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La Logique déductive dans sa dernière phase de développement/3/09

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Principes d’identité, de contradiction et du tiers exclu

120. Les trois principes que je viens de nommer sont exprimés, dans le même ordre, par la  41


(I)

(dans laquelle x désigne un objet quelconque) et par les P
110.                              (II)

111.                              (III)

Dans la (II), pour plus de clarté et pour mieux faire ressortir la comparaison avec la (III), j’ai écrit, entre a et «  » le signe «  » que j’aurais pu sous entendre [ 29].

Dans les traités ordinaires de Logique, au principe d’identité on donne souvent la forme un peu vague « A est A », sans préciser si A désigne une ou une condition ou un objet quelconque, ni la signification donnée au mot « est » ; par conséquent, on ne saurait décider si l’on entend parler des P


dans lesquelles a est une , ou des  41, 42, 43. Mais, sans doute, la  41 mérite la préférence, parce qu’elle s’applique à tout objet ; et en effet les (I') (I") n’en sont que des cas particuliers.

On peut aussi exprimer les deux autres principes (II) (III), en se rapportant à une condition [119] :


()

()


c’est-à-dire : l’affirmation simultanée d’une condition et de sa négation est une condition absurde [1191] ;
tandis que : l’affirmation alterne d’une condition et de sa négation est une condition illusoire [1191].

Au principe (III’) on peut aussi donner la forme plus simple [119] :


()

121. La simplicité excessive du principe d’identité pourrait faire douter de sa fécondité. Dans plusieurs livres j’ai lu, en effet, que de l’affirmation tautologique «  » on ne saurait rien tirer ; mais il n’en est pas ainsi.

Tout le monde sait, par exemple, que


c’est-à-dire que : trois nombres qui vérifient l’égalité «  » vérifient aussi l’égalité «  », et réciproquement. Par suite, la vérité de chacune de ces égalités peut servir comme preuve de la vérité de l’autre.

Ainsi donc, pour démontrer que


il suffit de savoir que


et que (sans aucune )


c’est-à-dire : un fait arithmétique (qui dépend de la signification des symboles «  » et «  ») et un fait logique (qui ne dépend pas de la signification du symbole «  ») à savoir une application immédiate du principe d’identité.

De même, pour démontrer que

il suffit de savoir que
et que


c’est-à-dire : un fait arithmétique et un fait logique, à savoir une autre application immédiate du principe d’identité.

Donc le principe d’identité, même dans sa forme tautologique, peut servir comme moyen de preuve.

Mais, bien que pour nous le signe «  » signifie toujours « est la même chose que » [23], ce signe ne relie pas nécessairement deux écritures identiques. En effet, par exemple, les polygones équilatéraux et les polygones équiangles forment deux qu’on définit séparément ; mais on démontre, d’après Euclide, que

triangle équilatéral triangle équiangle


et que

triangle équiangle triangle équilatéral


d’où il résulte [ 52] que

triangle équilatéral triangle équiangle

Cette égalité n’est pas une tautologie. Ainsi que des centaines de analogues, elle énonce la découverte que deux , différentes au point de vue de la compréhension (c’est-à-dire des propriétés qui les caractérisent), se sont révélées égales an point de vue de l’extension (c’est-à-dire des individus qui les composent) ; car les mêmes triangles sont en même temps équilatéraux et équiangles.

Et cette égalité caractérise les triangles parmi tous les polygones ; car un polygone, qui ne serait pas un triangle, pourrait être équilatéral sans être équiangle, ou équiangle sans être équilatéral, c’est pourquoi il faut une troisième locution « polygone régulier » pour designer les polygones qui sont en même temps équilatéraux et équiangles (par exemple, les quadrilatères, des trois espèces que je viens de considérer, sont nommés losanges, rectangles, carrés).

Et ce que je viens de dire pour les pourrait être répété pour les conditions ; en effet, par exemple, les formules

et


dont nous venons de nous occuper, sont différentes au point de vue de la compréhension, mais elles sont égales au point de vue de l’extension (car les nombres xy, z qui vérifient la première, vérifient aussi la seconde, et réciproquement).

122. Le principe du tiers exclu [120 (III) (III') (III")] est celui qui est employé le plus souvent dans les mathématiques, comme moyen de preuve, dans les démonstrations qu’on appelle par absurde et qu’il vaudrait mieux appeler par exclusion.

En effet, on démontre qu’une assertion est vraie, en excluant la vérité de sa négation (ou d’une assertion qui serait impliquée par la négation de l’assertion donnée), savoir en prouvant que sa négation est fausse. Or, si la fausseté de la négation d’une assertion suffit à prouver la vérité de l’assertion donnée, c’est bien en vertu du principe du tiers exclu. (C’est de ce principe que prennent naissance aussi ces raisonnements qu’on appelle dilemmes.)

Il serait donc plus exact d’appeler démonstrations par l’absurde celles qui ont pour but de prouver la fausseté d’une assertion, au moyen de la vérité de sa négation ; et cela en vertu du principe de contradiction [120 (II) (II')].

Mais, très souvent, dans les démonstrations mathématiques qu’on appelle par l’absurde on a recours aux deux principes à la fois, du tiers exclu et de contradiction.

123. Dans plusieurs traités de Logique scholastique j’ai rencontré des pseudo-réductions de ces trois principes a un seul d’entre eux, n’importe lequel. Eh bien ! ces réductions sont impossibles, si l’on n’admet pas d’autres principes. L’emploi du langage idéographique nous donne le droit de l’affirmer a priori ; car, pour passer de l’un à l’autre de deux quelconques des énoncés symboliques de ces trois principes, il faut introduire ou éliminer quelques symboles, c’est-à-dire les idées logiques qu’ils représentent. Cela est possible ; mais, pour le faire, il faut connaître les procédés qui permettent ces transformations, c’est-à-dire… d’autres principes logiques !

D’où : l’impossibilité de réduire la Logique déductive à un seul principe. Si cela semble possible dans quelques traités, c’est que le langage ordinaire a tendu des pièges aux auteurs, qui ne se sont pas aperçus avoir recours dans leurs réductions aux principes mêmes qu’ils voulaient démontrer ou à d’autres principes qui n’étaient pas les trois en question.

124. D’ailleurs, cette analyse est bien facile.

Le principe de contradiction et celui du tiers exclu [120 (II) (III)] sont corrélatifs [111] ; il est donc très aisé de passer de l’un à l’autre, et réciproquement,… pourvu qu’on connaisse une partie au moins de la loi de dualité !

On peut aussi passer du principe d’identité au principe de contradiction ou du tiers exclu, et réciproquement. Pour simplifier les choses, considérons ces principes tels qu’ils se présentent dans la théorie des et supposons connue la P


112.                    


qui résulte des  52 et 53, en les résumant moyennant les  52, 54, 57.

En y remplaçant b par a, elle devient


(1)

La propriété simplificative du signe «  » (sous entendu), c’est-à-dire la  77 appliquée aux conditions, nous donne


(2)

Les  70 et 71, en y remplaçant b par a, donnent


(3)

(4)

Enfin, au moyen de la propriété transitive de l’égalité [ 46], des  (1) (2) (3) on obtient la P


(5)


qui énonce l’équivalence des principes d’identité et de contradiction ; tandis que des  (1) (2) (4) on obtient la P


(6)


qui énonce l’équivalence des principes d’identité et du tiers exclu.

Mais pour démontrer les  (5) (6) nous avons eu recours aux  112, 77, 70, 71, 46, c’est-à-dire à cinq autres principes logiques !

125. Les principes de contradiction et du tiers exclu [120 (II) (III)] prennent parfois, pour les , les formes (corrélatives entre elles [111])


113.                    
114.                    


et les formes (aussi corrélatives entre elles) à double rôle

dont l’affirmation simultanée est équivalent [ 52] à la formule [ 25]


qui, par suite, résume les deux principes de contradiction et du tiers exclu.