Revue des Romans/Friedrich Heinrich Karl de La Motte Fouqué

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Revue des Romans.
Recueil d’analyses raisonnées des productions remarquables des plus célèbres romanciers français et étrangers.
Contenant 1100 analyses raisonnées, faisant connaître avec assez d’étendue pour en donner une idée exacte, le sujet, les personnages, l’intrigue et le dénoûment de chaque roman.
1839
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LA MOTTE-FOUQUÉ (le baron François de).


ONDINE, conte traduit de l’allemand par Mme de Montolieu, in-12, 1817. — Un jeune et beau chevalier nommé Huldebrand se trouvait à un tournoi, il y a plusieurs siècles, dans une ville impériale d’Allemagne, où il fit des prodiges de valeur pour se faire distinguer de la belle Bertha. Le soir il dansa avec elle, et, en la quittant, il sollicita la faveur d’obtenir un de ses gants. « Je vous le donnerai, dit-elle, si vous m’apportez des nouvelles de la forêt enchantée qui se trouve près de la ville. » Le lendemain, le chevalier pénètre dans cette forêt, où il voit parmi plusieurs prodiges un fantôme blanc qui se transforme successivement en torrent, en cascade et en pluie, et qui le conduit au bord d’un lac où était une cabane de pêcheur. En entrant dans cette cabane Huldebrand aperçoit une singulière créature, à la fois nymphe, femme et sylphide, dont la forme humaine est si délicate, si aérienne, qu’elle révèle une existence toute vaporeuse. Que devient le chevalier lorsqu’il entend cet être divin l’appeler son doux ami, se mettre à genoux devant lui, déclarer qu’elle ne veut plus le quitter ? Les grâces folâtres de la jeune Ondine, ses caprices enchanteurs, sa piquante mutinerie, la rendaient si séduisante, qu’il ne vit plus qu’elle, et que Bertha fut oubliée. Les deux amants furent unis. Le lendemain de la noce le chevalier apprend qu’Ondine appartient à une classe d’êtres qui n’a rien de commun avec la nature humaine, qu’elle est de la race des Ondins, peuple qui vit dans les ruisseaux, les lacs et les fleuves, qui n’ont point d’âme, et qui ne peuvent en acquérir une qu’en s’unissant à une créature humaine. Ondine avait eu la fantaisie d’avoir une âme, et elle l’avait obtenue en épousant le chevalier. Huldebrand prit son parti d’assez bonne grâce ; il conduisit la belle épousée à la cour, où il revit Bertha, et l’inconstant sentit renaître sa première tendresse. Ondine souffrit en silence, mais ses parents n’entendirent pas raison, et entreprirent de la venger, de sorte que le pauvre Huldebrand n’avait d’autre moyen d’être maître chez lui que de faire boucher hermétiquement toutes les issues par lesquelles l’eau pouvait se frayer un passage. C’était la bonne Ondine qui lui avait indiqué ce moyen de leur échapper ; et elle avait même prévenu son mari de ne jamais la gronder sur le bord d’une rivière ou d’une fontaine. Malgré cette observation, un jour qu’il se promenait sur le Danube, Huldebrand s’emporte au point de maudire le jour où il a été uni à la famille des Ondins, qui saisissait tous les moyens de le tourmenter. À peine a-t-il prononcé ces mots funestes, que la tendre Ondine disparaît pour jamais dans le fleuve. Le chevalier pleure sa femme, puis il se console, et se décide à épouser Bertha. Le soir des noces, Bertha imagine de faire déboucher un puits pour y puiser de l’eau ; on dérange la pierre qui le fermait, et soudain une colonne d’eau s’élève ; c’est Ondine elle-même qui entre dans l’appartement. — « Mon bien-aimé, dit-elle au chevalier, il faut que tu meures. » — « S’il en est ainsi, répondit-il, tue-moi d’un baiser. » — « De tout mon cœur, » s’écrie Ondine. Il reçoit le baiser et meurt. — Ce roman, ou plutôt ce conte, fait partie d’un recueil de quatre contes publiés en Allemagne par l’auteur, et intitulé les Quatre saisons, recueil qui a beaucoup d’analogie avec les productions de Cazotte.