Voyage de Marco Polo/Livre 3/Chapitre 15
Il y a dans ce royaume une langue particulière, et les habitants vivent en bêtes. Ils reconnaissent le Grand Khan pour leur seigneur, mais ils ne lui payent aucun tribut, si ce n’est qu’ils lui envoient quelquefois des présents de bêtes sauvages. On trouve là une grande quantité d’éléphants et de licornes[1], et ces animaux sont un peu plus petits que les éléphants, ayant le poil d’un buffle et le pied comme un éléphant ; ils ont la tête faite comme un éléphant, et ils cherchent aussi bien que les cochons la boue et l’ordure ; ils portent une grosse corne noire au milieu du front ; ils ont la langue rude et ils en blessent souvent les hommes et les animaux. Ce pays abonde aussi en singes de diverses espèces, de grands et de petits, qui sont très semblables aux hommes. Les chasseurs les prennent et les épilent, excepté à l’endroit de la barbe et de certaines autres parties du corps ; et après les avoir tués, ils les assaisonnent de plusieurs herbes odoriférantes ; après cela ils les font sécher, et ils les vendent aux négociants, qui les portent en divers endroits de la terre et font accroire que ce sont de petits hommes que l’on trouve dans les îles de la mer.
- ↑ Sous le nom de licorne ou unicorne, qu’on donne souvent à un animal fabuleux, Marco Polo désigne évidemment le rhinocéros.