Stèles/Vampire

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G. Crès (p. 59-60).




VAMPIRE


Ami, ami, j’ai couché ton corps dans un cercueil au beau vernis rouge qui m’a coûté beaucoup d’argent ;

J’ai conduit ton âme, par son nom familier, sur la tablette que voici que j’entoure de mes soins ;

Mais plus ne dois m’occuper de ta personne : « Traiter ce qui vit comme mort, quelle faute d’humanité !

Traiter ce qui est mort comme vivant, quelle absence de discrétion ! Quel risque de former un être équivoque ! »



Ami, ami, malgré les principes, je ne puis te délaisser. Je formerai donc un être équivoque : ni génie, ni mort ni vivant. Entends-moi :

S’il te plaît de sucer encor la vie au goût sucré, aux âcres épices ;

S’il te plaît de battre des paupières, d’aspirer dans ta poitrine et de frissonner sous ta peau, entends moi :

Deviens mon Vampire, ami, et chaque nuit, sans trouble et sans hâte, gonfle-toi de la chaude boisson de mon cœur.