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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/97

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d’armées européennes s’avancent par différentes routes vers l’Est : mais tous annoncent que la conquête de la Palestine sur les infidèles est le but commun de leur marche. — Voilà une terrible énumération, » dit l’empereur en parcourant l’écrit, « et fort heureuse dans ce sens que sa longueur même nous assure de l’impossibilité que tant de princes soient sérieusement et fermement unis pour un si odieux projet. Ainsi, mes yeux tombent d’abord sur le nom bien connu d’un ancien ami, maintenant notre ennemi… car telles sont les chances alternatives de la paix et de la guerre… Bohémond d’Antioche. N’est-il pas fils du célèbre Robert d’Apulie, si renommé parmi ses compatriotes, qui l’élevèrent au rang de grand-duc, de simple cavalier qu’il était, et qui devint chef de cette nation belliqueuse en Sicile et en Italie ? Les étendards de l’empereur d’Allemagne, ceux du pontife romain, et même nos bannières impériales ne reculèrent-ils pas devant lui ? Enfin, devenu aussi adroit homme d’État que brave guerrier, il remplit l’Europe de terreur, après avoir été un simple chevalier dont le château normand eût à peine contenu une garnison de six archers et d’autant de lances ! C’est une redoutable famille, une race rusée autant que puissante. Mais Bohémond, le fils du vieux Robert, suivra la politique de son père. Il peut bien parler de la Palestine et des intérêts de la chrétienté ; mais si je puis faire que ses intérêts soient les mêmes que les miens, il n’est pas probable qu’il se laisse guider par aucun autre objet. Avec la connaissance que je possède déjà de son caractère, il peut se faire que le ciel nous envoie un allié sous la forme d’un ennemi. Qui avons-nous ensuite ? Godefroy, duc de Bouillon, amenant, je vois, une bande très formidable des bords d’une grande rivière appelée le Rhin. Quel est le caractère de ce personnage ? — D’après ce que j’en jais, répliqua Nicéphore, ce Godefroy est un des plus sages, des plus nobles et des plus braves chefs qui se sont aussi singulièrement mis en mouvement ; et dans cette liste des princes indépendants, aussi nombreux que ceux qui s’assemblèrent pour le siège de Troie, et suivis chacun par des sujets dix fois plus nombreux, ce Godefroy peut être regardé comme l’Agamemnon. Les princes et les comtes l’estiment, parce qu’il est au premier rang de ceux auxquels ils donnent le nom fantasque de chevaliers, et aussi pour la bonne foi et la générosité qui dirigent toutes ses actions. Le clergé chante ses louanges, à cause de son zèle extraordinaire pour les doctrines religieuses, et de son respect pour l’Église et ses dignitaires. Sa justice, sa libéralité et sa fran-