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Correspondance de Lagrange avec d’Alembert/Lettre 162

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Texte établi par Ludovic LalanneGauthier-Villars (Œuvres de Lagrange. Tome XIIIp. 356-358).

162.

LAGRANGE À D’ALEMBERT.

À Berlin, ce 20 mars 1780.

J’ai reçu, mon cher et illustre ami, votre Lettre du 6, et je suis bien touché des nouvelles marques de zèle et d’affection que vous m’y donnez ; je vous en remercie du fond de mon cœur. Si je ne vous ai pas répondu plus tôt, c’est que je n’avais rien d’intéressant à vous mander ; je profite maintenant de l’occasion que m’offre le départ de M. Bitaubé pour vous donner de mes nouvelles et vous faire passer les pièces ci-jointes. Ce sont :

1o Les planches des alphabets dont je vous ai parlé dans ma dernière Lettre, et qui appartiennent au septième Volume des Novi Commentarii de Göttingue. Je compte que vous aurez reçu, à l’heure qu’il est, les trois Volumes que je vous ai envoyés par M. de la Lande ; c’est à l’un de ceux-ci que se rapportent les planches en question.

2o Une brochure allemande de M. Achard, sur l’analyse des pierres précieuses[1], que je vous prie de vouloir bien remettre de ma part à M. le marquis de Condorcet. Les dernières pages renferment la description de sa machine pour former des cristaux à l’aide de l’air fixe ; je l’avais prié de m’en donner une traduction ; il me l’avait promis, mais apparemment qu’il a ensuite changé d’avis, puisqu’il ne m’en a plus parlé lorsque je l’ai vu à l’Académie., et je n’ai pas cru devoir le lui rappeler. Je compte, au reste, que le marquis de Condorcet aura reçu ma réponse à sa Lettre du 18 et qu’il n’aura pas de peine à faire traduire le morceau dont il s’agit, s’il croit qu’il en vaille la peine.

3o Un exemplaire des Mémoires que j’ai donnés dans le Volume de 1778[2], qui est actuellement sous presse et qui paraîtra dans quelques mois ; il n’y manque qu’une ou deux pages que je n’ai pu encore avoir, mais qui ne sont d’aucune conséquence. Lorsque vous aurez lu ces Mémoires, supposé que vous vouliez bien leur faire cet honneur, dont ils me paraissent, à dire vrai, peu dignes, je vous prie de vouloir bien les remettre de ma part au marquis de Condorcet ou à M. de la Place ; j’en enverrai ensuite un autre exemplaire pour celui qui n’aura pas eu celui-ci. Je vous prie aussi de-dire à M. de la Place que j’ai reçu avec reconnaissance et lu avec grand plaisir ses Mémoires de 1777, et que je ne manquerai pas de lui répondre aussitôt que je me serai débarrassé de quelque chose qui m’occupe plus qu’il ne vaut, et que j’aurai le loisir pour pouvoir m’entretenir un peu avec lui sur ses belles découvertes.

Ayez la bonté, si vous voyez le marquis Caraccioli, de lui renouveler de ma part les assurances des sentiments que je lui dois et de lui demander s’il a reçu ma Lettre du mois de décembre dernier ; je souhaiterais aussi savoir si M. Bezout a reçu ma réponse.

Voilà, mon cher et illustre ami, tout ce que j’avais à vous dire. M. Bitaubé vous donnera de mes nouvelles et, ce qui est bien plus important, m’en apportera des vôtres. Vous aviez, ce me semble, une grande commodité pour le voyage que vous projetez depuis longtemps ; je souhaite ardemment que vous vous laissiez tenter par cette occasion, mais je n’ose presque l’espérer. Consultez bien vos forces et votre santé, et décidez-vous en conséquence. Quelque envie que j’aie de vous revoir, j’en ai encore plus de vous savoir bien portant et de vous conserver longtemps ; d’ailleurs je ne désespère pas d’aller vous embrasser un jour chez vous, et ce jour ne peut pas être bien éloigné.

Adieu, mon cher ami ; conservez-moi vos bontés ; vous savez le cas que j’en fais et combien je vous suis attaché. Je vous embrasse mille fois.

On m’apporte dans ce moment une Lettre du marquis Caraccioli ; je vous reprends donc la commission que je vous avais, donnée à son sujet, ou plutôt je vous donne celle de lui accuser de ma part la réception de sa Lettre et de lui témoigner ma sensibilité de ses bontés.


  1. Frédéric-Charles Achard, naturaliste et chimiste, né à Berlin le 28 avril 1753, mort à Kunern le 20 avril 1821. Il descendait de réfugiés français et fut directeur de la Classe de Physique à l’Académie de Berlin. La brochure dont parle Lagrange est intitulée Bestimmung der Bestandtheile einiger Edelsteine, Berlin, 1779, gr. in-8o.
  2. Sur le problème de la détermination des orbites des comètes d’après trois observations (P. 111-161). — Sur la théorie des lunettes (p. 162-180). — Sur une manière particulière d’exprimer le temps dans les sections coniques (p. 181-202). Voir Œuvres, t. IV, p. 439, 535 et 559.