Le Soir des Rois ou Ce que vous voudrez/Montégut/Acte I
Œuvres complètes de William Shakespeare, Texte établi par Émile Montégut, Hachette, , tome 3 (p. 367-387).
ACTE I.
Scène première
Le Duc. — Si la musique est l’aliment de l’amour, jouez toujours ; donnez m’en avec excès, afin que mon appétit, en ayant une indigestion, puisse languir et mourir. Encore cet air, il avait une telle chute mourante ! Oh, il arrivait à mon oreille comme le doux vent du sud qui souffle sur un banc de violettes, dérobant et donnant à la fois des parfums ! — Assez, pas davantage : cela n’est pas aussi doux maintenant que tout à l’heure. Ô esprit de l’amour, quelle vivacité et quelle fraîcheur sont en toi ! Ta capacité réceptive égale celle de la mer, et rien n’entre en toi, quelles que soient sa valeur et son éminence, qui en une minute ne dégénère et ne tombe à bas prix : si féconde en formes changeantes est l’imagination de l’amour, que cela seul est bizarre à l’excès.
Curio. — Voulez-vous aller chasser, Monseigneur ?
Le Duc. — Chasser quelle bête, Curio ?
Curio. — Le cerf.
Le Duc. — Eh ! c’est déjà ce que je fais ; je chasse le plus noble de mes cerfs. Oh ! le jour où mes yeux virent pour la première fois Olivia, il me sembla qu’elle purifiait l’air de toute infection : en ce moment-là même, je fus changé en cerf, et mes désirs, comme des lévriers sanguinaires et cruels, me poursuivent toujours depuis.
Le Duc. — Eh bien ! quelles nouvelles me rapportes-tu d’elle ?
Valentin. — Ne vous en déplaise, Monseigneur, je n’ai pu être admis ; mais sa suivante m’a fait cette réponse que je vous rapporte : le ciel lui-même, avant qu’il n’ait connu la chaleur de sept étés, ne contemplera pas son visage à découvert ; mais comme une nonne cloîtrée, elle sortira voilée et arrosera sa chambre une fois par jour de larmes ennemies de ses yeux ; tout cela, pour honorer l’affection qu’elle portait à un frère mort et dont elle voudrait garder éternellement frais le souvenir dans sa mémoire attristée.
Le Duc. — Oh ! celle qui possède un cœur d’une substance assez délicate pour payer cette dette d’amour à un simple frère, comme elle aimera, lorsque la riche flèche d’or aura tué le troupeau de toutes les autres affections qui vivent en elle, lorsque son foie, son cerveau, son cœur, ces trônes souverains, seront tous occupés et remplis par un seul et même roi, doux complément de sa personne ! Allons, précédez-moi vers d’odorants lits de fleurs ; les pensées de l’amour reposent dans la beauté, lorsqu’elles ont pour dais les berceaux des bosquets. (Ils sortent.)
Scène II
Viola. — Quelle est cette contrée, mes amis ?
Le Capitaine. — C’est l’Illyrie, Madame.
Viola. — Et que ferais-je en Illyrie ? mon frère est aux Champs-Elysées. Peut-être ne s’est-il pas noyé : qu’en pensez-vous, matelots ?
Le Capitaine. — C’est par hasard que vous-même vous vous êtes sauvée.
Viola. — Oh, mon pauvre frère ! et peut-être que lui aussi s’est sauvé par hasard.
Le Capitaine. — C’est vrai, Madame, et pour que cet espoir dans le hasard vous soit une consolation, je puis vous apprendre qu’après que notre vaisseau se fût fendu et que vous et ce pauvre petit nombre de personnes sauvées avec vous, vous vous fûtes jetées dans notre bateau de sauvetage, j’aperçus votre frère, très prévoyant au milieu du péril, s’attacher, avec une prudence que lui suggéraient à la fois le courage et l’espoir, à un grand mat qui flottait sur la mer ; et sur ce mat, semblable à Arion sur le dos du dauphin, je le vis entretenir connaissance avec les vagues, aussi longtemps que mes yeux purent le suivre.
Viola. — Voici de l’or pour l’assurance que tu me donnes. Mon propre salut encourage en moi l’espoir, — espoir que ton discours autorise, — qu’il aura eu la même chance. Connais-tu cette contrée ?
Le Capitaine. — Oui, Madame, fort bien, car je suis né et j’ai été élevé à moins de trois lieues de cet endroit même.
Viola. — Qui gouverne ici ?
Le Capitaine. — Un duc noble par la nature comme par le nom.
Viola. — Quel est son nom ?
Le Capitaine. — Orsino.
Viola. — Orsino ! j’ai entendu mon père le nommer ; il n’était pas marié alors.
Le Capitaine. — Il ne l’est pas encore aujourd’hui, à moins qu’il ne le soit depuis peu ; car il n’y a qu’un mois que je suis parti d’ici, et à cette époque on commençait à murmurer — comme vous le savez, ce que font les grands, les petits en babillent — qu’il recherchait l’amour de la belle Olivia.
Viola. — Quelle est cette Olivia ?
Le Capitaine. — Une vertueuse jeune dame, la fille d’un comte mort il y a un an environ, en la laissant à la protection d’un fils, son frère, qui mourut aussi peu de temps après, et à cause de la tendre affection qu’elle portait à ce frère, on dit qu’elle a abjuré la société et la vue des hommes.
Viola. — Oh ! si je pouvais servir cette dame ! Oh ! s’il m’était possible de laisser mûrir l’occasion opportune avant de déclarer au monde quelle est ma condition réelle !
Le Capitaine. — Cela serait difficile à arranger, attendu qu’elle ne veut écouter aucune sorte de requête, aucune, pas même celle du duc.
Viola. — Tu as une belle tournure, capitaine, et bien que la nature enferme souvent la corruption entre de belles murailles, je veux croire cependant de toi que tu as une âme qui répond à cette belle enveloppe extérieure. Je t’en prie (je te payerai généreusement ce service), cache qui je suis et aide-moi à trouver un déguisement qui puisse convenir à la nature de mon projet. Je veux servir ce duc : tu me présenteras à lui comme un eunuque ; cela peut valoir les peines que tu te donneras, car je puis chanter, et je saurai lui parler dans divers genres de musique qui lui feront peut-être trouver mes services agréables. Ce qui peut arriver plus tard, je laisse au temps le soin d’en décider ; fais en sorte seulement que ta discrétion seconde ma dextérité.
Le Capitaine. — Soyez son eunuque, et je serai votre muet : lorsque ma langue babillera, qu’alors mes yeux cessent de voir !
Viola. — Je te remercie ; sers-moi de guide. (Ils sortent.)
Scène III
Messire Tobie. — Que diable a donc ma nièce à prendre ainsi la mort de son frère ? Je suis sûr que le chagrin est l’ennemi de la vie.
Maria. — Par ma foi, Messire Tobie, vous devriez rentrer les soirs de meilleure heure ; Madame, votre nièce, fait de sévères remontrances à l’endroit de vos heures indues.
Messire Tobie. — Et parbleu, qu’elle se remontre elle-même, avant d’en remontrer aux autres.
Maria. — Oui, mais il faut vous mieux tenir dans les bornes strictes d’une conduite régulière.
Messire Tobie. — Me mieux tenir ! je ne me tiendrai pas plus élégamment que je ne le suis : ces habits sont assez bons pour aller boire, et ces bottes aussi, et si elles ne le sont pas, eh bien ! qu’elles se pendent avec leurs propres tirants !
Maria. — Ces habitudes de boire et de trinquer vous tueront ; j’entendais Madame parler de vous hier, ainsi que d’un imbécile de chevalier que vous aviez amené un certain soir ici, pour être son prétendant.
Messire Tobie. — Qui ça ? Messire André Aguecheek ?
Maria. — Oui, lui-même.
Messire Tobie. — C’est un des hommes les plus parfaits qu’il y ait en Illyrie.
Maria. — Qu’est-ce que cela fait pour la chose en question ?
Messire Tobie. — Et parbleu, il a trois mille ducats de rente.
Maria. — Oui, mais il ne faudra qu’une année pour tous ces ducats : c’est vraiment un sot et un prodigue.
Messire Tobie. — Fi, oses-tu parler ainsi ! il joue de la viole de Gambo et il parle trois ou quatre langues, mot pour mot, sans livres, et il a tous les beaux dons de nature.
Maria. — C’est vrai, c’est presque un idiot par nature ; car outre que c’est un sot, c’est aussi un grand querelleur, et n’était qu’il a le don de lâcheté pour corriger ses goûts de querelleur, les gens prudents pensent qu’il recevrait bientôt le don d’une tombe.
Messire Tobie. — Par cette main, ceux qui parlent ainsi de lui sont des drôles et des subtracteurs. Qui sont-ils ?
Maria. — Ce sont ceux qui ajoutent en outre qu’il s’enivre tous les soirs en votre compagnie.
Messire Tobie. — C’est en portant la santé de ma nièce. Je boirai à la santé de ma nièce aussi longtemps qu’il y aura un passage dans mon gosier et du vin en Illyrie. C’est un lâche et un bas valet, celui qui refuse de boire à la santé de ma nièce jusqu’à ce que la tète lui tourne comme uue grande toupie de paroisse. Allons, fillette, prends moi un sérieux de Castillan, car voici venir Messire André Aguecheek.
Messire André. — Messire Tobie Belch ! eh bien, comment va, Messire Tobie Belch ?
Messire Tobie. — Aimable Messire André !
Messire André. — Dieu vous bénisse, belle pie-grièche.
Maria. — Et vous aussi, Monsieur.
Messire Tobie. — Accoste, Messire André, accoste.
Messire André. — Qu’est-ce que c’est, ça ?
Messire Tobie. — La femme de chambre de ma nièce.
Messire André. — Bonne Madame Accoste, je désire faire plus ample connaissance avec vous.
Maria. — Mon nom est Maria, Monsieur.
Messire André. — Bonne Madame Maria Accoste….
Messire Tobie. — Vous vous méprenez, chevalier : accoste veut dire affrontez-la, abordez-la, courtisez-la, attaquez-la.
Messire André. — Sur ma foi, je ne voudrais pas l’entreprendre ainsi devant le monde. Est-ce là le sens de accoste ?
Maria. — Portez-vous bien, Messieurs.
Messire Tobie. — Si tu la laisses partir ainsi, Messire André, tu n’es plus digne de tirer l’épée de ta vie.
Messire André. — Si vous partiez ainsi, Madame, je ne serais plus digne de tirer l’épée de ma vie. Belle Dame, croyez-vous donc avoir des sots en main ?
Maria. — Monsieur, je ne vous ai pas en main.
Messire André. — Parbleu, mais vous m’aurez ainsi ; voici ma main.
Maria. — Voyons, Monsieur, les opinions sont libres ; je vous en prie, conduisez votre main au cellier et faites la boire.
Messire André. — Pourquoi cela, mon doux cœur ? Quelle est votre métaphore ?
Maria. — Une métaphore sèche, Monsieur.
Messire André. — Parbleu, c’est aussi ce que je pense ; je ne suis pas âne à ce point de ne pouvoir tenir ma main sèche. Mais qu’est-ce que votre plaisanterie ?
Maria. — Une plaisanterie sèche, Monsieur.
Messire André. — En avez-vous beaucoup comme ça ?
Maria. — Oui, Monsieur, j’en ai jusqu’au bout de mes doigts ; voyons, je laisse maintenant aller votre main, je suis à sec. (Elle sort.)
Messire Tobie. — Oh ! chevalier, tu as besoin d’un verre de vin des Canaries. T’ai-je jamais vu si bien mis à bas ?
Messire André. — Jamais de votre vie, je pense, à moins que vous n’ayez vu le vin des Canaries me mettre à bas. Il me semble quelquefois que je n’ai pas plus d’esprit qu’un chrétien quelconque ou un homme ordinaire : mais je suis un grand mangeur de bœuf, et je crois que cela fait tort à mon esprit.
Messire Tobie. — Cela n’est pas douteux.
Messire André. — Si je le croyais, je n’en mangerais plus. Je monte à cheval demain pour retourner au logis, Messire Tobie.
Messire Tobie. — Et pourquoi, mon cher chevalier ?
Messire André. — Qu’est-ce que c’est que ce pourquoi ? cela veut-il dire de le faire ou ne pas le faire ? Ah ! plût au ciel que j’eusse passé à apprendre les langues le temps que j’ai passé à l’escrime, à la danse et aux combats d’ours ! plût au ciel que j’eusse suivi les arts !
Messire Tobie. — Cela t’aurait fait en effet un superbe toupet.
Messire André. — Comment, est-ce que cela aurait corrigé mes cheveux ?
Messire Tobie. — Incontestablement, car ta vois bien qu’ils ne frisent pas naturellement.
Messire André. — Mais cela me va assez bien, n’est-ce pas ?
Messire Tobie. — Excellemment bien ! tes cheveux pendent comme du chanvre sur une quenouille, et j’espère voir une ménagère te prendre entre ses jambes et te filer.
Messire André. — Ma foi, je m’en retourne demain chez moi, Messire Tobie ; on ne peut pas voir votre nièce, et si on pouvait la voir, il y a quatre à parier contre un qu’elle ne voudrait pas de moi ; le duc, qui est ici tout près, lui fait la cour.
Messire Tobie. — Elle ne veut pas du duc ; elle ne veut pas de mari qui soit au dessus d’elle, ni par la condition ni par les années, ni par l’esprit ; je le lui ai entendu jurer. Allons donc, il y a encore de l’espoir, mon homme.
Messire André. — Je resterai un mois de plus. Je suis un compère d’un esprit fantasque, s’il en est un au monde ; je raffole parfois des mascarades et des fêtes.
Messire Tobie. — Est-ce que tu as des dispositions pour ces bêtises, chevalier ?
Messire André. — Autant qu’homme qui vive en Illyrie, quel qu’il soit, pourvu qu’on le prenne au-dessous de mes aînés en condition, et cependant, je ne voudrais pas me comparer à un vieillard.
Messire Tobie. — Quelle est la mesure de ton talent à la gaillarde, chevalier ?
Messire André. — Ma foi, je puis y découper des sauts de chevreau.
Messire Tobie. — Et moi y découper du mouton.
Messire André. — Et je crois que je fais le saut en arrière aussi solidement qu’homme qui vive en Illyrie, tout simplement.
Messire Tobie. — Pourquoi ces choses sont-elles cachées ? pourquoi ces dons ont-ils un rideau devant eux ? est-ce qu’il y a danger qu’ils prennent la poussière comme le portrait de Mme Mail ? Pourquoi ne vas-tu pas à l’église en dansant une gaillarde et n’en reviens-tu pas en dansant une courante ? Si j’étais comme toi, ma promenade ne serait qu’une gigue ; je ne lacherais même pas de l’eau sans danser un pas de cinq. À quoi penses-tu donc ? est-ce que c’est un monde où il faille cacher ses vertus ? Je me doutais bien, en voyant l’excellente constitution de ta jambe, qu’elle avait été formée sous l’étoile de la gaillarde.
Messire André. — Oui, elle est solide et elle fait assez bon effet avec un bas couleur de flamme. Allons-nous nous amuser un peu ?
Messire Tobie. — Pourrions-nous faire autre chose ? Ne sommes-nous pas nés sous le signe du Taureau ?
Messire André. — Le Taureau ! Ceux qui naissent sous ce signe sont tout côtes et tout cœur.
Messire Tobie. — Non, Monsieur, mais tout jambes et tout cuisses. Laisse-moi te voir cabrioler. Ah ! plus haut. Ah ! ah 1 excellent ! (Ils sortent.)
Scène IV
Valentin. — Si le duc continue à vous regarder avec autant de faveur, Césario, vous ne pouvez manquer de faire un beau chemin ; il ne vous connaît que depuis trois jours et déjà vous n’êtes plus un étranger pour lui.
Viola. — Vous craignez donc son humeur ou ma négligence, puisque vous mettez en doute que son affection dure longtemps : est-ce qu’il est inconstant dans ses faveurs, Monsieur.
Valentin. — Non, croyez-moi.
Viola. — Je vous remercie. Voici venir le duc.
Le Duc. — Holà ! qui a vu Césario ?
Viola. — Le voici ; tout à vos ordres, Monseigneur.
Le Duc. — Tenez-vous un instant à l’écart, vous autres. — Césario, tu ne connais rien moins que le tout des choses qui me concernent ; je t’ai ouvert le livre même de mon âme secrète : ainsi, bon jeune homme, prends ta course vers sa demeure ; ne permets pas qu’on t’en refuse l’entrée, plante-toi contre sa porte et dis à ses gens que tes pieds vont se clouer en terre et y prendre racine jusqu’à ce que tu aies obtenu audience.
Viola. — Assurément, mon noble Seigneur, si elle est autant qu’on le dit en proie à son chagrin, elle ne m’admettra jamais.
Le Duc. — Fais du tapage et saute par-dessus toutes les barrières de la politesse, plutôt que de t’en revenir comme tu serais venu.
Viola. — Eh bien, si je peux lui parler, que lui dirai-je, Monseigneur ?
Le Duc. — Oh ! alors dévoile-lui l’excès de mon amour, étonne-la en lui décrivant ma tendre fidélité : il te siéra bien de lui représenter mes souffrances, et elle en sera touchée à cause de ta jeunesse, plus qu’elle n’en serait touchée si ce récit lui était fait par un ambassadeur de plus grave aspect.
Viola. — Je ne le crois pas, Monseigneur.
Le Duc. — Crois-le, cher enfant, car ils calomnient tes heureuses années, ceux qui disent que tu es un homme : la lèvre de Diane n’est pas plus douce et plus rosée que ta lèvre ; ta petite flûte de voix est comme l’organe d’une jeune fille, perçante et sonore, et tout en toi ressemble à une femme. Je sais que ton étoile te rend propre à cette négociation. — Que quatre ou cinq d’entre vous l’accompagnent ; tous si vous voulez, car je suis d’autant plus heureux que je suis moins en compagnie. Réussis en cette affaire, tu vivras dans la même indépendance que ton maître et tu pourras nommer sa fortune la tienne.
Viola. — Je ferai de mon mieux pour courtiser votre bien-aimée. (À part.) C’est cependant un grand effort sur moi-même : il me faut faire la cour pour lui et je voudrais être sa femme. (Ils sortent.)
Scène V
Maria. — Voyons, dis-moi où tu es allé, ou bien je n’ouvrirai pas mes lèvres pour t’excuser, même de la largeur qu’il faudrait pour y faire passer un poil ; Madame te fera pendre pour ton absence.
Le Bouffon. — Qu’elle me fasse pendre : celui qui est bien pendu en ce monde ne craint plus aucun drapeau.
Maria. — Explique cela.
Le Bouffon. — Il n’en verra plus aucun pour lui faire peur.
Maria. — Bonne réponse de carême : je peux te dire où est née cette manière de parler : je ne crains aucun drapeau.
Le Bouffon. — Où est-elle née, bonne Madame Maria ?
Maria. — Dans les guerres, et cela tu pourras carrément l’affirmer quand tu débiteras tes folies.
Le Bouffon. — Bien ; Dieu donne la sagesse à ceux qui l’ont, et quant aux fous, qu’ils se servent de leurs talents.
Maria. — Vous serez pendu pour être resté si longtemps absent, ou vous serez renvoyé ; cela n’équivaut-il pas pour vous à être pendu ?
Le Bouffon. — Plus d’une bonne pendaison a prévenu plus d’un mauvais mariage ; et si je suie renvoyé, la belle saison y pourvoira.
Maria. — Vous êtes résolu, alors ?
Le Bouffon. — Non, pas davantage ; mais je suis ferme sur deux points.
Maria. — De manière que si l’un ne tient pas, l’autre tiendra, ou que si tous deux cassent, vos culottes tomberont par terre.
Le Bouffon. — Bien trouvé, ma foi, bien trouvé. Bon, va ton chemin ; si seulement Messire Tobie voulait cesser de boire, tu serais un aussi spirituel morceau de la chair d’Eve qu’on en puisse trouver en Illyrie !
Maria. — Paix, coquin : plus un mot de cela. Voici venir Madame ; faites-lui sagement vos excuses, cela vaudra mieux. (Elle sort.)
Le Bouffon. — Esprit, si c’est ta volonté, mets moi en belle humeur de folie ! ces gens d’esprit qui pensent te posséder, se montrent souvent des fous, et moi qui suis sûr de ne pas te posséder, je puis passer pour un homme sage : car que dit Quinupalus à ce sujet ? mieux vaut un spirituel fou qu’un fou bel esprit.
Le Bouffon. — Dieu te bénisse, Madame !
Olivia. — Emmenez l’imbécile.
Le Bouffon. — N’entendez vous pas, camarades ? emmenez Madame.
Olivia. — Allons, vous êtes un fou à sec ; je ne veux plus de vous : en outre, vous devenez malhonnête.
Le Bouffon. — Deux défauts, Madonna, qui peuvent être corrigés par la boisson et les bons conseils : en effet, donnez à boire au fou à sec, et alors le fou ne sera plus à sec ; invitez un malhonnête homme à s’amender, s’il s’amende, il n’est plus malhonnête, et s’il ne peut s’amender, que le savetier le rapièce : toute chose qui s’amende, n’est que rapiécée ; la vertu qui faiblit est rapiécée de péché, et le péché qui s’amende n’est que rapiécé de vertu. Si ce simple syllogisme peut servir, c’est bien ; sinon, ou est le remède ? il n’y a de véritable cocu que le malheur, et la beauté n’est qu’une fleur. La Dame avait ordonné d’emmener l’imbécile, c’est pourquoi je répète, emmenez Madame.
Olivia. — Monsieur, c’était vous que je leur ordonnais d’emmener.
Le Bouffon. — Erreur au suprême degré ! Madame, Cucullus non facit monachum, ce qui équivaut à peu près à dire : mon cerveau ne porte pas de casaque bariolée. Bonne Madonna, permettez-moi de prouver que vous êtes une imbécile.
Olivia. — Vous pourriez prouver cela ?
Le Bouffon. — Le plus dextrement du monde, bonne Madonna.
Olivia. — Prouvez-le.
Le Bouffon. — Pour cela, il faut que je vous catéchise, Madonna ; ma bonne souris de vertu, répondez-moi.
Olivia. — Bon, Monsieur, faute d’autre distraction, je veux bien écouter vos preuves.
Le Bouffon. — Bonne Madonna, pourquoi pleures-tu ?
Olivia. — Mon bon fou, à cause de la mort de mon frère.
Le Bouffon. — Je pense que son âme est en enfer, Madonna.
Olivia. — Je sais que son âme est au ciel, fou.
Le Bouffon. — Vous n’en n’êtes que plus imbécile, Madonna, de pleurer pour un frère dont l’Ame est au ciel. Emmenez l’imbécile, Messieurs.
Olivia. — Que pensez-vous de ce fou, Malvolio ? Ne trouvez-vous pas qu’il s’amende ?
Malvolio, — Oui, et il continuera toujours ainsi jusqu’à ce qu’il soit secoué par les angoisses de la mort : les infirmités qui font déchoir les sages, ne font que perfectionner les fous.
Le Bouffon. — Alors puisse le ciel vous envoyer bien vite une infirmité, pour perfectionner votre folie, Monsieur ! Messire Tobie jurerait bien, que je ne suis pas un renard, mais il n’engagerait pas sa parole contre deux sous que vous n’êtes pas un fou.
Olivia. — Que répondez-vous à cela, Malvolio ?
Malvolio. — Je m’étonne que votre seigneurie puisse s’amuser de ce drôle à cerveau vide ; je l’ai vu battre l’autre jour par un fou très ordinaire qui n’a pas plus de cervelle qu’une pierre. Remarquez bien, le voilà déjà hors de combat ; à moins que vous ne riiez et que vous ne lui prépariez les occasions, il reste bouche baillonnée. Je déclare que je considère les hommes sensés que ces espèces de bouffons peuvent désopiler, comme de purs singes de ces même bouffons.
Olivia. — Oh ! vous êtes malade d’amour-propre, Malvolio, et vous goûtez les choses avec un appétit mal disposé. Les gens généreux, candides, et de libre humeur prennent pour des flèches sans portée ni pointe ces mêmes choses qui vous font l’effet de boulets de canon : il n’y a pas de médisance chez un bouffon dont on a autorisé la liberté de langage, bien qu’il ne fasse rien que railler, et il n’y a pas de raillerie chez un homme dont la discrétion est connue quoiqu’il ne fasse rien que critiquer.
Le Bouffon. — Puisse Mercure te doter du don de mensonge, car tu parles bien des fous !
Maria. — Madame, il y a à la porte un jeune gentilhomme qui désire beaucoup vous parler.
Olivia. — Vient-il de la part du duc Orsino ?
Maria. — Je ne sais pas, Madame, c’est un beau jeune homme et bien accompagné.
Olivia. — Quelle est la personne de ma maison qui lui tient compagnie ?
Maria. — Messire Tobie, Madame, votre parent.
Olivia. — Congédiez-le, je vous prie, il ne fait que parler comme un fou : fi de lui ! (Sort Maria.) Allez-y, vous, Malvolio : si c’est un message de la part du comte, je suis malade ou je ne suis pas à la maison : dites ce que vous voudrez pour le congédier. (Sort Malvolio.) Vous voyez maintenant, Monsieur, que votre bouffonnerie commence à baisser et que les gens ne l’aiment pas.
Le Bouffon. — Tu as parlé en notre faveur, Madonna, comme si ton fils aîné, — dont puisse Jupiter bourrer le crâne de cervelle ! — était destiné à être un fou. Mais voici venir quelqu’un de ta parenté qui a une bien faible pia mater.
Olivia. — À moitié ivre, sur mon honneur. — Qui est à la porte, mon oncle ?
Messire Tobie. — Un gentilhomme.
Olivia. — Un gentilhomme ! quel gentilhomme ?
Messire Tobie. — C’est un gentilhomme qui…. Peste soit de ces harengs saurs ! — Comment va, imbécile !
Le Bouffon. — Bon Messire Tobie !
Olivia. — Oncle, oncle, comment se fait-il que vous soyez de si bon matin disposé à une pareille léthargie ?
Messire Tobie. — La liturgie ! je me moque de la liturgie. Il y a quelqu’un à la porte.
Olivia. — Oui, parbleu, mais qui c’est-il ?
Messire Tobie. — Que ce soit le diable, s’il veut, je ne m’en soucie pas : je vous dis de me croire. Après cela, cela m’est égal. (Il sort.)
Olivia. — À quoi ressemble un ivrogne, fou ?
Le Bouffon. — À un homme noyé, à un bouffon ou à un fou : une première rasade de trop en fait un bouffon, une seconde en fait un fou, une troisième le noie.
Olivia. — Alors, va-t’en chercher l’officier de police et qu’il examine mon oncle ; car il est ivre au troisième degré ; il est noyé. Va, surveille-le.
Le Bouffon. — II n’est encore que fou, Madame, et le bouffon va aller surveiller le fou. (Il sort.)
Malvolio. — Madame, le jeune homme qui est en bas, jure qu’il vous parlera. Je lui ai dit que vous étiez malade, il accepte de le croire et vient pour vous parler en conséquence : je lui ai dit que vous étiez endormie ; il semblait savoir aussi cela d’avance et en conséquence il vient pour vous parler. Que faut-il lui dire, Madame ? Il est cuirassé contre tout refus.
Olivia. — Dis-lui qu’il ne me parlera pas.
Malvolio. — Je le lui ai dit, et il répond qu’il se plantera à votre porte comme le poteau d’affiches d’un shériff et qu’il est décidé à devenir jambe de banc, mais qu’il vous parlera.
Olivia. — À quelle espèce d’homme appartient-il ?
Malvolio. — Parbleu, à l’espèce homme.
Olivia. — Quelle manière d’homme ?
Malvolio. — Un homme de très-mauvaises manières ; il veut vous parler que vous le vouliez ou non.
Olivia. — Quelle est sa personne et quel est son âge ?
Malvolio. — II n’est pas encore assez vieux pour un homme, et il n’est plus assez jeune pour un bambin ; c’est quelque chose comme une gousse de pois avant que les pois soient formés et comme un sauvageon au moment d’être une pomme ; il est entre deux eaux, quelque chose entre le bambin et l’homme. Il est très-joli de visage et parle avec beaucoup de mutinerie ; on jurerait presque qu’il a encore sur les lèvres le lait de sa mère.
Olivia. — Faites-le entrer : appelez ma femme de chambre.
Malvolio. — Mademoiselle, Madame vous appelle. (Il sort.)
Olivia. — Donnez-moi mon voile : allons, jetez-le sur mon visage ; nous allons une fois encore écouter le message d’Orsino.
Viola. — L’honorable Dame de cette maison, quelle est-elle ?
Olivia. — Parlez-moi et je répondrai pour elle. Que voulez-vous ?
Viola. — Très-brillante, exquise et incomparable beauté, dites-moi, je vous prie, si cette Dame-ci est la Dame de cette maison, car je ne l’ai jamais vue. Je serais désolé de perdre mon discours, car outre qu’il est extrêmement bien écrit, je me suis donné beaucoup de mal pour l’apprendre par cœur. Excellentes beautés, ne me faites essuyer aucun mépris ; je suis extrêmement sensible même aux traitements les moins blessants.
Olivia. — D’où venez-vous, Monsieur ?
Viola. — Je ne puis dire exactement que ce que j’ai appris par cœur, et la réponse à cette question ne se trouve pas dans ma leçon. — Aimable et excellente Dame, donnez-moi une certitude suffisante que vous êtes la Dame de la maison, afin que je puisse réciter mon discours.
Olivia. — Êtes-vous un comédien ?
Viola. — Non, mon profond cœur, et cependant par les griffes même de la malice, je jure que je ne suis pas le personnage que je joue. Êtes-vous la Dame de la maison ?
Olivia. — À moins que je ne m’usurpe moi-même, je la suis.
Viola. — Très-certainement, vous vous usurpez vous-même, si vous l’êtes ; car ce qui est vôtre pour le donner, n’est pas vôtre pour le conserver. Mais cela est en dehors de ma commission : je vais vous réciter mon discours à votre louange et vous montrer le cœur de mon message.
Olivia. — Arrivez tout de suite à ce qu’il a d’important ; je vous dispense des louanges.
Viola. — Hélas ! j’avais pris bien de la peine pour l’apprendre et il est poétique.
Olivia. — II n’en est que plus probable qu’il est menteur ; je vous en prie, gardez-le pour vous. J’ai appris que vous faisiez l’impertinent à mes portes, et si je vous ai permis d’entrer, c’est plutôt pour m’étonner de vous que pour vous écouter. Si vous n’êles que fou, allez-vous-en ; si vous avez un grain de raison, soyez bref ; je ne suis pas dans une lune à soutenir un dialogue aussi extravagant.
Maria. — Voulez-vous lever l’ancre, Monsieur ? voici votre chemin.
Viola. — Non, mon joli balayeur du pont ; il faut que je me balance ici encore un instant. Adoucissez un peu ce dragon, douce Dame.
Olivia. — Dites-moi ce que vous avez à me dire.
Viola. — Je suis un messager.
Olivia. — À coup sûr, il faut que vous ayez quelque hideuse affaire à m’apprendre, pour que votre politesse soit si craintive. Dites ce dont vous êtes chargé.
Viola. — Cela ne concerne que votre oreille. Je ne vous apporte pas de déclaration de guerre, ni d’obligation d’hommage ; je tiens la branche d’olivier à la main ; mes paroles sont aussi pacifiques qu’importantes.
Olivia. — Cependant vous aviez commencé grossièrement. Qui êtes-vous ? que voulez-vous ?
Viola. — La grossièreté que j’ai laissé paraître m’a été enseignée par la réception qui m’a été faite. Ce que je suis et ce que je voudrais sont des choses aussi secrètes que la virginité : pour votre oreille elles sont sacrées ; pour celle d’un autre, elles sont profanes.
Olivia à Maria. — Laissez-nous seuls, nous allons entendre ces choses sacrées. (Sort Maria.) Maintenant, Monsieur, le texte de votre sermon.
Viola. — Très douce Dame.
Olivia. — Voilà une doctrine consolante et sur laquelle on peut dire beaucoup. D’où tirez-vous votre texte ?
Viola. — Du cœur d’Orsino.
Olivia. — De son cœur ! De quel chapitre de son cœur ?
Viola. — Pour répondre méthodiquement, du premier chapitre de son cœur.
Olivia. — Oh ! je l’ai lu ; c’est hérésie pure. N’avez-vous rien d’autre à me dire ?
Viola. — Bonne Madame, laissez-moi voir votre visage.
Olivia. — Est-ce que vous avez reçu commission de votre seigneur pour négocier avec mon visage ? Vous êtes maintenant hors de votre texte ; mais nous allons tirer le rideau et vous montrer le portrait. Voyez, Monsieur, je ressemble exactement à celle qui était ici présente : le portrait n’est-il pas bien exécuté ? (Elle s’est dévoilée.)
Viola. — Admirablement bien, si c’est Dieu qui l’a fait tout entier.
Olivia. — II est sur matière solide, Monsieur ; il supportera le vent et la pluie.
Viola. — Les couleurs en sont admirablement fondues et c’est la main délicate et habile de la nature elle-même qui en a posé le rouge et le blanc : vous êtes, Madame, la femme la plus cruelle qui existe si vous avez l’intention de porter ces grâces au tombeau, sans en laisser au monde une copie.
Olivia. — Ô Monsieur, je n’aurai pas le cœur si dur ; je donnerai plusieurs listes de ma beauté : elle sera inventoriée, et chaque détail et particularité en seront couchés sur mon testament ; exemple : item deux lèvres d’un rouge passable ; item deux yeux gris avec des paupières ; item un cou, un menton et ainsi de suite. Avez-vous été envoyé ici pour faire mon estimation ?
Viola. — Je vois ce que vous êtes, vous êtes trop orgueilleuse ; mais quand bien même vous seriez le diable, vous êtes belle. Mon Seigneur et maître vous aime. Oh ! un tel amour ne peut être que récompensé, quand bien même vous seriez couronnée comme la beauté sans pareille !
Olivia. — Comment m’aime-t-il ?
Viola. — Avec des adorations, des larmes abondantes, des gémissements qui tonnent l’amour et des soupirs de feu.
Olivia. — Votre maître connaît mon sentiment ; je ne puis l’aimer. Pourtant je le suppose vertueux et je le connais pour noble, de grande condition, d’une jeunesse florissante et sans tache ; je sais qu’il jouit de l’estime générale, qu’il est libéral, instruit et vaillant, et que par la taille et les formes extérieures sa personne est gracieuse ; mais, cependant je ne puis l’aimer ; il y a longtemps déjà qu’il aurait dû se le tenir pour dit.
Viola. — Si je vous aimais avec la même flamme que mon maitre, avec les mêmes souffrances, avec la même mortelle violence, je ne trouverais aucun sens dans votre refus ; je ne voudrais pas le comprendre.
Olivia. — Eh bien, que feriez-vous ?
Viola. — Je me construirais une cabane en branches de saule à votre porte et j’appellerais mon âme qui habiterait cette demeure ; j’écrirais de loyales chansons d’amour méprisé et je les chanterais tout haut au cœur même de la nuit ; je crierais votre nom aux collines qui se le renverraient et je forcerais la babillarde commère de l’air à crier, Olivia ! Oh ! vous ne pourriez trouver de repos entre les éléments de l’air et de la terre que vous n’eussiez eu pitié de moi !
Olivia. — Vous pourriez faire beaucoup de choses. Quelle est votre parenté ?
Viola. — Supérieure à ma fortune, cependant ma condition est bonne : je suis un gentilhomme.
Olivia. — Retournez vers votre maître ; je ne puis l’aimer : qu’il n’envoie pas davantage, à moins que par aventure vous ne reveniez me trouver pour me dire comment il prend ma réponse. Portez-vous bien ; je vous remercie pour vos peines : dépensez ceci en mon honneur.
Viola. — Je ne suis pas un courrier salarié, Madame ; gardez votre bourse ; c’est mon maître, et non pas moi, qui a besoin de récompense. Que l’amour fasse de pierre le cœur de celui que vous aimerez, et puisse votre ardeur, comme celle de mon maître, s’adresser là où elle sera méprisée ! Adieu, belle cruauté. (Elle sort.’)
Olivia. — « Quelle est votre parenté ? — Supérieure à ma fortune, cependant ma condition est bonne ; je suis un gentilhomme. » Je jurerais que tu l’es ; ton parler, ton visage, ta tournure, tes actions, ton esprit, le donnent un quintuple blason. Pas trop vite ! doucement ! doucement ! il serait à craindre que le valet ne devînt le maître. Eh bien, qu’ai-je donc ? est-ce qu’on peut si vite attraper la peste ? il me semble que je sens les perfections de ce jeune homme se glisser dans mes yeux avec un mouvement invisible et subtil. Eh bien, soit ! — Holà, Malvolio !
Olivia. — Cours après ce même entêté messager, cet homme du duc ; il m’a laissé cet anneau, malgré ma volonté ; dis-lui que je n’en veux pas. Prie-le de ne pas leurrer son maître et de ne pas entretenir ses espérances ; je ne suis pas pour lui : si ce même jeune homme veut revenir ici demain, je lui donnerai les raisons de ma conduite. File, Malvolio.
Malvolio. — Oui, Madame. (Il sort.)
Olivia. — Je ne sais pas trop ce que je fais, et je crains que mes yeux ne jouent auprès de mou âme le rôle de trop grands enjôleurs. Destinée, montre ta force : nous ne sommes pas les maîtres de nous-mêmes ; ce qui est décrété doit arriver, et puisse-t-il en être ainsi ! (Elle sort.)
Malvolio. — Me voici, Madame, à votre service.