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Légendes bruxelloises/L'Ommegang

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Légendes bruxelloises (1903)
J. Lebègue & Cie (p. 97-114).

L'Ommegang[1]

HISTOIRE D'UNE PROCESSION

Il y avait une fois, à Anvers, une pauvre femme qui s'appelait Béatrix Soetkens. Elle était très pieuse et vivait religieusement, craignant Dieu et les saints. On la vénérait beaucoup. On disait tout bas qu'elle avait des apparitions et des révélations, de qui veut dire qu'elle croyait, en différentes circonstances, avoir vu la Vierge ou d'autres habitants du paradis et avoir conversé avec eux.

À cette époque, il y a plus de cinq cents ans de cela, ils étaient nombreux les gens qui juraient avoir vu en songe un saint ou une sainte leur parlant et leur ordonnant d'accomplir certaines choses.

Aujourd'hui, les hommes sont devenus très curieux et veulent toucher tout de leurs mains, voir tout de leurs yeux, observer tout eux-mêmes. Ce qui fait que le nombre des personnes ayant eu des apparitions a considérablement diminué ; mais elle n'ont pas complètement disparu.

Lorsque de temps en temps on en trouve, les médecins qui les examinent conseillent presque toujours de les envoyer dans un asile d'aliénés, où on les soigne très bien et d'où elles sortent généralement au bout d'un temps plus ou moins long : les apparitions ne leur apparaissent plus.

Moi qui ne suis pas médecin, je ne puis sainement juger la question. Je m'abstiens donc et répète ce que j'ai lu, à savoir que Béatrix Soetkens avait des révélations.

Un jour, ou plutôt une nuit, elle eut un songe.

Il lui sembla que la Vierge, entourée de lumière et vêtue de blanc, apparaissait tout à coup. Et tandis que la pauvre femme, étonnée, ravie et recueillie, regardait avec des yeux grands ouverts, elle crut entendre une voix — celle de la Vierge — qui lui parlait. Vous saurez tantôt ce qui lui fut commandé.
Béatrix sortit de chez elle en grande hâte et se dirigea vers l'église où elle avait coutume de faire ses dévotions.

Là, sur un autel, se dressait une statuette, honorée depuis longtemps : c'était la Vierge tenant l'enfant Jésus dans ses bras. On l'appelait Onze-Lieve-Vrouw-op-Stocxken ou Notre-Dame à la Branche.

Or, Béatrix s'approcha, s'agenouilla devant elle, se releva, la prit, la mit dans ses bras et s'enfuit.

Mais quelqu'un l'avait vue et reconnue : c'était le sacristain qui, tout ébahi de voir la personne la plus pieuse de la paroisse s'emparer d'une des richesses de l'église se mit à sa poursuite. Il allait l'atteindre quand, tout à coup, Béatrix se retourne et élève la statue au ciel en implorant un secours surhumain.

O merveille ! le sacristain s'arrête ; nul effort ne peut lui faire lever les pieds, remuer les jambes, bouger le corps : il est frappé d'immobilité.

Béatrix reprend sa course, saute dans une barque et arrive « sur ce léger esquif » jusqu'à Bruxelles.

Car tels étaient les ordres que la Vierge lui avait donnés pendant son sommeil, disait-elle.

Les autorités de notre ville devaient être prévenues de son arrivée, puisqu'elle fut reçue le dimanche avant la Pentecôte par le duc Jean III, alors régnant, son fils Henri, le magistrat, les métiers et le serment des arbalétriers, ce qui faisait un fort beau cortège pour une si pauvre femme. Tous ces nobles et hauts personnages transportèrent en grand pompe Notre-Dame à la Branche dans la chapelle du Sablon.

Cela se passait en 1348.

Et tous les ans, le dimanche avant la Pentecôte, l'anniversaire de cet évènement fut célébré par une procession qui prit bientôt un développement considérable qu'on appela l'Ommegang.

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Il est impossible de préciser la date à laquelle les processions prirent naissance à Bruxelles. À une époque reculée, il y avait dans la ville deux églises, Saint-Michel et Saint-Jean à Molenbeek, ayant chacune la leur. À tour de rôle les cortèges religieux parcouraient les rues, accompagnés du magistrat et des métiers. La dernière perdit assez rapidement son éclat ; l'autre fut longtemps remarquable par les richesses qu'on y étalait.

La procession ou cavalcade de Saint-Jean avait néanmoins un caractère particulier. Elle était accompagnée des malades de l'hôpital Saint-Jean, construit place du même nom par Henri Ier, duc de Brabant, vers 1200. Les malades étaient précédés de musiciens et demandaient l'aumône sur le parcours du cortège.

Cette coutume fut supprimée par ordonnance du 19 juin 1572.

A son tour, la procession de Saint-Michel se vit éclipser par l'Ommegang.

On a vu que la statue de Notre-Dame à la Branche fut transportée dans l'église du Sablon.

Cette église n'était encore à cette époque que la chapelle de Notre-Dame au Nouveau-Cimetière, ainsi appelée parce qu'elle avait été construite par l'hôpital Saint-Jean sur une partie de l'emplacement du nouveau cimetière établi en 1299, sur la place actuelle du Petit Sablon[2]. Commencée en 1304, sous le règne de Jean II, elle n'était pas achevée en 1513. Elle fut bâtie par ordre et aux frais du serment des arbalétriers, « qui s'y assemblait fréquemment[3]». Elle prit ensuite les noms de Notre-Dame du Sablon et de Notre-Dame des Victoires, parce qu'on a attribué sa fondation à Jean Ier qui l'aurait érigée en souvenir de la bataille de Woeringen (1288), ce qui n'est pas exact.

On a vu également que l'Ommegang fut institué en mémoire de l'arrivée de la statuette dans l'église et qu'il avait lieu le dimanche avant la Pentecôte, jour qui fut choisi comme fête communale, ce qui contribua évidemment à augmenter l'éclat de la cérémonie.

Le cortège était organisé et dirigé par les chefs du serment des arbalétriers ; mais l'église en supportait les frais et recevait un subside de la ville, subside qui fut constamment augmenté. Il partait de l'église, se rendait au Marché (Grand'Place) et revenait par la Chaussée (rue de la Madeleine).

Lorsque le souverain ou un étranger de distinction se trouvait dans la ville, on l'invitait à venir voir passer le cortège du balcon de l'hôtel de ville. Autrefois, un banquet était servi sur la Grand'Place : on le supprima en 1448 et on le remplaça par une distribution de vin.

Quand le cortège était rentré, les arbalétriers élisaient leurs doyens de leurs jurés, puis tiraient l'oiseau placé sur le clocher de l'église. Le vainqueur était proclamé roi du serment. Celui qui abattait l'oiseau trois fois de suite devenait roi perpétuel ou empereur.

Les souverains prirent souvent part au tir.

« Avant le tir, le bedeau remettait à chaque confrère un jeton présetnant sur la face la barque de Béatric Soetkens, avec cette devise en exergue : O mater Dei ! memento nostri (O mère de Dieu ! souviens-toi de nous), et au revers une arbalète, l'année du tir et la légende : Teekene van den Grooter Gulden in Brussele (Jeton du Grand Serment de Bruxelles). Le bedeau reprenait ces jetons au fur et à mesure que les confrères tiraient et une nouvelle distribution avait lieu ensuite... Le vainqueur était conduit au maître-autel du Sablon, sur lequel se trouvaient déposés un oiseau d'or et un baudrier chargé d'orfèvreries ; après avoir béni ces ornements, un prêtre lui attachait l'oiseau au chaperon et lui passait le baudrier au cou. Le nouveau roi se promenait alors en ville précédé par les confrères et entouré des bourgmestres et des échevins, dont la présence, dans ces occasions, était obligatoire. Le cortège se rendait ensuite à la Maison au Pain, où le roi donnait à toute la compagnie un souper pendant lequel on sonnait la cloche de Saint-Nicolas. Le lendemain il traitait ses parents et le surlendemain ses voisins ; les uns et les autres apportaient chacun un plat et du vin et leurs femmes, qui les accompagnaient, se chargeaient du dessert : coutume simple et touchante qui entretenait des relations cordiales entres les habitants de la ville. »

Parmi les rois illustres du grand serment, on cite : Charles-Quint, alors duc d'Autriche, en 1512 ; Philippe de Clèves, en 1515 ; Henri, comte de Nassau, en 1516 ; Marguerite d'Autriche, en 1518 ; Philippe de Lalaing, en 1525 ; le comte d'Egmont, en 1551 et en 1559 ; Philippe II, par son délégué philippe de Croy, duc d'Aerschot, en 1557 ; le duc d'Albe, par son délégué Gabriel Manriquez, en 1568 ; l'infante Isabelle, en 1615 et le prince Charles, en 1751.

Les ornements qui figuraient dans la cavalcade étaient remisés dans une maison de la rue d'Or et aussi dans la rue d'Or et aussi dans la Reuse-Schure ou « grange aux géants » située au Petit-Sablon, contre le collatéral droit de l'église. D'après une ordonnance du magistrat du 19 février 1447, les jours de sortie de l'Ommegang on exécutait sur le Marché, à deux heures de l'après-midi, un mystère, c'est-à-dire une pièce de théâtre dans laquelle on évoquait les hauts faits de l'Écriture sainte et de la vie des saints. Il devait avoir comme sujet une des douleurs de la Vierge.

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Qu'était-ce, en somme, que cette procession ? Ressemblait-elle à toutes celles qui de nos jours parcourent les rues de la ville ? Nullement. On y voyait les magistrats et tous les membres des corporations, métiers, lignages et gildes, le clergé, les ordres mendiants. Elle était escortée de la gilde des arbalétriers et plus tard par les autres serments. Les métiers étaient précédés de leurs bannières appelées keersse, « espèce de lances dont l'extrémité était ornée des emblèmes du corps ». Les magistrats et les doyens étaient revêtus de leurs robes rouges. Beaucoup d'assistants étaient armés. Plus tard on y fit figurer des chars, des animaux fantastiques, des géants, des ornements religieux et grotesques.

Hommes d'armes, gens des métiers, moines, prêtres, diables, égyptiens, nègres, animaux fantaisistes ou réels, tout cela déambulait par les rues au milieu de l'enthousiasme populaire. On se préparait de longue main à la cérémonie ; chacun voulait y prendre part ; on en parlait encore longtemps après.

C'était une des curiosités de la ville et les chroniques nous citent nombre de souverains étrangers devant lesquels la cité tint à l'honneur de faire passer l'Ommegang. Les chefs de la nation envoyaient des sommes d'argent et des cadeaux aux personnages qui avaient le plus attiré leur attention. « En 1379, la duchesse Jeanne paya les costumes des enfants qui y assistaient, déguisés en diables ; en 1529, Marguerite d'Autriche gratifia de quatre carolus d'or les enfants qui, montés sur le cheval Bayard, avaient chanté devant elle le 9 mai, jour de la procession. »

En outre, il était d'usage pour les ducs de donner pendant huit jours, à partir de la veille de la sortie de la procession, de l'argent à treize pauvres et à une recluse.

Il est impossible de faire l'histoire de l'Ommegang : il faudrait passer en revue l'histoire même de notre vieille cité. Depuis 1348, date de sa création, la splendeur de cette procession unique ne fit que croître et rien ne peut lui être comparé. A peine les richissimes cortèges organisés par les chambres de rhétorique lors des grandes joutes dramatiques du XVIe et du XVIIe, peuvent-ils en donner une idée. Mais c'est au XVIe siècle que l'Ommegang atteignit l'apogée de sa grandeur et de son éclat.

Ce devait être un prestigieux spectacle de voir le cortège défiler la Grand'Place en décrivant de longs circuits. On pouvait admirer alors les serments revêtus de leurs magnifiques costumes de velours et de soie, brodés d'or et d'argent ; les métiers et leurs porteurs de keersse à la dalmatique rouge garnie d'hermine, bleue, écarlate ou verte bordée d'or ; les doyens parés de leurs insignes ; le tout formant un ensemble chatoyant où étincelaient les écharpes de soie de toutes couleurs, les costumes éclatants, les chapeaux aux plumes blanches, bleues ou rouges. Les kersse étaient surmontées d'un moulin, d'un navire, d'un pot d'étain, de gants, d'arbres à fruits en miniature, de vases dorés, de poissons ou d'autres objets encore ; successivement défilaient les placqeurs, les crobilleurs, les savatiers, les cordouaniers, les cinturiers, les tondeurs de draps, les faiseurs de passeman, les couvreurs de tuiles, les esporonniers, les armoyeurs, les faiseurs de flacons de cuir, les estainniers, les faiseurs de payelles, les mouliniers, les boulangiers, les frippiers et faiseurs de luth, les cousturiers, les orphèvres, les poissonnières de poison (sic) salé, les boucheurs et bien d'autres[4] Puis venaient les chars, les bêtes horribles, les diables, saint Michel, le clergé. Imaginez enfin le bruit des tambours et des trompettes, les décharges d'arquebuse, l'éclat des armes étincelantes, lances, arbalètes, hallebardes, les cuirasses brillantes, les étendards des serments flottant au vent ; et tout autour de la Grand'Place une multitude avide de voir, d'entendre : les fenêtres de l'hôtel de ville et de la Maison du Roi garnies de velours rouge ; celles de toutes les autres demeures du Marché envahies par un nombre inouï de personnes ; le monde se tenant jusque sur l'auvent des maisons, encore en bois à cette époque ; les façades ornées de tentures et de branchages. Ajoutez à cela les acclamations enthousiastes de la foule, les cris de joie, les battements de mains ; semez sur cet ensemble étincelant de couleur et de vie, la lumière ardente d'un brillant soleil – et dites-mois si vous avez jamais rêvé plus beau spectacle !

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Le Ier avril 1549, Philippe II fit son entrée dans Bruxelles. Il fut reçu avec pompe. Cortèges, tournois, cérémonies religieuses, cadeaux princiers, rien ne manqua à cette réception qui fut l'une des plus belles que la ville réserva jamais à ses souverains. Qui eût dit alors que trente ans plus tard, ce même prince, reçu d'une manière toute royale, serait exécré par cette même population qui ne reculait devant rien pour le satisfaire ! Les fêtes durèrent longtemps et, vers la mi-juin, la cour fut invitée à se rendre à l'hôtel de ville pour voir passer l'Ommegang. Les souverains, les seigneurs, les dames, toute la noblesse prirent place au balcon de la maison commune.

Il faut laisser parler ici un de ceux qui, accompagnant le prince, assista à toutes les fêtes et nous en a laissé la relation :

« La marche était ouverte par les serments : les escrimeurs, qui étaient armés de piques et de hallebardes, étaient vêtus de blanc et de bleu ; les arquebusiers, de blanc ; les archers, de blanc, nour et rouge ; les arbalétriers de Saint-Georges, de blanc et de rouge ; et le grand serment, de vert. Ils précédaient une troupe de jeunes gen smontés sur des chevaux richement caparaçonnés et représentait les ducs de Brabant jusques et y compris Charles-Quint ; ces jeunes gens, qui appartenaient aux premières familles de la bourgeoiseie, étaient brillamment costumés et tenaient le sceptre et la couronne ; chacun d'eux avait son porte-bannière, ses hommes d'armes et ses pages. Venaient ensuite les métiers : chaque corporation avait en tête sa keersse portée par le plus jeune maître et, comme dans toutes les grandes cérémonies, les jurés, en robes de drap rouge, marchaient les derniers. Puis, on voyait des chars de triomphe, sur lesquels étaient représnetés les principaux épisodes de la vie de Jésus-Christ et de la Vierge ; un enfant déguisé en loup monté sur un courtaud, consuisant un diable, sous la forme d'un monstrueux taureau qui jetait du feu par les cornes, entre lesquelles un autre diable était assis ; l'archange saint Michel, couvert d'armes brillantes et tenant d'une main une épée et de l'autre la balance dans laquelle, selon de vieilles traditions, il pèse les âmes. Suivait un char portant la musique la plus extravagante qu'on pût voir : c'était un ours assis qui touchait un orgue, non composé de tuyaux, mais d'une vingtaine de chats, de différents âges, enfermés séparément dans des caisses où ils ne pouvaient se remuer ; leurs queues, qui sortaient des cages, étaient attachées au clavier par des cordes; l'ours, en appuyant sur les touches de l'instrument, faisait lever les cordes et tirait les queues des pauvres animaux, dont les cris, variés par l'âge, formaient une harmonie tellement bizarre qu'elle mit en défaut l'austère gravité de Philippe. Au son de cette musique d'une espèce nouvelle dansaient, sur un autre grand char, des enfants travestis en ours, en loups, en singes, en cerfs, etc. Plus loin, c'étaient Circé et les compagnons d'Ulysse métamorphosés en bêtes, des géants, le cheval Pégase, les quatre fils Aymon montés sur Bayard et chantant en flamand ; un char occupé par un arbre dont chaque rameau portait un enfant, représentant un des rois juifs ancêtres de la Vierge ; un énorme griffon, des chevaux, des chameaux et des autruches montés par des anges, un serpent vomissant du feu ; et enfin seize chars de triomphe figurant les mystères de la vie de la Vierge. Les patriciens, les serviteurs de la ville et les membres du magistrat précédaient le cortège religieux composé des trois ordres mendiants, du clergé des paroisses avec la châsse de sainte Gudule, de plusieurs abbés et du curé, du diacre et du sous-diacre du Sablon qui accompagnaient l'image de Notre-Dame honorée dans cette église.

» Sortie à huit heures du matin, cette magnifique cavalcade ne rentra qu'à midi. On exécuta ensuite à l'hôtel de ville un mystère en flamand, dont le sujet était tiré de la procession elle-même. »

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En 1698, l'Ommegang, dont les sorties avaient été interrompues depuis quelques années à cause des guerres continuelles, fut renouvelé, le 21 juillet, à l'occasion de la paix de Ryswyck qui avait mis fin, l'année précédente, à la guerre de la ligue d'Augsbourg. Il consista, comme à l'ordinaire, en une nombreuse cavalcade qu'accompagnait un grand nombre de chars de triomphe, de géants, de figures symboliques, d'animaux, etc. Les cinq serments s'y trouvaient, faisant par pelotons des décharges suivies de mousqueterie. Les arquebusiers portaient l'habit bleu que l'électeur leur avait donné[5] ; les membres des quatre autres serments étaient vêtus respectivement à la romaine, à l'espagnole, à la turque, à la paysanne.

À partir de cette date, les sorties de l'Ommegang furent de nouveau interrompues jusqu'en 1770. Les événements de la fin du siècle dernier le firent disparaître.

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Telle était cette procession célèbre qui fit l'admiration de tant de siècles. Le souvenir seul en subsiste encore.

La légende de Béatrix Soetkens a laissé plus de traces que L'Ommegang lui-même. Des tapisseries, des tableaux, des sculptures nous ont conservé cette tradition. Dans l'église du Sablon, vous pourrez voir, au-dessus du portail de l'est, donnant sur le Petit-Sablon, la barque de Béatrix Soetkens. La Vierge, portant Jésus enfant est adossée au mât. Béatrix est assise à l'avant, les mains jointes en signe d'adoration ; un pilote est au gouvernail.

Et maintenant encore, c'est le dimanche après l'Ascension (ou avant la Pentecôte), jour de l'arrivée de Béatrice à Bruxelles, que sort la procession du Sablon. En tête marchent les membres du Grand Serment royal de Saint-Georges, avec leur vieil étendard et leurs médailles, accompagnés du président revêtu du collier brodé d'or, insigne de sa dignité. Plusieurs bannières reproduisent l'image de la barque de Béatrix ; un petit bateau en bois, d'un mètre de long environ, avec la Vierge, Béatrix et le pilote, est porté dans le cortège.

Bien des gens, ignorant la légende, appellent cet esquif l'arche de Noé !


  1. Ce nom vient de deux mots flamands : omme ou om (autour, par) et gaen (aller) ; littéralement : parcours.
  2. Ce cimetière fut supprimé en 1704.
  3. Il y avait à Bruxelles cinq serments ou gildes : la Vieille Gulde de l'Arbalette ou Grand Serment des Arbalétriers ou Serment de Saint-Georges formé en 1422 par dédoublement du premier devenu trop nombreux le Serment des Archers ou de Saint-Sébastien et de Saint-Antoine fondé en 1428 ; le Serment des Arquebusiers ou de Saint-Christophe (1477) et le Serment des Escrimeurs ou de Saint-Michel (1480).
  4. Voir au musée ancien le tableau de Van Alsloot, La Procession de Sainte-Gudule à Bruxelles, avec les nombres qui « signifient. combien. de. maistres. il. y. at. en. chascun. mestier ».
  5. Voir page 20.