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Les Joyeusetés du Trépas

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Œuvres de Théophile Gautier — PoésiesLemerrePoésies vol. 2 (p. 218-219).


Les Joyeusetés du Trépas


 

De son destrier qui se cabre
Il jette à bas le chevalier,
Qu’il pousse à la danse macabre
En retournant le sablier ;

Avec un crâne joue aux quilles
Aux tonnelles des cabarets ;
Du boîteux casse les béquilles,
Du coureur coupe les jarrets ;
 
Pour modèle offrant son squelette,
Pose en Vénus[1] dans l’atelier ;
Arrache au peintre sa palette,
Fier comme Job sur son fumier !

Pousse une botte au maître d’armes,
Botte secrète et bien à fond ;
Prend l’enfant à la mère en larmes,
Ôte sa marotte au bouffon ;


Avec le camail du chanoine
Encadre son masque camus,
S’assoit dans la stalle du moine
Dont il interrompt l’Oremus ;

Pour s’y mettre, il chasse du trône
L’empereur tout pâle d’effroi,
Et pose sur son crâne jaune
La couronne arraché au roi ;

Malgré les clefs et la tiare
Il prend le pape au Vatican,
Et, railleur, au ballet bizarre
Il lui fait danser la cancan !

  1. Le vicomte de Spoelberch de Lovenjoul, dans l’Histoire des œuvres de Théophile Gautier, dit que ce mot est une faute d’impression, et qu’on devrait lire « pose en vernis ».