La Muse gaillarde/La Lune

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La Muse gaillardeAux éditions Rieder (p. 224-225).
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LA LUNE


Or, la Lune d’argent disait au Soleil d’or :
— Si tu es empereur, je suis impératrice ;
Et quand d’un léger vol au ciel je prends l’essor,
Mes poètes aimés me nomment bienfaitrice.

Je suis pâle, il est vrai, mais je suis belle aussi,
Et quand tes derniers feux se sont éteints dans l’onde,
C’est mon tour de voguer sur le monde obscurci
Comme un grand cygne blanc sur une mer profonde.


De délicates fleurs dont le cœur est fermé
Par le trop vif éclat du jour intimidées,
Daignent s’épanouir pendant mes nuits de mai
Par mon tiède regard doucement fécondées.

Par les forêts de rêve et les bois apaisés
Je berce les amants dans mes limpides voiles,
Mes rayons leur sont doux ainsi que des baisers,
Et je suis reine avec mon cortège d’étoiles.

Je passe lentement et ne fais pas de bruit
De crainte d’éveiller les vierges endormies ;
Et pour les pauvres gens que l’âpre sort poursuit
Mes yeux fleurdelisés ont des lueurs amies ;

Et je guide les bons ivrognes dans la nuit.