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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/88

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— Alors, monsieur, si je suis trop âgé, à votre avis, pour aller au collège, permettez-moi de retourner sur le continent.

— Vous y êtes déjà resté trop long-temps, monsieur Francis.

— Alors, monsieur, je prendrai l’état militaire de préférence à toute autre carrière active.

— Prenez le diable ! » s’écria mon père brusquement. Puis s’adoucissant : « En vérité, vous me rendez plus fou que vous-même… Que faut-il de plus pour faire perdre la tête, Owen ?… » Le pauvre Owen s’inclina sans mot dire. « Écoutez, Frank, continua mon père, je m’en vais tout arranger en deux mots : J’avais votre âge quand mon père me mit à la porte, et légua ma part d’héritage à mon jeune frère. Je sortis de la maison d’Osbaldistone sur un mauvais cheval de chasse, avec dix guinées dans ma bourse. Je n’en ai pas repassé le seuil depuis, et ne le repasserai jamais. Je ne sais pas et m’inquiète peu de savoir si mon frère le chasseur au renard vit encore, ou s’il s’est cassé le cou ; mais il a des enfants, Frank, et j’en adopterai un, si vous me poussez à bout.

— Vous ferez comme il vous plaira, » répondis-je avec le dédain de l’indifférence plutôt qu’avec le ton du respect ; « votre bien est à vous.

— Oui, Frank, mon bien est à moi, si la peine que je me suis donnée pour l’acquérir et pour l’augmenter constitue le droit de propriété ; mais le frelon ne mangera pas le miel amassé par l’abeille. Pensez-y bien ; ce que j’ai dit, ce que j’ai résolu, je l’exécuterai.

— Mon respectable patron, mon cher patron, s’écria Owen les yeux baignés de larmes, vous n’avez pas coutume de mettre tant de précipitation dans les affaires importantes. Avant d’arrêter le compte, laissez à M. Francis le temps de vérifier les produits. Il vous aime, j’en suis sûr, et lorsqu’il aura mis son obéissance filiale en balance avec sa volonté, je suis sûr qu’il ne fera plus aucune objection.

— Pensez-vous, dit mon père sévèrement, que je lui propose deux fois d’être mon ami, mon aide, mon confident, de s’associer à mes travaux et à ma fortune ?… Owen, je croyais que vous me connaissiez mieux. »

Il me regarda, comme s’il se disposait à ajouter quelque chose, mais il se tut, me tourna le dos, et sortit brusquement. J’étais, je l’avoue, vivement ému ; la question ne s’était pas encore présentée sous cet aspect à mon esprit, et mon père n’eût pas eu sans doute