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Page:Académie française - Recueil des discours, 1890-1899, 2e partie, 1900.djvu/331

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J’ai à peine connu M. Pasteur, juste assez pour être frappé des caractères qui, à première vue, se dégageaient de toute sa personne : une volonté obstinée, un sérieux profond, une force sûre d’elle-même, une foi capable de soulever des montagnes. Il m’a été donné par hasard, au moment où il venait de terminer ses expériences sur la rage, de l’entendre en exposer les résultats, et annoncer l’ère nouvelle qui s’ouvrait pour la science et pour l’humanité grâce à la connaissance de la vraie nature des maladies infectieuses et des moyens de les combattre. Ses yeux étaient illuminés d’une joie grave et comme prophétique, et le léger tremblement de sa voix disait la part que prenait son cœur aux vastes espérances de sa pensée. Je l’ai revu plus tard, courbé par le mal terrible qui allait le terrasser. Dans la déchéance physique où il était tristement réduit, la grandeur de l’âme survivait : cette pauvre enveloppe affaissée avait quelque chose d’auguste, comme un temple à demi écroulé, encore plein de la présence du dieu…


Louis Pasteur était de cette forte race comtoise, laborieuse, volontaire, tenace, au cœur chaud et sensible sous une forme un peu âpre, portée au rêve et parfois à la chimère autant qu’à l’action, race de logique subtile, d’imagination ardente, de méditation volontiers taciturne. Ses origines furent humbles, et il en garda le souvenir et la juste fierté. Dans le beau discours où, recevant ici M. Joseph Bertrand, l’éminent successeur de Jean-Baptiste Dumas, il fit l’éloge de son ancien maître, c’est avec un retour sur lui-même qu’il s’écriait : « Un commis de pharmacie d’Alais s’élevant, par son travail, à la pré-