Aller au contenu

Légendes bruxelloises/Envoi

La bibliothèque libre.
Légendes bruxelloises (1903)
J. Lebègue & Cie (p. 9-10).

Manneken-Pis


OÙ LE LECTEUR FAIT CONNAISSANCE AVEC LE PLUS DUR DES BRUXELLOIS
I

Envoi

Petite statuette, je Te bénis !

Je Te bénis, parce que Tu es le plus gai souvenir de notre antique cité ; parce que l’on T’aime, vois-Tu, qu’on Te chérit ; parce que Tu es la joie des petits qui vont, s’oubliant comme Toi par les carrefours, au coin des rues, contre les bornes, sans souci des passants et que les grands même, ceux qui marchent dans la vie chargés de chagrins sans nombre, ne peuvent Te voir sans sourire d’aise…

Oh ! qui saura jamais Ton origine ? Ton histoire se perd dans la nuit des temps comme celle de bien des hommes : sauveurs de la patrie apparus dans les jours de défaite sans qu’on sût jamais d’où ils vinrent ; génies, artistes, poètes éclairant leur époque d’une lueur splendide et dont le hasard s’est plu à laisser dans l’ombre toute l’enfance…

Rien ne manque à Ta gloire : la légende s’est emparée de Toi ; le peuple Te vénère ; Tu as été comblé d’honneurs, anobli, décoré ; les vieux soldats, ceux qui virent les deuils et les victoires, T’ont rendu les honneurs militaires la pierre d’abord, le bronze ensuite ont reproduit Tes traits.

Et Ton nom vivra éternellement, dans les siècles des siècles…

Le vieil archange, Ton voisin, égide de la cité qu’il domine du haut de sa tour dentelée, saint Michel, que martela grossièrement, mais avec tant d’art, Martin van Rode, symbolise pour nous le Progrès terrassant l’Ignorance de son glaive irrité ; Toi, MANNEKEN-PIS, Tu seras à jamais le symbole de la folle Gaieté flamande, du bon et large Rire proverbial de nos pères…

Petite statuette, je Te bénis !…