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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/238

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Brenhilda à sa suivante. Les mœurs sévères, la science profonde et la droiture inébranlable qu’affectait cet infâme vieillard m’a fait croire au caractère qu’il voulait se donner ; mais le voile est tombé depuis qu’il m’a laissé entrevoir son alliance avec l’indigne césar, et cet homme hideux est maintenant pour moi dans sa laideur naturelle. Néanmoins, si je puis, par adresse ou par ruse, tromper cet architrompeur… puisqu’il m’a ôté à peu près tout autre moyen de secours… je ne me refuserai pas l’aide de la finesse, et il verra peut-être que je puis m’en servir aussi bien que lui. — Entendez-vous ? dit le Varansien au comte de Paris ; que votre impatience ne vienne pas rompre le tissu formé par la prudence de votre épouse. Je mettrai toujours l’esprit d’une femme en balance contre la valeur d’un homme, quoi qu’il s’agisse de faire. Ne lui portons donc pas secours avant que sa sûreté et le succès de notre entreprise nous en imposent le devoir. — Ainsi soit-il, répliqua le comte de Paris ; mais n’espère pas, sire Saxon, que ta prudence me persuade de quitter ce jardin sans tirer une pleine vengeance de cet indigne césar et de ce prétendu philosophe, s’il est vrai qu’il avait feint d’être… » Le comte commençait à élever la voix, lorsque le Saxon, sans cérémonie, lui mit la main sur la bouche. « Tu prends de grandes libertés, » ajouta le comte, en baissant néanmoins le ton.

« Oui, vraiment ! répliqua Hereward ; quand la maison est en feu, je ne m’informe point si l’eau que je jette pour l’éteindre est parfumée ou non. »

Cette réplique ramena le Franc au sentiment de sa situation ; et s’il n’était pas content de l’excuse du Saxon, il garda cependant le silence. Un bruit éloigné se fit alors entendre… La comtesse écouta et changea de couleur. « Agathe, dit-elle, nous sommes comme des champions dans la lice, et voici venir l’adversaire ! retirons-nous dans ce cabinet, pour retarder de quelques instants une attaque si alarmante. » En parlant ainsi, les deux femmes se retirèrent dans une espèce d’antichambre qui communiquait avec l’appartement principal par une porte qui se trouvait derrière le siège qu’avait occupé Brenhilda.

Elle avait à peine disparu, que de l’autre côté, suivant l’usage au théâtre, entrèrent le césar et Agelastès. Ils avaient peut-être entendu les derniers mots de Brenhilda, car le césar dit à voix basse :

Militat omnis amans, habet et sua castra Cupido[1].
  1. Tout amant combat, et Cupidon fait aussi la guerre. a. m.