait chez nos voisins européens.
De même, une systématisation des expertises psychiatriques serait utile mais les nouvelles procédures pénales axées sur la rapidité risquent de compromettre cela.
En cas de responsabilisation, le prononcé d’une atténuation de responsabilité ne serait utile que s’il était suivi non pas uniquement d’une atténuation de peine mais d’une atténuation du régime de détention. Par exemple, un accès prioritaire aux structures de soins carcérales et une plus grande liberté s’agissant de pouvoir pratiquer des activités thérapeutiques pourrait être envisageable sans pour autant bloquer le fonctionnement de la prison. Un processus coopératif comme celui que nous connaissons peut être poussé plus encore, sans pour autant impliquer de concessions préjudiciables à chacune des deux institutions.
Évidemment, tout ceci reposerait sur une hypothétique efficacité du dispositif de soins psychiatrique en milieu libre comme en milieu fermé. Mais peut être qu’une diminution du nombre de malades en prison par une réforme pénale ainsi qu’un recentrage des activités des SMPR vers l’ambulatoire grâce à l’arrivée des UHSA permettrait déjà une meilleure prise en charge en prison.
Conclusion.
[modifier]La France a choisi de ne pas attenter à l’irresponsabilité pénale des malades mentaux. Pour ce faire, elle a du mettre en place un régime carcéral soucieux des soins de santé mentale. Il s’est agi d’un long processus de prise de conscience puis de tâtonnement. Au fil du temps, la question a pris de l’importance et est aujourd’hui un réel enjeu de santé publique. Et c’est au moment ou prison et psychiatrie sont amenées à travailler ensemble que leurs méthodes sont devenues radicalement différentes. Elles sont pourtant amenés à coopérer. Reste ensuite à savoir comment.
L’examen rapide des législations étrangères et de l’histoire française montre la difficulté d’une telle mission.
Beaucoup de critiques sont lancées à l’encontre du dispositif actuel de soin et des nouvelles UHSA, sans pour autant que des solutions innovantes et prometteuses soient proposées. Le dispositif actuel souffre clairement d’un manque de moyens mais ne semble pas, au fond, inefficace. Seulement il est considéré comme une réponse spécifique et adaptée à un problème complexe et multi-factoriel. Et les réponses proposées semblent alors dérisoires.
C’est peut être pour cela que tant de voix s’élèvent, persuadées d’avoir sinon la meilleure solution du moins la moins mauvaise, d’être proche du but et de ne pouvoir l’atteindre. Ceci est le fait d’un désintérêt chronique pour la question pénitentiaire, encore plus pour les malades. Voilà au moins un terrain commun aux deux institutions.
Notes de bas de page :
1.J. Bentham, Théorie des peines, Londres, Vogel et schulze, 1811, Livre 1, chap 3, p. 14, cité par Bertrand guillaume, Penser la peine, 2003, PUF, questions d’éthique, p. 25,
2.Robert Caballero,, Entre psychiatrie et prison, réprimer ou soigner?, Mémoire École Nationale de la Santé Publique, p16 , 2001.
3.Robert Badinter, La prison républicaine, Fayard, 1992, p181
4.Gabriel Tarde définissait la responsabilité d’un individu comme la liberté de vouloir. Cette définition basé sur la volonté rejoint la conception romaine de la responsabilité. « Pour deux raisons la folie nous rend irresponsable, parce qu’elle nous désassimile (...) et parce qu’elle nous fait étranger à nous même. Elle refond le moi (...). Voilà pourquoi nos principes défendent de punir le fou... ». Gabriel Tarde, Philosophie pénale , 1810
5.Article 64: « Il n’y a ni crimes ni délits lorsque l’accusé était en état de démence au moment des faits. »
6.Jean Louis Senon, Troubles psychiques et réponses pénales, article en ligne sur http://champpenal.revues.org/document77.html.
7.Robert Caballero, p19, op cit
8.Basaglia considérait que la maladie mentale était liée à divers facteurs notamment l’oppression économique, sociale et culturelle de la société et l’asile, de part son organisation de type totalitaire aggravait ces phénomènes. (voir Goffman, Asiles. Etudes sur la condition sociale des malades mentaux et autres reclus, Editions de minuit, 1968, sur la caractère totalitaire des institutions asilaires et carcérales.)
9.P.Brenot, 500 ans de psychiatrie, éditions l’esprit du temps, 2000, p50
10.Science & vie, « Psychiatrie, les raisons d’une crise majeure »,
Janvier 2006, n°1060, p45
11.Ibid, p46
12.Ibid, p46
13.Ibid, p46
14.Voir Infra p.24 et s. (Titre 1, II, A, 2)
15.Sébastien Roché, La délinquance de 1975 à 2000: évolution des chiffres et des concepts, article consulté sur: http://www.sciences-po.upmf-grenoble.fr/Recherche/PagesPerso/Roche_SH_La_délinquance.html.
16.Ibid
17.L Wacquant, Les prisons de la misère, Raisons d’agir, 1999, p.18
18. Ibid
19.Alain Bauer et Xavier Raufer, Violences et insécurité urbaines, Paris, PUF, collection « Que sais-je? », p65
20.L. Wacquant, p.43, op cit
21.Projet de loi pour la sécurité intérieure, loi n° 2002-1094 du 29 août 2002 d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (LOPSI) .
22.Ibid
23.Plus exactement, le régime de la peine est fixé en tenant compte de cette circonstance. Nous verrons par la suite que cette formulation est ambiguë, pour ne pas dire, vide de sens.
24.E. Louan, La prise en charge psychiatrique des détenus souffrant de troubles mentaux dans un contexte de politique sécuritaire, Mémoire ENAP, 2003
25.On garde en mémoire l’affaire dite d’Outreau et le lien de cause à effet mis en avant par un expert psychiatre selon lequel une basse rémunération entraine une expertise de basse qualité.
26.Voir en ce sens: Goffman, op cit. Il définit une institution totalitaire comme un « lieu de résidence et de travail où un grand nombre d’individus placés dans le même situation, coupés du monde extérieur pour une période relativement longue, mènent une vie recluse dont les modalités sont explicitement et minutieusement réglées », p41
27.Mis à part les alliances et objets religieux.
28.Les détenus sont soumis au droit disciplinaire mais également au droit pénal. Une faute disciplinaire peut également constituer une infraction pénale. En ce cas, le détenu est jugé au pénal et en commission de discipline.
29.Lors des commissions de discipline, la sanction du quartier disciplinaire est le plus souvent prononcé au motif qu’il pourra « réfléchir un peu à ce qu’il a fait ». A juste titre, l’introspection est la seule activité proposée avec l’heure journalière de promenade et les quelques lectures obligatoires proposées.
30.Voir Infra p.26 et s. ((Titre 1, II, B)
31.Goffman E., p87 , op. Cit
32.Foucault M., Surveiller et punir, Gallimard, 1997, p204
33.Entretien du 7 Avril 2006 avec le docteur Giron, médecin chef du SMPR du centre de détention de Nantes.
34.« (...) les fouilles intégrales sont prévues chaque fois qu’un détenu entre l’établissement (écrou, retour d’extraction judiciaire ou médicale, de permission de sortir, de placement à l’extérieur, de semi-liberté, de corvées à l’extérieur), mais également à chaque fois qu’il le quitte (levée d’écrou, transfèrement, extradition, libération, extraction en milieu hospitalier civil ou pénitentiaire, avant le départ en placement extérieur, en semi-liberté, en permission de sortir). A l’occasion des parloirs avec la famille ou les proches, le détenu est fouillé avant et après l’entretien. (...)Enfin, pour éviter les suicides et automutilations, tous les détenus doivent être fouillés intégralement avant un placement à l’isolement ou au quartier disciplinaire. », les mesures de contrôle, article consulté sur le site www.pison.org.eu.
35.Le surveillant est chargé d’inspecter dans l’ordre les cheveux, oreilles, bouche (en faisant tousser le détenu), aisselles, mains entrejambes (il doit écarter les jambes, se pencher en avant et tousser si nécessaire), pieds, voûte plantaire, orteils. D.275 Code de procédure pénale.
36.Une cellule n’est prévue que pour un détenu sauf exception. En maison d’arrêt, l’exception est devenue la règle et l’on se retrouve facilement avec 3 détenus dans une cellule prévue pour 1 (9m²). Dans les cellules de plus grande capacité, prévus pour 3, l’effectif atteint couramment les 6 personnes.
37.DRESS, « La santé mentale et le suivi psychiatrique des détenus accueillis par les services médico-psychologiques régionaux », n°181, Juillet 2002
38.Bénézech M, Lamothe P., Senon JL. (1990), « psychiatrie en milieu carcéral », Encycl. Med. Chir. Psychiatrie, 37889 A10
39.Enquête épidémiologique sur la santé mentale des détenus. DGS/DAP, 2004
40.Fazel S., Danesh J. Serious discorders in 23000 prisoners: a systematic review of 62 surveys. Lancet 2002: 359
41.Senon JL. « Soins ambulatoire sous contrainte: une mise en place indispensable pour préserver une psychiatrie publique moderne », L’information psychiatrique, 2005, 81; 627-34
42.Services médico-psychologiques régionaux, voir infra p.27 et s.
43.DRESS, op cit
44.Lafay N.,Papet N.,Manzanera C., Senon JL., Prison et psychiatrie: à la difficile recherche d’un équilibre entre sanitaire social et judiciaire, Revue pénitentiaire et droit pénal 2000 Cujas Ed, 4, Décembre 2000, 506-523
45.Voir infra p.35 et s. (Titre 1, I, A, 2)
46.Voir supra p.9 (Titre1, I, A, 1)
47.Senon JL. Psychiatrie de liaison en milieix pénitentiaire. Paris: PUF « Médecine et société »; 1998
48.Voir introduction.
49.Senon JL. Psychiatrie de liaison en milieu pénitentiaire, op cit.
50.Ministère de la santé, ministère de la justice: Guide méthodologique de la prise en charge sanitaire des détenus, p45, 2004
51.Guide méthodologique de la prise en charge sanitaire des détenus, op cit, p50
52.Voir infra p.45 (Titre 2, II, A, 1)
53.Dress
54.Rapport Floch, sur la situation dans les prisons françaises, 2000
55.Dress, op cit
56.Psychiatrie et santé mentale, plan 2005-2008, p70
57.Voir infra
58.Rapport Floch, op cit
59.Rapport sénatorial sur l’irresponsabilité pénale des malades mentaux, février 2004
60.Ce pouvoir du juge suédois à placer en hôpital psychiatrique va peut être disparaître, la Suède ayant chargée une commission de réflexion au sujet du statut pénal des malades mentaux. Cette commission envisage la restauration de l’irresponsabilité pénale et la suppression du placement en hôpital psychiatrique pour s’orienter vers un dispositif de soins pendant l’exécution de la peine de prison.
61.F. Macheret-Christe, B. Gravier, Schizophrénie, psychose et prison., extrait du XIIème séminaire comité européen : Droit, Ethique et psyhiatrie, la peine du fou, la prison, le soin, Juin 2003.
62.OIP, Rapport sur le respect effectif des droits de l’Homme en France, 15 février 2006
63.Gérard Dubret, psychiatre, expert près de la cour d’appel de Versailles, Les UHSA, une fausse bonne idée?, article consulté sur le site http://www.prison.eu.org/article.php3?id_article=6866
64.Ibid.
65.Voir supra p.9
Bibliographie
[modifier]Ouvrages consultés :
- Badinter Robert, La prison républicaine, 1992, Fayard
- Bauer Alain et Raufer, Xavier Violences et insécurité urbaines, Paris, PUF, collection « Que sais-je ? »
- Bénézech M, Lamothe P., Senon JL. (1990), « Psychiatrie en milieu carcéral », Encycl. Med. Chir. Psychiatrie, 37889 A10
- Bentham J., Théorie des peines, Londres, Vogel et schulze, 1811
- Brenot P., 500 ans de psychiatrie, 2000, éditions l’esprit du temps
- Foucault M., Surveiller et punir, Gallimard, 1997
- Goffman, Asiles. Etudes sur la condition sociale des malades mentaux et autres reclus, 1968, Editions de minuit
- Guillaume Bertrand, Penser la peine, PUF, « questions d’éthique », 2003
- Senon JL. Psychiatrie de liaison en milieux pénitentiaire. Paris, PUF « Médecine et société », 1998
- Tarde Gabriel, Philosophie pénale, 1810
- Wacquant Loic, Les prisons de la misère, Raisons d’agir, 1999
Articles consultés :
- Science & vie, « Psychiatrie, les raisons d’une crise majeure », Janvier 2006, n°1060
- Jean Louis Senon, Troubles psychiques et réponses pénales, article en ligne sur Champ Pénal (Page en ligne au 28 Avril 2006.)
- Sébastien Roché, La délinquance de 1975 à 2000 : évolution des chiffres et des concepts, article consulté sur : Sciences Po (Page consultée le 12 Avril 2006)
- Senon JL. « Soins ambulatoire sous contrainte: une mise en place indispensable pour préserver une psychiatrie publique moderne », L’information psychiatrique, 2005, 81; 627-34.
- Lafay N.,Papet N.,Manzanera C., Senon JL., Prison et psychiatrie : à la difficile recherche d’un équilibre entre sanitaire social et judiciaire, Revue pénitentiaire et droit pénal 2000 Cujas Ed, 4, Décembre 2000, 506-523
- F. Macheret-Christe, B. Gravier, Schizophrénie, psychose et prison., extrait du XIIème séminaire comité européen : Droit, Ethique et psyhiatrie, la peine du fou, la prison, le soin, Juin 2003. Prison.eu.org (Page disponible au 28 Avril 2006)
- Gérard Dubret, psychiatre, expert près de la cour d’appel de Versailles, Les UHSA, une fausse bonne idée ?, Prison.eu.org (Page disponible au 28 Avril 2006)
Rapports, Loi, Enquêtes, Mémoires :
- Caballero Robert, Entre psychiatrie et prison, réprimer ou soigner ?, Mémoire École Nationale de la Santé Publique, 2001.
- Louan Eliott, La prise en charge psychiatrique des détenus souffrant de troubles mentaux dans un contexte de politique sécuritaire, Mémoire ENAP, 2003
- Ministère de la santé, ministère de la justice : Guide méthodologique de la prise en charge sanitaire des détenus, p45, 2004
- Rapport Floch, sur la situation dans les prisons françaises, 2000
- Psychiatrie et santé mentale, plan 2005-2008, p70
- Rapport sénatorial sur l’irresponsabilité pénale des malades mentaux, février 2004
- Rapport Hyest, la prison : une humiliation pour la république, 2000
- OIP, Rapport sur le respect effectif des droits de l’Homme en France, 15 février 2006
- Enquête épidémiologique sur la santé mentale des détenus. DGS/DAP, 2004
- Projet de loi pour la sécurité intérieure, loi n° 2002-1094 du 29 août 2002 d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (LOPSI).
- DRESS, La santé mentale et le suivi psychiatrique des détenus accueillis par les services médico-psychologiques régionaux, n°181, Juillet 2002
- Fazel S., Danesh J. Serious discorders in 23.000 prisoners : a systematic review of 62 surveys. Lancet 2002: 359
Ce travail se base sur des recherches documentaires ainsi que sur des observations et entretiens réalisés lors de divers stages effectués durant ma licence, notamment au centre pénitentiaire de Nantes.
Mots clés : Prison, établissements pénitentaires, détention, détenus, psychiatrie, hopital psychiatrique, malades, maladies mentales, troubles psychiatriques, délinquance, déviance, CMPR, SMPR, UHSA, UMD, responsabilité pénale, irresponsabilité pénale