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Les jours et les nuits/II/IV

La bibliothèque libre.
Société du Mercure de France (p. 92-94).

iv
le trou de balle

En voici un qui commence la déroute : Boudaire a défait un de ses paquets de cartouches et renouvelé le suicide militaire classique, son pied court déchaussé. Sengle exultant va voir.

Un de ses camarades d’escouade, Nosocome, étudiant en médecine, porte le blessé ; Busnagoz pérore :

« Il n’y a rien à faire. Impossible d’extraire la balle. L’abdomen perforé. Un bout du foie sort. Il n’y a qu’à laisser crever. »

Nosocome, plus diplômé que Busnagoz, fut chargé d’un rapport :

« L’autopsie faite par nous confirme le diagnostic de Monsieur le Médecin-Major de deuxième classe Busnagoz, avec les différences suivantes :

« La balle n’est pas restée dans la plaie, mais s’est logée dans une poutre du plafond, qu’elle a peu profondément trouée et où elle est parfaitement visible.

« La balle n’a pas pénétré dans l’abdomen, mais au-dessus du diaphragme, au niveau du sixième espace intercostal gauche, et est ressortie en perforant l’omoplate droite.

« Elle n’a pas lésé le cœur ni même le péricarde, contournant simplement la pointe et traversant le poumon droit.

« Le bout d’organe rouge-brun qui apparaît hors de la blessure n’est pas du foie (lequel ne se trouve pas, comme on sait, au-dessus du diaphragme), mais du tissu pulmonaire hépatisé.

« La blessure était peu grave et le malade pouvait se rétablir après un simple pansement.

« Nosocome
« Interne des hôpitaux, actuellement soldat de deuxième classe au Qe de ligne. »