Les Petits poèmes grecs/Anacréon/Ode III

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III.

Sur l’amour

Au milieu de la nuit, aux heures où l’Ourse tourne près de la main du Bouvier, où tous les mortels dorment appesantis par le sommeil, l’Amour arrive, et, frappant à ma porte, ébranle le verrou : "Qui frappe ainsi ? m’écriai-je. Qui vient rompre mes songes pleins de charmes ? — Ouvre, me répond l’Amour, ne crains rien, je suis petit ; je suis mouillé par l’orage, la lune a disparu et je me suis égaré dans la nuit." Entendant ces mots, j’en eus pitié ; j’allume ma lampe, j’ouvre et je vois un jeune enfant portant des ailes, un arc et un carquois ; je l’approche de mon foyer, je réchauffe ses petits doigts dans ma main, de l’autre j’essuie ses cheveux inondés de la pluie. Dès qu’il est ranimé : "Allons, dit-il, essayons mon arc ; voyons si l’humidité ne l’aurait point gâté." Il le tend et me perce le cœur comme le ferait une abeille, puis il saute en riant avec malice : "Mon hôte, dit-il, réjouis-toi, mon arc se porte bien, mais ton cœur est malade."