Sur la route (Bruant)/Question capitale

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Sur la Route : chansons et monologuesAristide Bruant (p. 171-174).
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QUESTION CAPITALE


Je l’sais, la justice est utile,
Mais ya des chos’s à réformer.
Assurément c’est difficile,
Faut ajouter… faut supprimer…
Mais respectons la loi humaine,
Aussi, j’te l’dis : Primo, d’abord,
I’ faudrait abolir la peine

De mort…


As-tu lu l’histoir’ de c’tte femme
Qu’on a dét’nu’ pendant sept ans
À Clermont ?… puis v’là qu’on proclame
Son innocence… il est ben temps !…
Pauvr’ femm’ qu’avait tant d’chos’s à dire
Et qui n’avait pus l’droit d’parler…
Crois-tu qu’c’en était un’ martyre !
Crois-tu qu’on fait bien d’engueuler
C’t expert qu’avait cru voir un’ mouche
Dans les viscèr’s de son mari !…
Fallait-i’ qu’i’s en ay’un’couche
Ceux qu’ont sout’nu ça d’vant l’jury !…
Eh ben !… voilà… suffit qu’un âne
Charg’ l’accusé, dans son rapport,
Pour que la justic’ le condamne

À mort…

Et si la femm’, seule, était morte,
Oxydé’ par le four à chaux,
L’instruction faisait en sorte
De culpabiliser Druaux.
Sûr qu’i’ n’y coupait pas… et, comme
Les trois experts étaient d’accord,
La cour aurait condamné l’homme

À mort !…

Novembre, 1896.