Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/318

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voudrais bien savoir ce que pourront faire les cinq cents autres.

— Au nom du ciel, dis-je, comment font-ils pour vivre, monsieur Jarvie ? Je frémis en songeant à leur situation.

— Vous frémiriez bien davantage si vous viviez auprès d’eux ; car, en admettant encore qu’une moitié de cette moitié puisse trouver moyen de gagner honnêtement quelque petite chose dans le plat pays, soit à faire la moisson, soit à soigner les bestiaux, à couper les foins et autres choses de ce genre, combien ne reste-t-il pas encore de ces montagnards qui ne veulent ni travailler ni mourir de faim, et qui n’ont d’autres ressources que de mendier ou de voler, ou de vivre à la charge du laird, en obéissant à ses ordres, quels qu’ils soient ! Ils descendent par centaines jusque sur les frontières du pays plat, où ils trouvent plus à voler, et ils y vivent de pillage, enlevant des bestiaux et se livrant à toutes sortes de déprédations. Chose déplorable dans tout pays chrétien, et d’autant plus qu’ils s’enorgueillissent, et qu’ils estiment que c’est une action bien plus brave, bien plus noble et plus digne d’un joli[1] garçon (c’est le nom que se donnent ces pillards) d’enlever un troupeau par la force des armes, que de gagner sa journée par un travail honnête ! Ensuite le chef ou laird ne vaut pas mieux que les vassaux, car s’il ne leur dit pas précisément d’aller voler et piller, du diable s’il les en empêche ; au contraire, il leur donne asile, ou les laisse se cacher dans ses bois, ses montagnes ou ses forteresses, quand ils ont fait leur coup. Chaque chef entretient autant d’hommes de son nom et de son clan qu’il peut en faire vivre par le pillage, ou, ce qui revient au même, autant qu’il en peut trouver capables de se soutenir eux-mêmes, n’importe par quels moyens. Et vous les voyez toujours armés de fusils, de pistolets, de poignards et de sabres, tout prêts à troubler la paix du pays au premier mot du chef. Voilà ce qui fait le malheur de ce pays de montagnes qui, depuis plus de dix siècles, a été le repaire de cette race effrénée, qui n’est chrétienne que de nom, et qui ne cesse d’inquiéter d’aussi paisibles voisins que nous, gens honnêtes et craignant Dieu.

— Et ce Rob, votre parent et votre ami, demandai-je, est sans doute un de ces grands propriétaires qui entretiennent les bandes de pillards dont vous venez de parler ?

  1. Le mot de joli garçon est employé parmi les Écossais dans le sens du prachtig des Allemands, et veut dire un jeune gaillard, brave, actif, prompt et adroit à se servir de ses armes. a. m.