L’Orthopédie/Thèse

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AVIS.


La piece qui suit, est la traduction d’une These latine que j’ai fait soutenir deux fois aux Ecoles de Médecine de Paris, touchant l’excellence de l’exercice pour la conservation de la santé. Elle a été soutenue la premiere fois, le 4. Mars 1723. par M. le Thieullier, alors Bachelier en Médecine, & aujourd’hui Docteur et Praticien célébre ; la seconde, le 23. Mars 1741. par M… aussi Bachelier. La premiere Edition qui en a été faite par M. le Thieullier en 1723 est correcte ; mais le seconde qu’en a faite M… en 1741. l’est si peu, que je suis obligé de la desavouer ; ce dernier Editeur sur lequel je m’étois reposé, n’ayant pû moi-même veiller à l’Edition, parce que j’étois malade, y a laissé un si grand nombre de fautes de latinité, que le langage n’en est pas tolerable. Je déclare donc qu’il n’y a que la premiere Edition, & cette troisiéme qu’on verra ici, qui soient conformes à l’original que j’ai donné.

Au reste, comme c’est une These qui a beaucoup de rapport avec la matiere que je traite dans l’Orthopédie, j’ai crû que je pouvoir la joindre à ce traité, en la traduisant, & renvoyant le latin à la fin de la traduction.


THESE SOUTENUE

Aux Ecoles de la Faculté de Médecine de Paris, le 4. Mars 1723. & le 23. Mars 1741. sous la Présidence de M. Andry, Docteur-Regent de la même Faculté, Lecteur, Professeur & Censeur Royal : Sçavoir, si l’exercice moderé est le meilleur moyen de se conserver en santé ?


I.



De tous les moyens propres à éloigner, & même à guérir un grand nombre d’infirmités, ausquelles le corps humain est sujet, il n’en est point qui ne le cede à l’exercice. Il réveille la chaleur naturelle, il dissipe les humeurs superflues, corrige les mauvaises, donne de l’agilité aux muscles, fortifie les nerfs & les jointures, ouvre les pores, & favorise la transpiration : avantages qui doivent nécessairement procurer de la force à tout le corps, faciliter les fonctions des sens, entretenir la respiration libre, conserver les mouvemens reguliers du cœur, aider aux organes de la digestion à dissoudre les alimens, à les assimiler, & à chasser ce qui en reste d’inutile.

Le grand repos suspend l’action des esprits animaux, qui sont les principaux auteurs du mouvement, & il engourdit les nerfs. Alors le sang ne peut être poussé jusqu’aux extrémités des arteres ; les obstructions s’accumulent, & bien-tôt ce précieux liquide intercepté dans son cours, par les obstacles qu’il rencontre, n’a de force que ce qui lui en faut, pour tenir quelque temps une vie languissante, où sa mort ne trouve presque plus rien à détruire ; au lieu que par l’exercice modéré, il se fait une distribution de la chaleur naturelle à toutes les parties du corps, comme il paroît d’abord par la couleur vermeille que prend le visage, En un mot, on ne doit attendre du défaut d’exercice, qu’un amas d’humeurs croupissantes, dont les effets ordinaires sont des Catherres, des Rhumatismes, des Paralysies des Gravelles, des Goutes & autres maladies semblables.

II.

Les secours qui se tirent de l’exercice pour l’entretien de la santé, sont, dans toutes leurs circonstances, infiniment au dessus ce ceux qui se tirent des médicamens ; les médicamens sont rebutans, & l’exercice est agréable ; l’effet de ceux-là est incertain, & l’effet de l’exercice est toûjours immanquable ; ceux-là n’agissent pour l’ordinaire, que sur les parties fluides ; & encore, avant qu’ils aient pénétré jusques dans le sang, ils subissent tant d’altérations, que lorsqu’ils y arrivent, ils ont perdu presque toute leur vertu. Mais l’exercice porte son action tant sur les parties solides que sur les fluides, & agit immédiatement sur les unes & sur les autres. L’exercice, outre cela, est un secours toûjours prêt, & qu’on a, pour ainsi dire, sous sa main, toutes les fois que l’on veut ; de plus, ses effets salutaires s’étendent presque à tout : Est-il question, par exemple, de rendre une grossesse heureuse, & de faire qu’elle soit suivie d’un accouchement facile ? Qu’y a-t-il de plus efficace pour ce dessein, qu’une douce promenade ? Faut-il procurer le sommeil à un enfant qui a peine à dormir, ou appaiser des tranchées qui le tourmentent ? quel moyen plus prompt & plus infaillible en cette occasion, que de le bercer ? Cette sorte de mouvement est même si sain de sa nature, qu’il convient dans toutes sortes d’âge, pour la guérison de plusieurs maladies ; témoin ce qui se pratique en quelques Pays où l’on ne connoît pas d’expédient plus sûr pour faciliter la circulation du sang, & rétablir promptement ceux qui relevent de maladies longues & dangereuses, que de les bercer dans des lits suspendus en l’air, que l’on fait mouvoir à reprises reglées, en deçà & en delà. S’agit-il d’arrêter dans un enfant qui se nouë, le progrès de la chartre, ou de prévenir absolument ce mal, il n’y a pas de conduite plus sure pour venir à bout de l’un & de l’autre, que d’agiter l’enfant par le moyen d’une espece d’escarpolette, dans laquelle on lui engage le corps, à l’aide d’un cordon plat qui lui embrasse la poitrine, lui passe sous les aisselles, & venant en même temps tourner sous le menton, lui soutient la tête : On balance l’enfant de côté & d’autre dans cette machine, & alors la pesanteur de son corps suspendu, oblige les ligamens à se relâcher & à s’allonger ; mais ce qui contribue encore à cet allongement, c’est la joye que ressentent quelques enfans, de se voir ainsi bercés : cette joye leur fait faire des mouvemens extraordinaires, qui sont d’un grand secours pour leur dégager l’épine, les bras & les jambes ; car tous les muscles en ce temps-là sont en action.

Veut-on renouveller la vigueur dans un corps robuste, diminuer le volume des humeurs qui surabondent, aider la coction de celles qui sont crues, rappeller l’appetit perdu ? l’exercice de la chasse convient. Est-il besoin de donner du ressort aux fibres trop lâches de l’estomac, d’affermir l’épine, de fortifier les extrémités supérieures & inférieures ? on en trouve un moyen aisé dans l’exercice du cheval, & dans celui de la danse ; ce dernier particulièrement donne de la flexibilité aux cuisses, aux jambes & aux pieds, & rend tout le corps agile & dispos. Il inspire, outre cela, de la gayeté, & produit dans toute la personne une contenance qui plaît ; mais quand je parle de danses, je n’entends parler que de celles qui sont licites, & non de ces danses plus dignes de bateleurs que d’honnêtes gens.

A-t-on en vûë de rendre le corps encore plus vigoureux, de fortifier les visceres, d’extenuer une complexion trop réplette ? l’exercice de la Paulme, du Mail, du Balon, du Floret, est alors convenable. La Paulme agite tout le corps ; le Mail a cela d’avantageux, qu’étant inséparable de la promenade, il n’est pas seulement bon pour l’affermissement des bras, des jambes & de pieds, mais encore pour procurer à tout l’habitude du corps une grande mobilité. Le Balon contraignant de courir avec légéreté & la tête levée, rend aussi le corps extrêmement souple & droit. Pour ce qui est du Fleuret, il est peu d’exercice qui contribue plus à l’accroissement & à l’aggrandissement de toutes les parties, sur-tout des bras & des jambes. Le jeu de Quilles est encore à propos, comme il demande qu’on se courbe sans cesse, & qu’on tourne les bras en divers sens, il ne peut qu’être très-favorable.

Voulez-vous fortifier le bras droit & les bouts des pieds, qu’y a-t-il de plus propre à ce dessein que le Billard ?

Tous ces exercices & autres que nous passons, ont une grande vertu pour prévenir bien des infirmités, & pour donner de la vigueur. Il ne faut pas oublier ici les exercices que sont obligés de faire les gens de la campagne & certains ouvriers ; comme de foüir la terre, de labourer, de porter des fardeaux, de ramer, &c. Si les Paysans sont si forts & si infatigables, s’ils ne sçavent ce que c’est que la goute, ni tant d’autres infirmités qui obsedent les maisons des Grands, c’est à leurs travaux journaliers qu’ils doivent ce privilege.


III.

Ce qui montre bien le pouvoir de l’exercice, c’est l’avantage de la main droite sur la gauche. D’où vient en effet qu’elle est supérieure en force, si non de ce qu’elle a été accoutumée à de plus grands exercices ? Mais si la main droite, objectera-t-on, tenoit du sur-plus d’exercice auquel elle a été accoutumée, le sur-plus de force dont elle joüit, il s’ensuivroit que l’œil droit & la jambe droite ne devroient pas avoir plus de force que l’œil gauche & la jambe gauche ; ce qui est cependant contraire à l’expérience. Je réponds que si l’œil droit & la jambe droite, sans avoir éprouvé plus d’exercice, ont néanmoins plus de force, que l’œil gauche & la jambe gauche, c’est que les esprits animaux déterminés par l’exercice surabondant de la main droite à venir en plus grande quantité vers le côté droit, refluent sur toutes les parties de ce même côté, & par conséquent sur l’œil & sur la jambe. Il y a des peuples chez lesquels les enfans sont élevés à se servir de la main gauche, comme ils sont élevés à se servir ailleurs de la droite, & les nourrices ne souffrent pas qu’ils prennent d’une autre main que de la gauche la plûpart choses qu’on leur présente. Or ces peuples ont la main droite beaucoup plus foible que la gauche, qui est celle dont ils se servent pour écrire, pour porter leurs armes, pour travailler, en un mot pour toutes les choses ausquelles nous employons la droite, qu’en langage de leur Pays ils appellent d’un nom qui veut dire la foible main.

C’est un fait connu, que dans ceux qui ont perdu le bras droit, cette perte est abondamment réparée par le sur-plus de force & d’agilité dont joüissent alors le bras & la main gauches. On voit nombre de ces manchots écrire, dessiner, coudre, & faire plusieurs autres ouvrages de la main gauche avec la derniere perfection : Or d’où peut provenir cette compensation, que de ce que la partie qui supplée à l’autre, est plus exercée qu’elle n’étoit ? Ceux qui, à cause de quelque fracture, d’une luxation, d’une inflammation, &c. demeurent long-temps sans agir, ne manquent point de contracter un engourdissement qu’ils ont beaucoup de peine à vaincre, quand ils veulent se remettre à leurs premieres occupations. On en voit qui pour avoir tenu pendant un trop grand nombre de jours, le bras plié sur la poitrine, de peur qu’une saignée ne vînt à se r’ouvrir, ne peuvent plus étendre le bras quand il s’agit de s’en servir.

On a l’exemple d’une infinité de gens qui menant une vie sédentaire, étoient sujets à toutes sortes d’infirmités, & qui ensuite obligés par des procès inattendus, à se donner du mouvement, à visiter leurs Avocats, à solliciter leurs Juges, ont acquis une santé que tous les régimes & tous les rémédes du monde n’avoient pû leur obtenir.

Il entre tous les jours dans les Hôpitaux, au service des malades, un grand nombre de filles délicates, qu’on ne croiroit jamais à l’épreuve du moindre travail, lesquelles cependant acquierent dans peu, par les fatigues qu’elles sont contraintes d’essuyer, un tempéramment si fort, qu’on auroit peine à se persuader que ce fussent les mêmes personnes.

La plûpart des Médecins jouïssent d’une excellente santé ; on ne la sçauroit attribuer à aucun réméde qu’ils fassent ; ils n’ont pas le temps d’en faire. Les régles même qu’ils prescrivent aux autres pour le régime, sont par eux violées, ne leur étant presque jamais permis de prendre aux heures nécessaires, le repos que demande la digestion. A quoi donc attribuer leur santé, qu’à l’exercice qu’ils font continuellement, allant & venant sans cesse, montant, descendant, & étant toûjours en action. C’est à cet exercice, sans doute, que les Médecins, qui dans les dernieres pestes de Marseille, d’Aix, de Toulon, de Marvejols & de la Canourgue, se sont livrés avec tant de courage au traitement des pestiferés, doivent le bonheur qu’ils ont eu d’échapper à un mal si terrible, & qui pardonne si peu.

L’exercice, outre une infinité d’avantages qu’il renferme, a encore celui de distraire l’esprit de l’application qu’on donneroit au danger que l’on court dans un temps de contagion, & diminuant par ce moyen, la crainte, dont le propre est de concentrer le sang & les esprits, il devient un des meilleurs préservatifs de la peste. En effet, les corpuscules pestilentiels ne trouvent jamais les pores de la peau & les autres voyes du corps, plus en état de les recevoir, que dans le cas de la concentration dont nous parlons ; d’où il suit que ce qui empêche cette concentration, & entretient le mouvement de dedans en dehors, qui pendant la santé, se fait à toute heure du jour & de la nuit, est le plus grand obstacle que la maladie dont il s’agit, puisse trouver pour s’introduire. Or l’exercice produit cet effet, tant par l’éloignement de la crainte, que par l’action du corps.

Les Eaux Minérales que l’on boit pour la guérison de tant de maladies, ne réüssissent qu’à l’aide de l’exercice dont on accompagne leur usage ; cet exercice est la promenade, & on en tire de si grands secours en cette rencontre, qu’il y a souvent lieu de douter si cette promenade n’est point la principale cause, pour ne pas dire l’unique de la guérison qu’on attribue à ces Eaux.


IV.

La promenade dont nous parlons, est un exercice moderé, composé du mouvement alternatif des jambes & des pieds, par lequel on se transporte doucement & par recréation d’un lieu à un autre. A ce mouvement contribuent les articles des cuisses, conjointement avec ceux des jarrets, des talons & des orteüils ; ce qui le rend un des plus propres à mouvoir généralement tout le corps ; ces sortes de parties ne pouvant être agitées, que presque toutes les autres ne s’en ressentent : d’où il arrive que la promenade ne favorise pas seulement les fonctions des extrêmités, mais qu’elle aide à cracher, qu’elle fortifie l’estomac, qu’elle empêche les alimens de s’y aigrir, qu’elle détourne les eaux qui ont coûtume d’accabler la tête, qu’elle détache le sable des reins, qu’elle affermit les membres tremblans, qu’elle dissipe les ventosités, qu’elle éclaircit les yeux & dégage le cerveau. Enfin la promenade est d’autant plus salutaire, qu’elle est propre à tout âge, à tout sexe, & à toutes sortes de temperamens. S’il est cependant quelque âge auquel elle puisse être plus utile, c’est aux enfans & aux vieillards. Dans les vieillards la chaleur naturelle qui décline, seroit en risque de s’éteindre tout-à-fait par l’amas de la pituite qui les surcharge, si quelque exercice doux, tel que celui de la promenade, ne dissipoit en eux une partie de cette pituite. Dans les enfans, la chaleur naturelle qui ne fait que de naître, & qui est par conséquent encore foible, ne résisteroit pas non plus long-temps à l’abondance des sérosités, si l’on ne songeoit à dissiper ces sérosités par le même secours, qui est le plus proportionné à la foiblesse de leur âge. C’est faute d’évacuer par un exercice suffisant cette pituite dominante, que tant d’enfans sont sujets les uns aux écroüelles, les autres à l’épilepsie, &c. Il faut donc que les parens ayent soin de laisser beaucoup promener leurs enfans, & lorsque ces enfans sont parvenus à un certain âge, de les laisser aller à la chasse, & de les faire souvent monter à cheval, de peur que les sucs destinés par la nature à l’accroissement de leurs corps, ne se corrompent par le repos.

Un des meilleurs exercices que les enfans de condition puissent choisir pour leur santé, c’est celui de la Course, de la Lutte, des Ballets, des Carrousels. Quant aux enfans qui ne sont pas encore propres à des exercices si forts, on doit leur faire joindre de temps en temps à celui de la promenade, les petits jeux de leur âge, tels que la Cligne-musette, le Cloche-pied, le Colin-maillard, le Volant, la Toupie, le Sabot, &c. Le Sabot qu’il font tourner à coups de foüet redoublés, rend les cuisses & les bras flexibles. La Toupie produit le même effet, mais avec moins d’effort. Le Volant oblige le corps à se mouvoir de tous les sens, ce qui ne sert pas peu à le dégourdir.

Il y a certains jeux néanmoins que nous ne sçaurions approuver, & qui peuvent nuire à la santé des enfans : De ce genre sont tous ceux qui consistent à tourner soit autour d’une table, d’un arbre ou d’autre chose semblable, soit autour de soi. De tels mouvemens dans cet âge tendre étant capables de déranger les organes du cerveau, de causer des vertiges, de troubler la vûë. On peut mettre aussi de ce rang les escarpolettes, lorsque les enfans ont de la disposition à égarer les yeux.


V.

On objectera contre ce que nous venons d’avancer en faveur de l’exercice ; 1o. qu’il se voit tous les jours une infinité de personnes de l’un & de l’autre sexe, qui vivent renfermées dans des Cloîtres ; & qui ne laissent pas, nonobstant cette vie sédentaire de joüir d’une santé parfaite ; 2o. que le repos est le préservatif de plusieurs maladies ; témoin, entre autres, les pleurésies qui ne viennent que de s’être exercé ; 3o. que le travail mine le corps, ce que le repos ne fait pas.

Quant à la premiere objection je réponds, 1o. Que les personnes cloîtrées trouvent dans leurs Monastéres des jardins propres à l’exercice de la promenade, & qu’il y a même plusieurs de ces Ordres cloîtrés, qui ont la liberté de sortir certains jours pour aller s’expacier en pleine campagne, tels sont en quelques Provinces les Chartreux ; 2o. Que dans les Cloîtres on passe son loisir à divers amusemens qui ne servent pas peu à exercer le corps ; les Chartreux, par exemple, outre le soin qu’ils se donnent de cultiver chacun de petits jardins qui sont dans l’enclos de leurs cellules, travaillent à plusieurs ouvrages de la main, qui en les récréant, les exercent, comme sont divers ouvrages de tour & de ménuiserie. 3o. Que le Chœur qui fait l’occupation journaliere des Cloîtres, est un exercice qui vaut seul tous les autres ; le chant met en action tous les muscles de la bouche & des parties voisines, & à cause de la fréquente contraction qui se fait alors dans ses parties, il arrive que la filtration des liqueurs & leur circulation s’opere plus parfaitement. Le mouvement de la voix influe jusques dans les endroits les plus intimes du corps, il met en action tous les esprits animaux, non seulement pour ce qui concerne le dehors, comme font les frictions, mais pour ce qui concerne les visceres les plus éloignés, c’est la raison pourquoi les personnes cloîtrées, quoiqu’elles ne paroissent pas faire beaucoup d’exercice, ne laissent pas de se bien porter ; cet exercice de la voix suppléant à celui qu’elles ne peuvent faire ; les esprits animaux poussés par la voix, s’insinuent plus facilement dans les tuyaux des fibres & des nerfs ; l’air agité par les organes vocaux, frappe plus fortement tout le sistême de l’œconomie animale. De-là vient la fermentation légitime des humeurs, de-là leur fluïdité, de-là l’évacuation de la matière transpirable, évacuation que tous les rémédes diaphorétiques ont bien de la peine à opérer. Enfin l’action de la voix & de la parole a tant de vertu pour exercer le corps, qu’on ne pourroit pas nier que ce ne fût peut-être pour cela, que les femmes ont moins besoin d’exercice que les hommes, celles-ci étant plus sujettes à parler, en quoi la nature est admirable.

Nombre de Prédicateurs & d’Avocats doivent leur santé au grand exercice qu’ils font de leur voix. Ils se déchargent par là, d’un surcroît d’humeurs qui les accableroient. Les cris même que les enfans ont coûtume de pousser, sont de puissans moyens que la nature employe pour faire croître plus facilement & plus promptement leur petit corps ; ces cris servant à faire aller les sucs nourriciers dans les vaisseaux les plus reculés, ce qui oblige nécessairement les parties à se développer. Nous pouvons citer sur cela l’exemple des indiens, qui, au rapport de Christien Warlitz dans son Livre intitulé : Scrutinium Lacrymarum, font tenir toûjours auprès du berceau de leurs enfans, des orties prêtes, dont on les touche de temps en temps, pour les faire crier, parce qu’ils ne crient presque jamais d’eux-mêmes. Ces Peuples n’alleguent point d’autre raison de cette conduite, si non que c’est pour procurer à leurs enfans une meilleure santé & une plus longue vie.

Asclepiade & Erasistrate ont osé condamner toutes sortes d’exercices, comme nuisibles à la santé, & ont regardé le repos comme le plus sûr moyen de vivre longtemps ; mais ils se sont en cela considérablement trompés. Le repos a véritablement ses avantages, il répare les esprits dissipés, & délasse le corps fatigué, il sert à la guérison d’un grand nombre de maladies ; mais que sous ce prétexte il faille s’abstenir de tout exercice ; c’est une grande erreur. Il est plus facile de faire excès de repos que d’exercice : & si l’on dit que la pleurésie vient pour s’être trop exercé, l’expérience montre au contraire, que c’est moins à l’exercice, qu’au subit repos qu’est dûë cette maladie. Qu’on ne nous oppose point que le travail mine le corps ; car il en est de nos corps comme du fer, qui s’use étant employé ; mais que la rouille use bien davantage. Qu’on se souvienne que l’abus du repos est beaucoup plus dangereux que celui de l’exercice. Jamais l’exercice n’a rendu les membres perclus, & le repos produit tous les jours cet effet en une infinité d’occasions. Il y a dans l’espace où s’articulent les extrémités des os, une humeur épaisse & glissante, appellée l’Humeur articulaire, laquelle sert au mouvement des articles : Quand cette humeur vient à être ou trop abondante ou trop visqueuse, elle est plûtôt un obstacle qu’une aide au mouvement dont il s’agit : La partie devient lourde alors, pesante & sans action. Quelquefois même cette viscosité est telle, qu’elle va jusqu’à la concrétion, ce qui cause alors de grandes douleurs ; or cette abondance & cette épaisseur sont les effets ordinaires du grand repos.

Rien donc n’est plus avantageux pour la santé, que l’exercice modéré ; mais il faut que cet exercice qui doit être proportionné à l’âge, au tempéramment & au sexe, soit placé en certain temps, & ne passe pas une certaine mesure : Quant au temps, il est à propos 1o. de ne s’exercer que le moins qu’il se peut au sortir du repas, 2o. d’avoir soin que les évacuations ordinaires que demandent les intestins & la vessie soient faites, 3o. de se promener en Eté avant que le Soleil soit monté sur l’horison, & un peu après qu’il est couché ; en Automne & au Printemps, environ deux heures après le lever du Soleil, & quand il se couche ; en Hyver sur l’heure de midi.

Quelques Auteurs conseillent de s’abstenir d’exercice le premier de May & le dernier de Septembre & d’Avril, comme de chose très-contraire à la santé : Ce principe n’est pas moins opposé à la saine raison, que celui de l’Ecole de Salerne, de ne point manger de chair d’oye ou de canard ces jours-là ; de ne point, non plus, se faire saigner ces mêmes jours, & de fuir en de tels temps l’un & l’autre, comme on fuiroit une hydre, c’est le terme du précepte. On peut consulter sur cela le docte Lommius, qui dans l’Epître Dédicatoire de son Commentaire sur Celse, ne fait pas difficulté de dire qu’il y a peu de Livres plus remplis d’ignorance, que l’Ouvrage intitulé : L’Ecole de Salerne.

Deux femmes nommées Trotusa & Rebeca-Guarna, passent pour s’être signalées dans cette prétenduë Ecole, & y avoir même enfanté plusieurs Livres de Médecine : Il est plus convenable d’attribuer à ces Docteurs femelles l’Ouvrage en question, intitulé, l’Ecole de Salerne, que de l’imputer à des hommes un peu éclairés.

Pour ce qui est de la mesure, ou durée de l’exercice, la régle générale qu’il faut suivre en cela, c’est d’interrompre l’exercice, non tout-d’un-coup, mais peu à peu, & par degré, lorsqu’on voit que les vaisseaux commencent à se gonfler, que la respiration devient moins libre, que la rougeur du visage augmente considérablement, que la peau est suante, & que l’on sent de la lassitude.

Tout le monde ne peut pas suivre cette régle ; tels sont ceux qui gagnant leur vie à la sueur de leur front, sont contraints de travailler sans cesse. Ces gens-là cependant ne laissent pas de se soutenir au milieu de leurs travaux continuels, & leur santé s’en trouve même si peu altérée, que lorsque quelques-uns d’eux se voyant parvenus à meilleure fortune, veulent mener une vie plus tranquile, ils ne manquent point d’être attaqués de diverses infirmités, dont ils ne peuvent se délivrer parfaitement, qu’en se remettant à leur premiere vie. Admirons cela la Providence divine, qui, en condamnant l’homme au travail en punition de son péché, l’a condamné à une peine, dont il retire d’ailleurs de si grands avantages.

Au reste, ce n’est pas à l’homme seulement que l’exercice est bon, tous les animaux en ont besoin, sans excepter ceux même qui sont les plus lents, & les plus endormis de leur nature, tels que les limaçons & les loirs. Il n’est pas jusqu’aux vegetaux qui puissent se passer absolument d’exercice. Cet exercice consiste dans l’agitation que le vent donne à leurs branches & à leurs feüilles, agitation qui empêche la seve de se rallentir dans son cours, & qui l’aide à circuler. La plus basse violette, comme le plus haut chêne, aime cette agitation des vents.

QUÆSTIO MEDICA,

Cardinalitiis Disputationibus manè discussa, in scholis Medicorum, die 4. Martii 1723. & 23. Martii 1741. Præside M. Nicolao Andry, Doctore Medico, Lectore ac Professore Regio, nec non Librorum Censore.


An præcipua valetudinis tutela Exercitatio ?


I.


In iis omnibus quæ ad bonam integramque corporis constitutionem tuendam, plurimosque ejusdem languores præcavendos ac propulsandos conferre maximè valent, primum sibi locum vendicat exercitatio. Est enim hæc caloris innati suscitatrix, exuperantium humoruro castigatrix, corruptorum emendatrix, agilitatis ac promptitudinis artuum parens legitima, nervis ac juncturis roborandis idoneum auxilium, nec non præstantissima apertionis pororum ac meatuum causa : unde fit ut singulæ corporis partes firmentur, instaurentur, omnium sensuum munera obeantur alacriùs ; liberior evadat aëris inspiratio & exspiratio, cordis vigor ac robur conservetur, partes quoque nutritioni inservientes alimenta meliùs concoquant assimilent ; eorumque residuum citiùs eliminent.

Segnities corpus hebetat ; ob nimiam enim, & diuturnam quietem spiritus animales motuum opifices situm ferè contrahunt, ac nervosum genus torporem quendam induit. Sanguis intereà non ritè progreditur usque ad extremos & minimos arteriarum ramulos, sed obstructiones fiunt, & cruor ab infarciente materiâ interclusus, ab ejusdem compedibus se se expedire vix potest. Nativus denique calor quasi sepultus jacet, quem è contra moderatus corporis motus diffundit in omnes partes, unde corporis habitus, suffuso colore, floridus apparet post exercitium. In desidiosis, lentorum humorum apparatus aggeritur, Rumatismos, Apoplexias, Paralyses, Calculos, Arthritides, aliosque quos hîc recensere longum foret, morbos miserè procreans, in quibus omnigena se prodit Catarrhorum cohors.


II.

Ad valetudinis tutelam, nec tot, nec tanta speres à medicamentis, quot & quanta ab exercitio : Hoc gratum & jucundum, ingrata illa ; hoc efficacissimum, illa dubii eventus ; hoc partes cùm solidas, tùm fluidas immediatè juvat ; illa in fluidas dumtaxat vim suam ut plurimùm exerunt, & antequàm ad sanguinem pervenerint, ita immutantur, ut vim illam magnâ ex parte amittant.

Exercitatio prætere ubique præsto est, nihilque ferè est adjumenti & præsidii, quod ab eâ expectare sanitas non possit ; vis felicem partum prægnanti conciliare ? Quid in hunc finem paulò validiori ambulatione utiliùs ; dummodò mediis gestationis mensibus instituatur ? Vis infanti somnum accersere, ejusque consuetos dolores lenire ? Quid efficacius quàm ipsius agitatio in cunis ? Quin & adultis eadem quoque est quibusdam in regionibus lectulorum pensilium ratio ; qui, blando suo motu, debitum sanguinis circuitum restituunt, iisque qui à diuturnis morbis convalescunt, apprimè conveniunt. Vis rachitidem præcavere, quin & curare ? Quid aptius excogiutum est, quàm infantem, certis quibusdam fasciis caput & pectus circum-amplexantibus, ac infrà axillas & mentum religatis, perque ansulas binas, alteram à dextro latere, à sinistro alteram dispositas, brachiotum exitum sinentibus, iisque ad laquearia longiori fune, seu duplici, seu quadruplici connexis, suspensum tenere, multiplicique itu & reditu, leniter librare ? Hâc namque oscillatione identidem repetitâ relaxantur & distenduntur teneri corporis ligamenta, cui operi adimplendo non mediocriter conducunt varii illi motus quos, præ gaudio, edit infans, dum sic agitante exultat. His enim membrorum subsultibus, spina, brachia & crura in longum porrigi coguntur. Vis in robustis adultorum corporibus nativum calorem excitare, luxuriantes succos minuere, crudorum humorum coctionem adjuvare, conditiora reddere cibaria ? Id insigniter præstat venatio & aucupium. Vis stomachi languentis tonum firmare, caput & truncum dirigere, extremosque artus ? Id præstat Equitatio & saltatio. Hæc certè crura & pedes roborat, redditque flexiliora. Utile profectò ac gratùm exercitii genus ; corpus agile & promptum efficit, mentem exhilarat, vividum colorem conciliat, vultum & reliquum corporis habitum ad decentem & concinnam speciem efformat ; verùm illas tantum saltationes choreasque commendamus, quæ licitæ sunt, non eas quæ fines honestatis transiliunt, circulatoribusque potiùs, quam hominibus liberali ingenio natis, conveniunt. Vis corpus ad validiores labores sustinendos habile reddere, vitales actiones roborare, habitumque crassum & obesum extenuare ? Id præstat sive majoris, sive minoris pilæ ludus ; præstat & pilæ-mallæus ; qui postremus cùm adjunctam habeat ambulationem, non solùm firmandis brachiis, dorso & cruribus aptissimus est, sed & totius corporis mobilitati procurandæ : Præstat & folliculus, sive pilæ inanis ludus tum majoris quæ ex corio, tum minoris, quæ ex Scroto taurino, aëris intrusione inflato, conficitur ; quâ exercitatione crura non solum brachiaque potissimùm, sed currendo tota corporis moles roboratur : Præstat insigniter Hoplomachia, seu digladiatio quæ fit instrumentis ferreis, ensis speciem referentibus, sed obtusis, bovinâque lanugine in acumine vestitis ; præstat & trunculorum ludus propter scilicet celerem incessum, brachii utriusque agitationem, & variam in varias partes corporis complicationem ; præstat etiam globulorum sive curtorum, ut dicitur, sive longorum lusus, hoc tamen discrimine, quod longorum, robustiores lusores juvet. Vis humerum brachiumque dextrum, atque pedum summos digitos obfirmare ? Id præstat ludus tudicularis.

Harum aliarumve id genus exercitationum maxima certè vis est ad innumeras ægritudines avertendas, corporique vires addendas. Nec verò hîc prætereunda exercitia fortiora quæ rusticorum sunt & plebeiorum, ut fodere, remigare, arare, vites putare, onera portare, quibus laboribus abundè demonstratur quanta sit exercitii vis & præstantia. Rustici enim si duros habent nervos, lacertos fortes, nec arthritidi aliisque morbis divitum domos obsidentibus obnoxii sunt, id facit labor diuturnus, ne dicam improbus.


III.

Quantæ sint exercitii dotes probat insuper dexteræ manûs præstantia. Huic enim unde robur quo valet, nisi a frequentiori & fortiori cui assuefacta est exercitio ? Neque dicas pedem oculumve dextrum, sinistris tamen fortiores, licet non majori exercitio gaudeant, palàm ostendere dextræ manus robur à frequentiori é validiori quod experta est exercitio, nullatenus oriri : Pes enim dexter, oculusque dexter, manûs dexteræ privilegio fruantur, necesse est ; propterea quod qui in dextrum latus magnâ copiâ feruntur spiritus, ad dextræ manûs officia fortiora obeunda, in cæteras etiam ejusdem lateris partes præ suâ luxurie fluant, oportet, indeque vis major his partibus accedat. Gentes sunt quibus mos est sinistram manum ab infantiâ exercere, ut cæteris gentibus dextram ; nutricesque hos apud populos, cavere ne recens nati alterâ quàm sinistrâ accipiant quæ offeruntur, cæteraque faciant quæ apud nos dextrâ fieri solent ; hos autem apud populos sinistra est fortior dextrâ, quam ideò imbellem manum vocant.

Quibus brachium dextrum amputatum est, sinistrum fortius evadit, quàm erat anteà, iique sinistrâ manu scribunt, pingunt, suunt, dexterrimè ; quæ vis & dexteritas non nisi frequentiori quo tunc movetur pars, exercitio, referri debet accepta. Attende prætereà ad inertiam illam quam contrahunt, nimio quiete partes, cùm ob morbi cujusdam, ut fracturæ, luxationis, inflammationis curationem, ab omni motu per plures dies abstinent ; postquàm enim diu quieverunt, vix pristini motus libertatem recuperare possunt. Quidam inani metu perculsi, ne post plures dies à phlebotomiâ celebratâ, sanguis erumpat è venâ, brachium per plures hebdomadas reclinatum tenent, hi cùm tandem illud educere tentant, haud valent.

Quantum valetudini tuendæ conducat exercitatio, magis ut assequamur, in illos homines oculos conjiciamus, qui desidem vitam dum agerent, sine lite, ullove negotio, suis reditibus, placide viventes, tunc melancholici, decolores, & innumeris ægritudinibus obnoxii erant ; at ex quo litibus pro rerum suarum defensione occupantur, Judices & Patronos invisunt, Forum frequentant, integrâ tandem valetudine potiuntur.

Sunt enim delicatulæ virgines, quæ in valentioribus Nosocomiorum laboribus, quibus quotidie exercentur, fortem & robustam valetudinem acquirunt, ut singularem inde omnibus pariant admirationem.

Attende etiam quàm prosperâ valetudine utantur plerique Medici, euntes atque redeuntes, ascendentes & descendentes, ac semper itantes. In eos præcipuè animum converte, qui ægrorum peste infectorum curationi operam navarunt, nullis laboribus parcendo : cui tandem Prophylactico à tanti mali insidiis suam evasionem deberi putas, nisi exercitio, cum summâ tamen animi fortitudine, conjuncto ? Hujus rei testes sint nuperæ pestis Massiliensis, Aquensis, Telonensis, Mariologiensis, Canonicensis, oppugnatores Medici. Ea est prætereà exercitii vis, ut mentem à periculi imagine avertendo, formidinem minuat, qui transpirationis adeoque vitæ est intensissimus ; Medicis verò hanc formidinem eò magis minuit, quod apprimè callent in eos crudeliùs sævire pestem, qui animi motibus, ac imprimis terrori imperare nesciunt, ut pote ab errore vulgi longe distantes, existimantis pestem iis inevitabilem qui peste infectos, aut eorum vestes, aliaque similia tetigerint.

Salubrem denique exercitii vim fateare, quæ optatos aquarum mineralium effectus tantopere promovet, ut ambiguum relinquatur num exercitationi potiùs ; quàm his aquis referri debeat accepta tot ab ægris sanitas. Constat enim nullius ut plurimum esse adjumenti, quin & sæpe numero noxias evadere has aquas, nisi ambulatione adjuventur.


IV.

Est autem ambulatio quam mox nominavimus, exercitium moderatum ex crurum motu & quiete compositum, cui inserviunt femoris, poplitis, tali & digitorum ad pedem pertinentium articuli[1], adeoque corpori salubriter exercendo maximè congruum, cùm hæ partes moveri sine totius corporis agitatione non possint ; unde fit, ut non solùm inferiores partes juvet, sed & thoracem expurget, ventriculum roboret, contenta in eo alimenta ne acescant impediat, distillationes capitis amoveat, flatus omnes discutiat, arenulas è renibus disturbet, trementia membra firmet, cerebrum levet : Exercitatio certè omni sexui, naturæ, & ætati conveniens, præcipuè tamen pueris & senibus aptissima : namque senes, ob declinantem calorem, & pueri ob nimis recentem, vitiosis humorum cruditatibus scatent, quas nisi per poros cutis, aut alias à naturâ institutas vias, eliminet exercitatio quædam his ætatibus conveniens, certè multorum morborum præda fiunt, quales sunt imprimis apud pueros, scrophulæ, & epilepsiæ quas non nisi lentescentis pituitæ fœtus esse frequens experientia docet. Moneantur ergo parentes, ut natos ambulationibus exerceri curent ; & si fortuna finat, venationibus & equitationibus, ne, qui in corporis incrementum abire debent succi, vertantur in succos pravos.

Omnium autem utilissima juvenibus nobilibus exercitatio, arma subinde capescere, equum informare, ac ritè agitare ; in arenam cursoriam descendere, pugnas ludicras instituere, & alia exercitia ad armorum tractationcm spectantia, ut congruis exercitationibus bonam corporis valetudini nem adipiscantur, eam servent adeptam, alacrioresque inde ac aptiores ad omnes bellorum labores perferendos evadant, cùm occasio se dederit.

Pueros verò infantes quibus ob ætatis teneritudinem, exercitia duriora non competunt, sinantur ludis puerilibus cum aliis pueris indulgere. Hi certè ludi pueriles ad mollia membra efformanda, & omnium viscerum atque artuum explicationem promovendam, aptissimi sunt.

Ludorum puerilium delectus tamen est habendus, quidam enim vertiginem inducunt, cerebrum turbant, visui officiunt, ut v. g. in gyrum verti, quod pueris familiare, item funibus de ligno arboreve altrinsecùs religatis in altum jactari. At sinas pueros apodidrascintâ, ascoliasmo, myindâ, trocho, turbine, glande pennatâ, aliisque quibusdam ludis delectari, quin etiam in arundine longâ equitare, tympanum lareri appensum pulsare.

Turbo quem sub torto verbere volitantem pueri magno in gyro exercent, crura & brachia flexilia efficit ; idem sed lenius præstat trochus, quem circumrotulo funiculo illi projiciunt ut diutiùs apice ferreo quo acuitur, vertatur in gyrum. Glandis pennatæ lusu, corpus quandoque varias in partes flecti cogitur, quod membrorum solertiæ & agilitati, torpidisque humoribus, si qui adsint, suscitandis, non mediocriter conducit.


V.

Singulis itaque ætatibus ad sanitatem tuendam, refocillandamve confert exerceri : neque ad eximias exercitacionis dotes verbis elevandas, objicias quamplures viros, virginesque intra Monasteriorum claustra vitam degentes, nihilominùs bene valere, & ad plures annos vitam producere, licet ab omniferè exercitio abstineant. Præterquàm enim quod in plerisque Monasteriis horti sunt ubi licet ambulare, quibusdamque Monachorum ordinibus statuti sunt dies, quibus per rura exspatiari fas est, omnes fere qui in Monasteriis conclusi vivunt, operibus quibusdam student corpori exercendo idoneis, ut v. g. Carthusiani, quorum singuli hortulos habent quos colunt, multis prætereà artibus operam navant, ut arti tornatili, minuto-lignariæ, viminis in corbulas & canistra effingendi & contexendi, aliisque id genus. At, quod prætermitti non debet, magna apud Monachos exercititio est chorus. Cantu si quidem mirè moventur musculi oris, partiumque adjacentium, & ob frequentem quam subeunt hæ partes contractionem, liquorum transcolatio, expressio, & circuitus faciliùs absolvuntur ; deincepsque liquida omnia vel remotissima celeriùs ad motum cientur. Quin & librorum lectio quæ altiori voce fit, & omnis loquela paululùm elata, inter optima exercitationum genera recenseri debet. Voce agitantur spiritus non leviter, nec in superficie corporis, ut frictione fit quæ tamen sanitati tuendæ adeò confert[2], sed velut in ipso fronte, in ipsis visceribus : id cauæ est cur Monachi conclusi & claustrales Virgines, quamvis non multo uti videantur exercitio, vitam tamen salubrem ducunt, diu scilicet noctuque vocem exercentes in canendis Deo precibus, hoc vocis exercitio corporis motum pensantes. Certè spiritus à voce impulsi, nervorum, fibrillarumque tubulos faciliùs subeunt, & aër ab organorum vocalium impulsu commotus, ferit & spirituum & humorum & membranarum systema ; hinc debita in humoribus fermentatio & exaltatio ; hinc fluiditatis conservatio, & transpirationis promotio, quæ omnia remediorum diaphoreticorum ope obtineri nequidem possunt.

Tantò denique est vocis & loquelæ in exercendo corpore præstantia, ut id fortassè causæ sit, cur fœminæ non tanto aliàs exercitio indigeant, quanto indigent viri, quoniam scilicet sunt illæ viris loquaciores. Quâ in re providam naturam mirere. Salubris quoque est declamatio, neque dicisatis potest, quantum Concionatoribus quibusdam & Causidicis prosit ad bonam valetudinem. Quin vociferationes & ploratus infantum multum conferunt ad cerebri excrementa repurganda, totiusque corporis incrementum adjuvandum ; neque hîc Indorum mos prætereundus, qui, quoniam infantes nunquam ferè apud eos lacrymantur & plorant, urticis quandoque tenella corpora pungunt ut clamitent, ejulent, vociferentur[3] ; cujus instituti causam cuilibet sciscitanti non aliam produnt, quàm natorum suorum valetudinem & longævitatem procurandam.

Omnem exercitationis usum tanquam inutilem sanitati servandæ, quin & exitiosam damnare ausi sunt Asclepiades & Erasistratus, quietem vero tanquam præcipuum valetudinis tutamen commendare ; at certè hâc in re sunt non mediocriter hallucinati : sua quidem laus est quieti, spiritus reficit, membra labore nimio fessa levat, & ad plurimosum morborum curationem necesseria est ; at ideò semper esse quiescendum qui assereret, magno in errore versaretur. Longè facilior quietis quàm laboris excessus ; atque si pleuritides exercitio contrahi dicuntur, has tamen non tam exercitio quàm subitæ quieti tribuendas esse testatur experientia : minimè verò opponas exercitio corpus conteri, id quidem verum est, at corpus humanum uti ferrum esse memineris, hoc ei exerceas conteritur, si non exerceas, rubigine inficitur, & absumitur. Eâdem ratione homines exercitio videmus conteri, si verò non exerceantur, inertiâ ac torpore plus detrimenti patiuntur quam si exercerentur. Cujus detrimenti levior noxa articulorum impotentia est ad motum. Nec mirum id esse ipsa vel magis obvia sensibus anatomia demonstrat : in spatio quo ossium extrema sibi articulantur, humor continetur albicans, tenax & glutinosus, articulorum humor vulgò dictus, ex aperris abscessibus circà articulos obortis effluere solitus, & ad motum partis quam lubricat, ita necessarius, ut Chirurgi quidam ignari purulentam materiam hanc esse existimantes, & summo studio vacuantes, una cum humore motum parti adimunt ; humor autem hîc si præter naturam se habeat motum articuli lædit, maxime si sit vel copiosior quàm par est, vel viscidior, vel concretionem quandam adeptus, unde tunc in parte gravitas, torpor, quin & aliquando sævus dolor & cruciatus exoritur. At nihil magis huit exuperantiæ vicisditati, concretioni præternaturali favet, quàm nimia quies, adeoque nihil est quod articulorum lubricitati & mobilitati adversetur magis.

Præcipua igitur est sanitatis tutela exercitatio, modò pro variâ ætatis, indolis, & sexûs ratione temperetur, huicque accedat temporum opportunitas, nec-non congrua ipsius-met exercitii mensura, quæ duo postrema, ut de reliquis taceamus, ritè habentur. 1°. Si quantum ad tempus attinet, corpus non exerceatur nisi exonerata priùs alvo & visicâ, neque statim à pastu. 2°. Si æstate exercitatio fiat in solis exortu, & post occasum ; vere & automno, duabus circiter horis ab orto sole ; hyeme circà meridiem.

Quidam sunt qui ab exercitationibus jubent abstinere primâ die Maii, & postrema Septembris, item postrema Septembris & Aprilis, prout tunc maximè nocuis, quod præceptum sanæ menti non minùs adversatur, quàm illud Scholæ nescio cujus, Salernitanæ, nunquam verò satis contemnendæ[4], quo Phlebotomia etiam his diebus interdicitur, prout sanitati Hydræ in modum, tunc adversa, quin & anserina caro.

Feminæ duæ in Facultate Medica Salernitanâ feruntur maximè floruisse, librosque parturiisse doctissimos[5] ; his fortè Doctoribus feminis, hoc opus Scholæ Salernitanæ titulo insignitum tribuere æquum est, quod viris Medicis adscribere injuriosum foret.

Mensuram verò exercitii quod spectat, hæc ritè habebitur, si exercitii finis fiat cùm musculi jam intumescunt, respiratio difficilis efficitur, cutis rubro colore & vivido perfundi cœpta est, corpus sudore diffluit, lassitudo suboritur ; sed ita fiat hic finis, ut ab exercitio statim subitò non quiescas.

His legibus parere non possunt homines innumeri, qui victum labore quærentes, ferè semper laborare coguntur ; at eorum plerique cùm sint his laboribus assueti, nullum indè damnum patiuntur ; quin è contra ita juvantur, ut at meliorem fortunam si devenerint, & assiduo labore vacare desinant, ægrotent : quâ in re summam divinæ justitiæ clementiam prædicemus, quæ hominem in peccati pœnam damnando ad laborem, pœnam injunxit valetudini firmandæ tam idoneam.

Cæterùm ea est exercitii necessitas & præstantia, ut nedum homines, dicam & brutæ animantes, gliribus non exceptis, sed & plantæ ipsæ eo diutiùs carere non possunt : humilis viola, ut & quercus altissima, ventis exerceri gaudet.


FINIS.
  1. Petr. Gont. Exercit. Hygiæst.
  2. Georgius Bagliv. Joseph Quercet.
  3. Christian. Warlitz. Scrutin. Lacrym. Medico-Sacrum.
  4. Lomil Comment. in Cels. Epist. nuncupat.
  5. Schol. Salern. cap. I. Trotusa & Rebecca-Garna.