Odes (Horace, Séguier)/I/3 - Au vaisseau qui portait Virgile en Attique

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Odes et Épodes et Chants séculaires
Traduction par M. le Comte de Séguier.
A. Quantin (p. 5-7).

III

Au vaisseau qui portait Virgile en Attique



De Vénus te guident l’étoile
Et des Gémeaux les astres fortunés !
Qu’Éole garde pour ta voile,
Hors l’Iapyx, tous ses vents enchaînés,

Ô nef qui me dois de Virgile
Le cher dépôt ! Ah ! rends-le, par pitié,
Sain et sauf au pays d’Eschyle
Et de mon âme épargne la moitié !
Il eut un cœur bardé de chêne,
De triple airain, le premier dont l’esquif
Croisa, frêle, la mer hautaine,
Sans redouter l’Aquilon destructif
Choqué par son rival d’Afrique,
Ni le Taureau pleureur, ni l’indompté
Notus, roi de l’Adriatique
Qu’il bouleverse ou calme à volonté.
Quelle mort put effrayer l’être
Qui vit, l’œil sec, monstres neptuniens,
Flots turgescents, abîme traître,
Infâmes rocs acrocérauniens ?
La Providence entre les terres
En vain a mis l’Océan diviseur,
Si de ses plaines solitaires
D’âpres vaisseaux bravent la sainte horreur.
Hardie en tout, la race humaine
Se précipite au sentier défendu
Hardiesse prométhéenne,
Le feu divin chez les peuples t’est dû !
Après ce vol fait sous les dômes
Éthéréens, fondirent ici-bas
Fièvres, maigreur, hideux symptômes,
Et la lenteur première du Trépas
Devint une course effrénée.
Dans l’air Dédale émit, comme aviron,

Une aile aux hommes non donnée ;
L’œuvre d’Hercule a forcé l’Achéron.

Rien d’ardu pour l’humaine espèce ;
Notre démence escalade les cieux,
Et nos forfaits arment sans cesse
De ses carreaux Jupiter furieux.