L’Adjuvilo/Appendice

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Claudius Colas (Prof. V. Esperema)
(p. 29-31).

Appendice

L’s du pluriel.

L’s est incomparablement la forme la plus internationale du pluriel.

On le trouve : dans les quatre langues européennes les plus répandues dans le monde, — puisqu’elles sont, à elles quatre, langues officielles de 28 ou 29 nations : l’anglais, l’espagnol, le français et le portugais. Quand on ne le rencontrerait dans aucun autre idiome, cela suffirait pour l’imposer à la langue internationale, puisque les tributaires de ces quatre langues forment déjà un total de plus de 350 millions d’âmes !

Mais tel n’est point le cas. L’s est la marque caractéristique du pluriel non seulement des grandes langues que nous venons de nommer, mais encore de l’Indo-Européen primitif.

Il est la forme du pluriel en sanscrit.

Le grec et le latin l’ont à toutes les déclinaisons ; le lithuanien a une catégorie très nombreuse de mots qui forment leur pluriel en s. Point plus remarquable encore : les peuples mêmes qui ont fini par le perdre dans la langue officielle, l’ont conservé dans plusieurs dialectes : C’est ainsi qu’on dit en gothique vulfos (les loups) ; en vieux saxon : dagos (jours)… exactement comme en Adjuvilo !!

Une foule de patois italiens ont conservé l’s du pluriel : tel le Piémontais, le frioul, le grison, etc…

Seules des raisons dictées, non par la science, mais par un injustifiable « sentiment linguistique » pourraient lui opposer le pluriel en i.

D’ailleurs les savants les plus éminents qui s’occupent de la L. I. se rallient peu à peu au pluriel en s, qui est devenu celui de l’Académia pro Interlingua, dont le directeur, M. Peano, est un savant et un linguiste universellement apprécié[1].

L’infinitif en i.

La désinence i est, dans une langue internationale qui affecte, à chaque espèce de mot une terminaison (voyelle) particulière, la seule convenable pour désigner l’infinitif (voir page 13).

Mais elle se recommande en outre par son internationalité :

L’i comme marque de l’infinitif se rencontre en latin : pati et mori. On la trouve en lithuanien, à tous les infinitifs sans exception. Elle est la marque infinitive de la langue hongroise puis de la langue tchèque, du croate, du serbe, et de plusieurs autres langues slaves ; les verbes russes se terminent en ti. Par une curieuse coincidence on la rencontre jusque dans le japonais.

Enfin, l’i comme terminaison du verbe à l’infinitif est connue de plus de 30 millions de Français, de tous ou presque tous les Italiens et d’un grand nombre d’Espagnols et de Portugais. L’évolution des langues néolalines a fait tomber l’r finale dans toutes les idiomes dont l’écriture n’a point fixé la forme. Même dans le français officiel, l’r de l’infinitif de la 1ere conjugaison ne se prononce plus : on écrit aimer mais l’on prononce aimé.

Dans tous les patois français : normand, picard, bourguignon, franc-comtois, etc., et dans tous ceux du midi, l’r de la 2e conjugaison est tombé, et l’on dit dormi, veni, couri, pour dormir, venir, courir[2]. Il en est de même des patois italiens et de certains patois espagnols. Mieux encore, on rencontre dans ces divers patois bon nombre de verbes de la 1ere et de la 3me conjugaison qui ont la forme infinitive en i (exemple couchi, toussi, plouri, pleuvi, pour coucher, tousser, pleurer, pleuvoir).

Quelle forme pourrait-on bien lui opposer au nom de l’internationalité ?

La terminaison verbale en n.

De même que l’s est la caractéristique indo-européenne du pluriel, de même la lettre n est la caractéristique verbale par excellence de la même famille. Celle lettre se trouve à la 3e personne du pluriel des langues latines et néolatines ainsi qu’au participe ou gérondif des mêmes langues.

On la trouve comme terminaison verbale en allemand, en flamand et dans plusieurs langues ou idiomes germaniques. Le persan possède comme terminaison verbale : -on le pehlvi : -an ; le sanskrit : -un, le grec : -ein, le teuton : -an, -en, -in, -on ; l’anglo-saxon et le goth : -an, l’irlandais : -an, on (ou om) un, le breton : -an et on. L’n verbal se retrouve encore dans toutes les langues indiennes de la famille dravidienne. Le tamoul, notamment, le possède à tous les temps (principalement à la 1ere personne du singulier et du pluriel et à la 3e du singulier).

Que peut encore opposer à cela le sentiment linguistique de M. de B. ?


  1. Nous sommes fiers à juste titre du jugement que M. le Professeur Peano n’a pas craint de porter publiquement sur l’Adjuvilo, qui est, dit-il, « un grand progrès sur l’Ido. » Discussiones, no de Juin 1910, page 106. Fratres Bocca, éditores, Torino.
  2. Nous sommes loin des dormar, venar, et kurar de l’Ido.