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Le spectre menaçant/03/24

La bibliothèque libre.
Maison Aubanel père, éditeur (p. 240-241).

XXIV

Pendant six mois, les meilleurs limiers du Canada parcoururent le pays et même plusieurs villes américaines, cherchant, parmi la pègre, celui dont André leur avait donné le signalement. Un jour, la rumeur courait que l’être recherché avait été trouvé dans une ville du sud des États-Unis ; un autre jour, on avait retracé l’individu à Toronto. Rien d’officiel n’était cependant rapporté, si ce n’est qu’on espérait bientôt mettre la main sur lui. Il avait été vu à tel endroit, mais, se sentant poursuivi, il avait fui vers un autre. Finalement, de guerre lasse, ils abandonnèrent la partie et firent leur rapport en conséquence.

Agathe apprit l’insuccès d’André avec une douleur facile à comprendre. Ce dernier discontinua ses visites auprès d’elle, ayant abandonné tout espoir de se réhabiliter. Monsieur Drassel avait dit : La main d’Agathe est à ce prix, et ce prix il ne pouvait le payer. Le désappointement était aussi vif chez les Drassel que du côté d’André, mais à l’impossible nul n’est tenu.

André, que cet insuccès avait terrassé, perdait l’appétit et commençait à donner des signes de dépression physique. Le médecin lui conseilla un voyage en Floride, loin de tous tracas. Ce fut peine perdue ; il ne voulut pas s’éloigner de celle qu’il adorait, sans avoir tenté un dernier effort.

L’état d’Agathe n’était pas plus encourageant. Madame Drassel, qui avait posé les premières objections aux fréquentations, poussait maintenant son mari à retirer les siennes au mariage.

Monsieur Drassel, qui était doué de cette ténacité écossaise bien connue, hésita longtemps, mais, finalement, il refusa son consentement avant que de nouveaux efforts soient faits. Il prit la cause en mains et retint les services des meilleurs avocats, pour faire reviser le procès et casser la sentence qui avait été prononcée contre André.