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Le Correcteur typographe (Brossard)/volume 2/11/02

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Imprimerie de Chatelaudren (2p. 199-202).


II

LE CHÂSSIS


Le châssis est un cadre rectangulaire en fer ou en acier, solidement assemblé, dans lequel sont disposées les pages à imposer ; parfois une barre séparant le cadre en deux parties ou côtés est ajustée à l’intérieur. — Tout cadre dépourvu de la barre intérieure est plus proprement désigné sous le nom de ramette.

La largeur des quatre, bandes composant le châssis est variable suivant le travail auquel celui-ci est affecté et le degré de résistance exigé. Leur hauteur est généralement de 0m,015, conséquemment inférieure à celle de la lettre et même à celle des garnitures : on évite ainsi que, les rouleaux venant, au cours du tirage, en contact avec les châssis, la feuille de papier soit maculée d’encre.

L’assemblage des bandes doit être rigoureusement à angle droit ; chacune de leur surface intérieure, parfaitement lisse et soigneusement parallèle l’une par rapport à l’autre. Le moindre travers de l’ensemble, une minime déformation de l’une des bandes occasionneraient, lors de l’imposition, un « gauche » auquel il serait impossible de remédier et qui donnerait au texte après impression un travers du plus désagréable effet. Les bandes doivent être bien dressées, afin que le châssis porte d’aplomb sur la presse ; les coins extérieurs seront légèrement arrondis et terminés en biseau, pour que les châssis soient plus faciles à transporter et qu’ils se posent sur le marbre sans difficulté.

En raison des efforts auxquels il est soumis, le châssis doit être d’une résistance à toute épreuve : les poussées qui s’exercent sur les bandes, et particulièrement vers leur milieu, tendent à les déformer en les cintrant vers l’extérieur ; celles qui influent sur les angles tendent surtout à les briser : on remédie à ces dernières en forgeant avec le plus grand soin l’assemblage des barres ; à ce point de vue la soudure autogène ou électrique qui donne au métal une liaison et une homogénéité aussi parfaites que possible est venue apporter un concours des plus utiles. Toutefois, il ne faut pas l’oublier, plus la température de la soudure autogène est élevée, plus le métal a tendance à se déformer, en raison de l’influence de la chaleur sur les molécules constitutives de l’acier ou du fer : il est indispensable, la soudure terminée, de reviser avec le plus grand soin l’équerrage de chacun des angles et, au besoin, de l’ensemble.

La barre intérieure est, en règle générale, de moindre épaisseur, un tiers environ, que les bandes composant l’ensemble du cadre ou châssis. Elle est placée : a) tantôt au milieu du châssis qu’elle sépare en deux parties égales ; b) tantôt, sur le côté, au tiers du châssis : elle est fixe, et, dès lors forgée et soudée avec l’ensemble du cadre, ou mobile et assemblée avec les bandes, à queue d’aronde et vis ; dans ce dernier cas, elle peut être enlevée, et le châssis se transforme en rainette ; c) ou placée indifféremment au milieu ou au tiers du cadre, le châssis devenant, suivant les circonstances, un châssis in-8 ou in-12 ; les bandes portent à cet effet les entailles nécessaires au placement de la barre. Mobile, la barre doit être forcée pour entrer dans les entailles où on doit l’enclaver ; sa parfaite solidité est indispensable, pour que la forme ne court pas le risque de céder quand on l’enlève de dessus le marbre ; il faut, en outre, et pour les motifs donnés antérieurement, qu’elle soit exactement perpendiculaire à l’une et à l’autre bande, calibrée avec précision et d’une force bien égale dans toute son étendue, afin que les pages ne chevauchent pas et que le registre ne puisse varier. La barre médiane des châssis in-4 porte deux crénures ou entailles situées à 5 centimètres environ des bandes, et de 6 à 8 centimètres d’étendue chacune, bien évidées et suffisamment profondes pour laisser passage aux ardillons des pointures des machines en blanc, qui sans cette précaution risqueraient d’être écrasés lors de leur rencontre avec le fer.

D’après H. Fournier, on appelle hauteur d’un châssis la distance des deux bandes qui sont, l’une la plus rapprochée, l’autre la plus éloignée de la personne qui impose ; la largeur est la distance des deux bandes latérales.

La barre du châssis in-8 est placée dans le sens de la hauteur : 4 pages de chaque côté ; celle du châssis in-16 est dans le sens de la largeur : 8 pages de côté et d’autre ; ces châssis sont vulgairement désignés sous le nom de châssis in-4.

Le châssis in-12, à « la française », a sa barre dans le sens de la longueur : les douze pages sont partagées en deux parties égales ; dans la disposition « hollandaise », la barre, séparant les pages 4 au haut du châssis et 8 en bas, occupe sur la largeur la place des grandes têtières.

Les châssis croisillons possèdent une barre en largeur et une en hauteur, assemblées à leur point de rencontre ; on parvient ainsi à donner à ces châssis, ordinairement de grandes dimensions, une rigidité relativement forte.

Théoriquement, la ramette doit servir à l’imposition des ouvrages connus sous la dénomination générique de travaux de ville, tels que placards, tableaux, prospectus, programmes, etc. Son emploi est dès lors des plus fréquents, pour des modèles de tous formats et de proportions des plus diverses. Il s’ensuit que les formats de ramettes, dont dispose une imprimerie, sont souvent fort nombreux et aussi variables : « on en voit de très longues et très étroites qui servent à des têtes de registres ; d’autres, à bandes très larges et très épaisses, notamment pour l’imposition des placards ou d’autres compositions massives et compactes, qui exigent une solidité et une résistance particulières ; d’autres, au contraire, extrêmement restreintes dans leurs proportions qui parfois n’atteignent pas celles d’une page in-8. Les ramettes, à la différence des châssis, se placent dans n’importe quel sens sur le marbre de la presse ; et elles peuvent occuper toutes les positions exigées » pour le tirage du modèle.

Les ramettes se fabriquent d’ailleurs, comme les châssis, à feuillures ou à petites barres, pour des assemblages de deux ou de quatre, surtout utilisés pour l’impression des journaux.

Les châssis sont destinés plus spécialement aux impositions des labeurs ; pour ce motif, ils sont fréquemment appareillés par deux et poinçonnés d’un signe distinctif permettant de les assortir sans difficulté. Leurs dimensions suivent ordinairement celles des formats de papiers, variant du pot au double jésus : les châssis in-4, presque carrés, ont cependant un léger excédent de largeur de quelques centimètres ; les châssis in-12, plus allongés dans le sens de la barre, ont un quart de plus de hauteur. Toutefois ces proportions ne sont qu’indicatives pour les formats courants : très souvent, en effet, des formats spéciaux ou des combinaisons de tirage exigent des châssis fabriqués en dehors des dimensions usitées, ou nécessitent, de minimes modifications aux châssis ordinaires.

Les dimensions un peu faibles du marbre de la presse, l’étroitesse des marges du papier obligent parfois à l’emploi d’un genre de châssis dit châssis brisé ou à feuillure. L’une des bandes côté du châssis est évidée, c’est-à-dire entaillée sur la moitié au moins de sa largeur et de son épaisseur ; ce châssis se joint à un autre dont la bande est évidée de même manière, mais en sens inverse. Les châssis brisés ou à feuillure peuvent, selon les circonstances, s’assembler ainsi par deux ou par quatre, suivant l’emplacement des évidements de leurs bandes. Malgré l’évidement, la bande du châssis, si le travail de forge a été soigneusement exécuté, conserve presque entière sa force de résistance.

À la place du châssis à feuillure, on utilise encore, le châssis à petites barres : la bande de côté, au lieu d’être évidée, est réduite de moitié, du tiers, ou de toute autre quantité nécessaire. Ici encore l’assemblage peut avoir lieu, pour le tirage, par deux ou par quatre, les petites barres se trouvant aux côtés voulus. Ces petites barres présentent un point de moindre résistance aux efforts d’écartement produit par le serrage ; aussi est-il indispensable, pour conserver à ces châssis toute leur rigidité et éviter leur déformation, que la barre médiane soit toujours fixe.