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Le Correcteur typographe (Brossard)/volume 2/11/01

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Imprimerie de Chatelaudren (2p. 197-199).


I

LE MARBRE


Le marbre est utilisé pour l’imposition et la désimposition des formes, pour leur distribution ou « désossage », pour leur correction et aussi pour toutes les fonctions qui exigent des tables solides et rigoureusement horizontales.

Dès les premiers temps de l’imprimerie, ces tables furent constituées par d’épaisses plaques de marbre, puis, à une époque ultérieure, par des pierres extra-dures, soigneusement polies. De nos jours, la fonte, beaucoup plus résistante, plus économique en raison de sa longue durée, a remplacé avantageusement le marbre et la pierre. Toutefois le nom primitif de marbre a été conservé.

Les marbres sont de dimensions fort variables : l’importance de l’imprimerie et le genre de travaux sont, pour leur acquisition, un critérium auquel il faut se conformer : les industriels fabriquent couramment des marbres allant jusqu’à 2 mètres de longueur et ayant une largeur de 1 mètre. Les dimensions les plus usitées varient de 0m,40 de longueur sur 0m,30 de largeur, par fractions de 0m,10, jusqu’à 1m,00 de long sur 0m,80 de large ; au delà de ces dimensions, les longueurs augmentent de 0m,25 jusqu’à 2m,00 sur 0m,80 et 1m,00 de large.

L’épaisseur est, en moyenne, de 0m,05 aux bords extérieurs, et de 0m,015 à 0m,02 dans les parties intérieures. Une nervure médiane circulaire, avec croisillons, à laquelle viennent se réunir, en nombre variable, d’autres nervures longitudinales, renforce le dessous et donne au marbre une rigidité et une solidité absolues.

La plupart des marbres sont, en outre, généralement construits pour pouvoir être assemblés deux à deux, en longueur ; à cet effet, ils portent, sur un de leurs côtés, des oreilles verticales ou un renflement horizontal permettant, à l’aide de boulons ou de fortes vis, de serrer énergiquement l’un contre l’autre les deux marbres.

Le marbre est supporté par un pied, sorte de meuble de 0m,80 de hauteur environ, de longueur et de largeur correspondantes à colles du marbre lui-même. En France, les pieds de marbre, de construction plutôt rudimentaire, sont en hêtre et en bois de sapin, sommairement travaillés : ils sont disposés pour des usages divers : avec tiroirs, pour renfermer les outils et les accessoires d’imposition dont le typographe a besoin : avec tablettes ou ais, peut recevoir les paquets de composition, les pages prêtes à l’imposition et à la distribution, etc. ; avec X ou montants verticaux, pour garde-formes ; avec bardeaux, pour ranger les fontes, lors de leur arrivée de la fonderie, ou conserver les sortes surabondantes ; enfin, ces diverses dispositions peuvent être combinées, et un pied de marbre recevoir deux ou trois affectations différentes.

Parfois, quoique rarement, les pieds de marbre sont construits en fer ou en fonte ; ils sont, d’ailleurs, agencés comme les pieds en bois, soit avec tablettes ou ais, soit avec tiroirs ou bardeaux, ou encore disposés à la demande de l’acquéreur.

À l’Étranger, et particulièrement en Amérique et en Angleterre, les pieds de marbre sont l’objet d’une construction plus soignée et, tout au moins d’apparence, plus robuste : ils sont construits en chêne ou en bois très dur, et toutes les parties sont boulonnées, ce qui leur donne une rigidité à toute épreuve ; d’autre part, dans un but de propreté fort appréciable, toutes les parties extérieures sont soigneusement vernies. Il n’est pas jusqu’aux plateaux ou tablettes eux-mêmes qui ne soient l’objet de soins spéciaux : le fond en chêne de 2 centimètres environ est raboté et poncé, afin que le frottement de la composition ne puisse lever aucun éclat ; un rebord enveloppe cette surface sur trois côtés, la dépassant en dessus et en dessous et formant support ; des rivets traversent le bois dans toute son épaisseur, et donnent ainsi une grande solidité, en empêchant d’une façon absolue l’ensemble de jouer et de se disjoindre ; enfin, le devant du plateau, légèrement encoché sur toute sa longueur, permet d’appuyer le fond ou les oreilles de la galée et de glisser, sans crainte d’accident, la composition de celle-ci sur le plateau, ou réciproquement. Les tasseaux sur lesquels reposent ces plateaux sont ajustés à queue d’aronde et solidement maintenus le long des montants par de fortes vis.