Aller au contenu

Page:Académie française - Recueil des discours, 1890-1899, 2e partie, 1900.djvu/212

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

deux sculpteurs traitent le même sujet, s’ils nous montrent la même Madone avec le même enfant, ou la même Jeanne d’Arc, je voudrais que l’on me dit en quoi ces Jeanne d’Arc ou ces Madones diffèrent ; et que l’on me l’expliquât par des raisons techniques, par des raisons tirées de l’art ou du métier même du sculpteur ou du peintre. Il doit y avoir de ces misons. Ou plutôt, il y en a, j’en suis sûr, puisque Eugène Fromentin, dans ses Maîtres d’autrefois, nous en a donné quelques-unes ; et tels encore de nos confrères, M. Eugène Guillaume, dans ses savantes lecons du Collège de France, ou M. Jules Breton, dans son autobiographie d’Un Peintre paysan. D’une manière de dessiner ou de peindre à une autre manière, il y a autant de différence que du style de Corneille à celui de Racine ; et cette différence est « technique et je voudrais qu’on me la fit entendre. « Après cela, dit Benvenuto Cellini dans un passage souvent cité, tu dessineras l’os qu’on appelle sacrum : il est très beau » Je voudrais savoir ce qu’il y a de si beau dans l’os qu’on appelle sacrum ! Et quand je le saurais, quand nous le saurions, si l’on persistait à faire de la littérature à propos d’une toile ou d’un marbre, on le pourrait, on on ferait ! Mais nous, en attendant, nous aurions appris quelque chose ! Nos opinions ne seraient plus la naïve et mobile expression de notre incompétence ! Il y aurait enfin une critique d’art, et non plus seulement, à propos d’art, de la critique encore et toujours purement littéraire.

Vous étiez digne, Monsieur, de poursuivre cette entreprise. Vous aviez tout ce qu’elle exigerait, pour être conduite à bonne fin, de connaissances exactes, de sûreté de goût, d’intelligence du métier. Vous nous eussiez donné,