Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/415

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avait dû être, ne m’en parut pas moins cruel, et la voix de Mac-Gregor qui m’engageait à poursuivre mon récit frappait mes oreilles sans arriver jusqu’à mon esprit.

« Vous souffrez, » me dit-il enfin après m’avoir deux fois adressé la parole sans recevoir de réponse : « les fatigues de cette journée ont été trop fortes pour vous qui n’êtes probablement pas habitué à de pareilles choses. »

Le ton d’intérêt avec lequel il prononça ces paroles me rappela à moi-même et à ma position, et je continuai mon récit du mieux que je pus, Rob-Roy exprima une joie triomphante du succès de l’escarmouche qui avait eu lieu dans le défilé.

« On dit, observa-t-il, que la paille du roi vaut mieux que le blé des autres ; mais je ne crois pas qu’on puisse en dire autant des soldats du roi, s’ils se laissent battre par de débiles vieillards, par des enfants qui n’ont pas encore atteint l’âge de porter les armes, et par des femmes armées de leurs fuseaux et de leurs quenouilles ; en un mot, par le rebut du pays… Et Dougal donc ! Qui aurait cru qu’il y eût tant de bon sens sous cette crinière hérissée et dans ce crâne qui paraît si épais ? Mais continuez, quoique je craigne presque d’entendre la suite, car mon Hélène est une diablesse incarnée quand son sang s’échauffe… La pauvre femme… elle n’en a que trop de raisons ! »

Je lui racontai avec autant de délicatesse que possible les traitements que nous avions reçus, et je vis que ces détails lui causaient un vif déplaisir.

« J’aurais donné mille marcs pour être chez moi ! s’écria-t-il… Traiter ainsi des étrangers, et surtout mon propre cousin, un homme qui m’a rendu tant de services !… je préférerais que dans leur colère ils eussent brûlé la moitié du comté de Lennox. Mais voilà ce que c’est que de se fier à des femmes et à des enfants ; ils ne mettent dans leurs actes ni mesure, ni raison. Au surplus, tout cela vient de ce chien de douanier qui m’a trahi en m’apportant un prétendu message de votre cousin Rashleigh, qui m’engageait à l’aller trouver pour les affaires du roi ; et il me paraissait très-probable qu’il fût avec Garschattachin et autres gens du comté de Lennox, qui doivent se déclarer pour le roi Jacques. Mais, ma foi, quand j’appris que le duc était là, je vis que j’étais trahi, et lorsqu’on m’attacha les bras avec une courroie, je pus prévoir le sort qui m’était réservé. Je savais que votre cousin, peu scrupuleux lui-même, est habitué à se servir de ceux qui lui