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Correspondance de Lagrange avec d’Alembert/Lettre 046

La bibliothèque libre.
Texte établi par Ludovic LalanneGauthier-Villars (Œuvres de Lagrange. Tome XIIIp. 93-94).

46.

D’ALEMBERT À LAGRANGE.

À Paris, ce 24 avril 1767.

Je ne sais, mon cher et illustre ami, si vous aurez le talent et la patience de déchiffrer l’abominable grimoire que je vous envoie[1] ; mais il ne m’a pas été possible de me résoudre à le recopier, premièrement par le temps que cela m’aurait fait perdre et secondement parce que j’ai remarqué que d’écrire fatigue beaucoup mon estomac, en conséquence de quoi j’écris le moins qu’il m’est possible. Ce qui me tranquillise un peu, c’est que vous êtes accoutumé à mon griffonnage, sur lequel vous avez eu la bonté de jeter souvent les yeux ; mais de quoi je doute fort, c’est que les imprimeurs puissent se tirer de ce labyrinthe si vous le jugez digne de leur être confié. Je souhaite qu’il vous paraisse en valoir la peine ; dites-moi naturellement ce que vous en pensez. J’aurais été plus court si j’avais pu recopier ce Mémoire ; tel qu’il est, je vous l’abandonne ; ajoutez, retranchez, corrigez, en un mot faites-en ce qu’il vous plaira la seule chose que je vous demande, c’est de faire agréer à l’Académie cet hommage de mon attachement et de mon respect. Je ne manquerai point de lui fournir mon contingent tous les ans le mieux qu’il me sera possible, et peut-être recevrez-vous encore bientôt quelque autre chose de moi.

M. Dutens a passé ici en allant à Tours voir sa famille ; je ne l’ai presque vu qu’un moment, et ce moment a été employé presque tout entier à parler de vous ; il vous aime et vous estime comme il le doit, c’est-à-dire infiniment, et il est charmé de la manière dont vous réussissez à Berlin auprès de tout le monde.

M. de Castillon m’a écrit il y a quelque temps, et je lui ai fait réponse. Je crois qu’il a tort de ne plus aller à l’Académie ce n’est pas le moyen d’obtenir ce qu’il désire.

Adieu, mon cher ami faites mes compliments à MM. Bitaubé et Thiébault, et à tous ceux qui veulent bien se souvenir de moi. Je me recommande toujours à vous pour avoir les Volumes de l’Académie à mesure qu’ils paraîtront.

Vale et me ama.
D’Alembert.
Au haut de la dernière page : reçu le 6 mai.

  1. C’est le Mémoire sur les tautochrones destiné au Recueil de l’Académie de Berlin et dont il est question dans la Lettre suivante de Lagrange.